En tournée au Moyen-Orient, le secrétaire d’Etat américain à la Défense Panetta menace la Syrie et l’Iran

Le 30 juillet, alors qu’il entamait sa tournée d’une semaine au Moyen-Orient, Leon Panetta a demandé un changement de régime en Syrie et menacé l’Iran de sanctions et de guerre.Panetta rendra visite au régime tunisien islamiste du premier ministre Hamadi Jebahi du Parti Hennadha, au président islamiste d’Égypte, Mohammed Morsi, ainsi qu’au maréchal Mohamed Hussein Tantaoui, le dirigeant de la junte militaire égyptienne soutenue par les États-Unis.

Le voyage de Panetta a pour objectif de resserrer les liens militaires des États-Unis avec les régimes islamistes qui sont arrivés au pouvoir après les soulèvements de masse de la classe ouvrière en Tunisie et en Égypte tout en poursuivant le renforcement de l’intervention militaire américaine dans toute la région.

A Tunis, la capitale de la Tunisie, Panetta a discuté de la possibilité d’une collaboration plus étroite entre les États-Unis et les responsables tunisiens du contre-terrorisme pour faire la chasse aux forces liées à Al Qaïda au Mali. Ces groupes, qui sont alliés aux forces touareg qui avaient fui l’année dernière la Libye pour se réfugier au Mali voisin après le renversement du régime du colonel Mouammar Kadhafi par l’OTAN, contrôlent actuellement la plus grande partie du Nord du Mali et qui s’était révoltée contre le gouvernement central de Bamako.

Panetta a menacé l’Iran en réitérant la menace classique du gouvernement Obama que « toutes les options », y compris la guerre, étaient « sur la table. »

Au cours du weekend, le conseiller américain à la sécurité nationale, Tom Donilon, aurait informé les responsables israéliens sur des plans d’urgence pour des attaques contre les installations nucléaires iraniennes et une guerre contre l’Iran, si Téhéran ne renonçait pas à son programme nucléaire.

Panetta a aussi toutefois suggéré que des sanctions internationales appliquées actuellement pourraient contraindre l’Iran à négocier un accord acceptable pour Washington. Des sanctions imposées par les États-Unis et l’Union européenne (UE) ont réduit de près de 40 pour cent les exportations de pétrole de l’Iran. La monnaie iranienne a perdu environ la moitié de sa valeur par rapport au dollar, appauvrissant les travailleurs iraniens du fait de la forte augmentation des prix des marchandises importées, dont la nourriture.

Panetta a expliqué, « Ces sanctions ont un sérieux impact en termes économiques pour l’Iran. Et, alors que les conséquences ne paraissent peut-être pas évidentes pour le moment, le fait est qu’ils ont exprimé la volonté de négocier et ils semblent encore intéressés à vouloir trouver une solution diplomatique. »

En prenant du recul par rapport à son évaluation faite au début de l’année comme quoi Israël était « susceptible » d’attaquer au printemps 2012, il a dit qu’Israël n’avait « pas pris de décision relative à l’Iran. »

Panetta a aussi menacé un allié clé de l’Iran, le président syrien Bachar al-Assad, dont le régime est actuellement confronté à une insurrection sunnite soutenue par les États-Unis et qui a plongé la Syrie dans une guerre civile.

Alors que Panetta s’exprimait en Tunisie, des combats ont éclaté dans la ville clé d’Alep dans le nord de la Syrie où des unités de l’armée ont attaqué des milices anti-Assad qui avaient pris plusieurs régions clés en érigeant des postes de contrôle. Des unités de l’armée ont attaqué les quartiers de Salah al-Din et Sakhour. Des forces « rebelles » auraient pris un poste de contrôle à Anadane leur permettant ainsi de contrôler une voie directe allant d’Alep à la frontière avec la Turquie qui soutient et arme les forces anti-Assad.

Des responsables de la Croix Rouge et du Croissant Rouge ont affirmé que 200.000 personnes avaient fui les combats à Alep.

En plaidant en faveur d’efforts pour « renverser Assad, » Panetta a dit : « S’ils poursuivent ce genre de combat tragique contre leur propre peuple à Alep, je crois qu’en définitive ce sera un clou dans le cercueil d’Assad. Ce qu’Assad a fait contre son propre peuple et ce qu’il continue de faire à son propre peuple montre clairement que son régime touche à sa fin. Il a perdu toute légitimité. La question n’est plus de savoir si le régime s’effondrera, mais quand il s’effondrera. »

La référence faite par Panetta au « cercueil » d’Assad et venant d’un gouvernement qui avait supervisé le renversement et finalement le meurtre de Kadhafi l’année dernière, vise certainement à être une menace d’assassinat délibérée.

Dans le même temps, Washington – qui jusqu’à présent a perpétué la fiction qu’ils ne sont pas en train d’armer les rebelles en prétendant que les armes sont fournies par des alliés des États-Unis, tels l’Arabie saoudite et le Qatar – a fait dimanche un pas de plus pour les armer. Reuters a rapporté que la Maison-Blanche a élaboré une directive présidentielle confidentielle pour autoriser, ou bien « a conclu » d’autoriser une plus grande aide secrète des « rebelles. »

Le gouvernement français aurait aussi l’intention de demander une réunion cette semaine du Conseil de sécurité de l’ONU pour discuter de la Syrie et pour « exercer des pressions » sur le régime Assad.

Le voyage de Panetta reflète la réorganisation du Pentagone de ses opérations au Moyen-Orient pour défendre les intérêts impérialistes américains au Moyen-Orient. Il cherche à renforcer ses liens avec les partis islamistes droitiers qui sont arrivés au pouvoir l’année dernière après que des soulèvements massifs de la classe ouvrière ont renversé les dictatures séculaires soutenues par les États-Unis en Tunisie et en Égypte. Parallèlement, il intervient par la force pour évincer tout régime, tel la Syrie et l’Iran, qui fait obstacle aux intérêts régionaux américains.

L’argument de Panetta – comme quoi les États-Unis combattent Al Qaïda, ou cherchent à empêcher qu’Assad tue « son propre peuple » – est cynique et faux. En réalité, dans le cadre de leur collaboration avec les régimes islamistes sunnites comme les monarchies saoudienne et qatarie, ils s’appuient fortement sur les forces d’Al Qaïda pour mobiliser les combattants islamistes étrangers à s’infiltrer en Syrie et à attaquer l’armée syrienne.

Dans le Wall Street Journal, l’ancien conseiller des forces spéciales américaines, Seth Jones, a écrit : « En Syrie Al Qaïda (opérant souvent sous le nom de Front al-Nusra pour la protection du Levant) recourt à des trafiquants – certains idéologiquement marqués, d’autres motivés par l’argent – pour sécuriser, pour les combattants étrangers dont la plupart viennent du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, les routes qui traversent la Turquie et l’Irak. Selon des responsables du Département américain du Trésor, un nombre grandissant de donateurs du golfe Persique et du Levant semblent envoyer un soutien financier.

Jones a ajouté qu’en Irak des agents d’Al Qaïda fournissaient « des fusils, des mitrailleuses légères, des grenades propulsées par roquette » ainsi que des connaissances nécessaires à la fabrication de bombes pour les forces soutenues par les États-Unis en Syrie.

L’opération américaine pour renverser le régime Assad est en train de déstabiliser la région tout entière. L’Armée syrienne libre (ASL), la principale force anti-Assad basée en Turquie, a dit au journal The Guardian qu’il y avait au moins quatre unités qui ne leur étaient pas affiliées et qui opéraient à l’intérieur de la Syrie, dont une brigade de guérilleros libyens. Elle a ajouté qu’en Syrie le nombre total d’unités étrangères opérant contre Assad était « probablement bien plus élevé. »

Les responsables turques craignent que les milices séparatistes kurdes puissent capturer des parties de la Syrie et les utilisant comme base pour infiltrer, en Turquie, les régions avoisinantes à majorité kurde. Hier, le New York Times a cité des responsables turques disant « ne pas hésiter à bombarder la Syrie, » si des groupes kurdes attaquaient la Turquie à partir du sol syrien.

La Turquie a envoyé des troupes, des transporteurs de troupes blindés et des batteries de missiles pour renforcer ses positions le long de ses frontières avec la Syrie.

Des responsables jordaniens auraient aussi envisagé de déployer en Syrie des unités des forces spéciales venues de Jordanie, apparemment pour confisquer ses stocks d’armes chimiques et biologiques.

(Article original paru le 31 juillet 2012)

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