Le gouvernement du Québec fait échouer les négociations qui visaient à mettre un terme à la grève étudiante

Hier après-midi, le gouvernement libéral du Québec a rompu les négociations avec les fédérations qui représentent les étudiants des cégeps et des universités de la province, affirmant que les pourparlers qui visaient à mettre un terme à la grève étudiante, qui dure maintenant depuis 16 semaines, étaient dans une « impasse ».

Les négociations, qui en étaient à leur quatrième journée, ont été organisées par le gouvernement à la suite de la promulgation d’une loi spéciale qui criminalise la grève étudiante et impose de sévères restrictions au droit de manifester en général, partout au Québec. Depuis l’adoption de la loi 78, quelque 1500 étudiants et leurs partisans ont été arrêtés à Montréal, Québec, Sherbrooke et Gatineau, la plupart pour le « crime » d’avoir manifesté.

Lors d’une conférence de presse tenue peu de temps après que la ministre de l’Éducation Michelle Courchesne a quitté la table de négociations, le premier ministre Jean Charest a maintenu que la porte du gouvernement demeurait « ouverte » à d’autres négociations. Il a ajouté qu’il espérait maintenant qu’il y ait « une période d’accalmie qui permettra à chacun de réfléchir à ces enjeux là ».

Mais peu après, Charest s’en est pris à la CLASSE (la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante), l’association étudiante qui a amorcé le mouvement de grève contre la hausse des frais de scolarité universitaires de 82 pour cent. Les représentants du gouvernement et les médias la présentent depuis le début du conflit comme une association « extrémiste », et même « violente ».

Réagissant à l’annonce de la CLASSE qu’une manifestation était organisée samedi en réaction à la rupture des négociations par le gouvernement, Charest a dit que l’association étudiante constituait une « menace ».

En parlant de la CLASSE, le premier ministre a affirmé que « ce sont des gens qui menacent les Québécois », et que son gouvernement « ne cède jamais devant la menace ».

Les chefs étudiants avaient accusé plus tôt le gouvernement de refuser de considérer leurs propositions d’un moratoire de deux ans sur la hausse des droits de scolarité universitaires qui aurait été financé par l’élimination du crédit d’impôt offert aux étudiants.

Le porte-parole de la CLASSE, Gabriel Nadeau-Dubois, qui mardi soir a félicité Charest pour avoir brièvement participé aux négociations, a dit que Courchesne avait agi « de mauvaise foi du début à la fin ». Il a ajouté qu’elle avait dit aux chefs étudiants qu’elle ne pouvait accepter de moratoire pour des raisons politiques.

En réalité, les dirigeants des associations étudiantes accréditées par le gouvernement, ceux de la CLASSE compris, se sont toujours pliés devant le gouvernement, tout comme ils l’avaient fait pour l’entente négociée le mois dernier qui a été massivement rejetée par les étudiants en grève.

Ils ont maintenu les négociations durant quatre jours, bien que depuis le début le gouvernement avait clairement indiqué qu’il n’allait pas discuter de l’abrogation de la draconienne loi 78 ou de ses clauses.

Hier matin, les associations étudiantes ont annoncé, dans un geste de « bonne volonté », qu’elles allaient demander aux tribunaux de reporter leur demande de contestation de la constitutionnalité de la loi 78.

De plus, les associations étudiantes ont accepté dès le premier jour des négociations le cadre financier établi par le gouvernement libéral. Non seulement le gouvernement avait-il déclaré publiquement que toute entente ne devait pas lui coûter un sou, mais, encore plus fondamentalement, que les négociations s’inscrivaient dans son programme général d’austérité.

Ce programme vise à accorder toujours plus de baisses d’impôt pour la grande entreprise et les riches, et à imposer de vastes coupes sociales, des privatisations, l’augmentation des tarifs aux usagers et des taxes régressives.

Le quotidien montréalais The Gazette a rapporté qu’un conseiller des négociateurs désignés pour les associations étudiantes avait décrit le cadre établi par le gouvernement – un cadre à l’intérieur duquel les associations étudiantes avaient accepté de négocier – de cette façon : « Je te donne un dollar et tu me redonnes quatre 25 sous. »

Ainsi, la proposition commune soumise par les quatre associations étudiantes provinciales demandait que le gouvernement finance un gel des frais de scolarité de deux ans, qui aurait été suivi d’une hausse de plus de 200 $ par année durant les cinq prochaines années, en éliminant le crédit d’impôt aux étudiants pour les droits de scolarité.

Le gouvernement avait d’abord proposé de réduire la hausse d’un maigre 35 $ par année en réduisant le crédit d’impôt. Il avait proposé ensuite de réduire la hausse à 100 $ durant la première année, mais cela aurait été financé par une hausse des droits de scolarité beaucoup plus importante durant les années suivantes.

Mais le gouvernement était catégorique : les frais de scolarité devaient augmenter chaque année. Il est déterminé à ne pas laisser paraître le moindre recul, même temporairement, sur un élément clé de son programme d’austérité : la mise en oeuvre et le développement systématiques du principe d’ « utilisateur-payeur » dans les services publics. Ce principe est un élément central de la contrerévolution sociale qui est menée par tous les gouvernements de la grande entreprise au Canada et internationalement. Pour la bourgeoisie, tous les droits sociaux doivent être abolis.

Les chefs étudiants craignent eux-mêmes le mouvement de contestation sociale de masse dont ils sont maintenant les dirigeants officiels. Ils ont demandé à maintes reprises au gouvernement de travailler avec eux pour calmer la crise sociale. « Ce que nous voulons est une sortie de crise », a déclaré la présidente de la FEUQ (Fédération étudiante universitaire du Québec) Martine Desjardins.

Après que Courchesne a rompu les négociations, ils ont insisté pour qu’elle retourne à la table.

La difficulté pour eux est de convaincre les étudiants, qui luttent pour un gel des frais de scolarité et pour que l’éducation soit reconnue comme un droit social, d’accepter une « entente » qui comporterait la quasi-totalité de la hausse prévue par le gouvernement, hausse qui serait imposée dès septembre.

La proposition des associations étudiantes d’un moratoire de deux ans est liée à leur perspective réactionnaire que, pour faire avancer leur lutte pour l’accès à l’éducation, les étudiants doivent appuyer le parti de la grande entreprise qu’est le Parti québécois à la prochaine élection, qui doit avoir lieu au plus tard en décembre 2013

Le torpillage des négociations par le gouvernement montre que l’élite dirigeante du Canada est déterminée à faire subir une défaite claire aux étudiants dans le but d’intimider tous les opposants aux mesures d’austérité. Les travailleurs du Canada et de partout en Amérique du Nord doivent se porter à la défense des étudiants et faire de leur grève et de l’opposition naissante à la loi 78 le catalyseur d’un développement d’un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière, en opposition à toutes suppressions d’emploi, à toutes baisses de salaire et à toutes coupes dans les dépenses sociales.

(Article original paru le 31 mai 2012)

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