Egypte: le président islamiste prête symboliquement serment sur la place Tahrir

Mohamed Morsi, le premier président égyptien depuis l’éviction révolutionnaire l’année dernière du dictateur de longue date, Hosni Moubara, a prêté symboliquement serment vendredi sur la place Tahrir au Caire.

Après la prière du vendredi, le dirigeant des Frères musulmans (FM) s’est adressé à des dizaines de milliers de personnes, en se présentant comme le président de la révolution et en prétendant vouloir « poursuivre [son] parcours. » Morsi a ensuite récité le serment présidentiel.

L’événement mis en scène était une mascarade. Son principal objectif était de rassurer les généraux du Conseil suprême des Forces armées (CSFA) que Morsi ne challengerait pas leur contrôle de l’État. À peine deux semaines après la dissolution du parlement dominé par les FM au moyen d’un coup d’État militaire de la junte, Morsi a souligné que son discours « ne signifie pas que je ne respecterai pas la loi, la constitution, le système judiciaire ou toute autre institution patriotique de l’Égypte. »

Dans un autre signal montrant qu’il défend la junte et sa contrerévolution, Morsi a officiellement prêté serment samedi devant la Cour suprême constitutionnelle (CSC), l’organe judiciaire de l’ère Moubarak qui avait déclaré inconstitutionnelles les élections législatives et ouvert la voie au CSFA pour dissoudre le parlement et l’assemblée constituante chargée de rédiger la nouvelle constitution égyptienne.

Après la décision de la CSC et la dissolution du parlement, la junte a publié un « complément » constitutionnel pour s’emparer de tous les pouvoirs législatifs et budgétaires de l’ancien parlement. Le CSFA a officiellement décrété l’indépendance des forces armées par rapport au contrôle civil, préparant le terrain pour une répression de masse des nouvelles protestations et des nouvelles grèves.

Il y a eu d’intensives discussions entre le CSFA et les Frères musulmans durant et après les élections présidentielles qui se sont déroulées sous l’égide de la junte. La moitié des électeurs inscrits s’étaient abstenus et les protestations ont éclaté après le premier tour à l’encontre des deux candidats droitiers – Morsi et le candidat soutenu par l’armée, Ahmed Chafiq.

La veille de l’apparition de Morsi sur la place Tahrir, le général Mohamed Assar, membre du CSFA, a dit à la chaîne de télévision privée CBC que l’armée a refusé d’abandonner aucun des pouvoirs qu’elle avait obtenus suite au coup d’État.

« Le [nouveau] gouvernement aura un ministre de la Défense qui présidera le Conseil suprême des Forces armées », a-t-il annoncé. À la question de savoir si ceci signifiait que le dirigeant du CSFA, Mohamed Hussein Tantaoui, le dictateur de fait de l’Égypte, garderait son poste de ministre de la Défense, Assar a dit : « Exactement. En quoi cela pose-t-il un problème ? Il est le chef du Conseil suprême des Forces armées, le ministre de la Défense et le commandant des forces armées. »

Assar a aussi prévenu les groupes politiques d’« équilibrer la politique égyptienne. » Il a mis en exergue les « tâches » des islamistes déclarant qu’ils « doivent apaiser les gens » et « assurer aux chrétiens coptes, aux libéraux, aux artistes et aux intellectuels que leurs droits sont garantis. » Il a ajouté que le « président élu Morsi a fait du bon travail à ce sujet. »

Washington a aussi fait l’éloge de Morsi qu’il considère comme un allié dans la défense de ses intérêts stratégiques et économiques en Égypte et en général dans la région. Mercredi, la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, a félicité Morsi en déclarant que « jusqu’ici, nous avons entendu quelques déclarations très positives. » Clinton a salué la promesse de Morsi d’honorer l’ensemble des obligations internationales de l’Égypte « qui, à notre avis, comprendrait le traité de paix avec Israël. »

Elle a ajouté, « Nous attendons du président Morsi qu’il fasse la preuve de l'engagement à l'inclusion manifesté par les représentants des femmes d’Égypte, de la communauté chrétienne copte, de la communauté laïque, non religieuse et des jeunes gens. »

Le même jour, un porte-parole de Morsi a annoncé que ses premiers rendez-vous en tant que président de l’Égypte seront avec une femme et un chrétien copte. Il projetterait aussi d’inclure des figures de groupes de jeunes de « gauche » dans son gouvernement.

Parmi les noms éminents entrant en considération figurent Ahmed Maher du Mouvement de la Jeunesse du 6 avril, Wael Ghonim, le cadre de Google et administrateur de la page Facebook intitulée « Nous sommes tous des Khaled Saïd, » et Amr Hamzawy, ancien directeur de recherche au Centre pour le Moyen-Orient de la fondation américaine Carnegie pour la paix internationale à Beyrouth et dirigeant du Parti Égypte libre.

Ces développements montrent clairement que l’ensemble de l’establishment politique – tant l’armée, que les islamistes, les libéraux et les organisations pseudo-gauches de la classe moyenne – s’est aligné contre la classe ouvrière égyptienne. Alors que la « transition démocratique » est mise à nue comme étant une supercherie totale, la bourgeoisie égyptienne et ses alliés impérialistes sont obligés de compter de plus en plus ouvertement sur leurs annexes pseudo-gauches pour sauvegarder le régime capitaliste et pour intensifier la répression de la classe ouvrière.

Le Mouvement de la Jeunesse du 6 avril tout comme les Socialistes révolutionnaires pseudo-gauches (SR) étaient présents sur la place Tahrir pour soutenir Morsi lorsqu’il a prêté serment. Hisham Fouad, un membre influent des SR a affirmé que le succès de Morsi dans les élections avait porté « un coup sérieux » à la contre-révolution en étant « un stimulant pour la révolution. » 

(Article original paru le 30 juin 2012)

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