Perspectives

États-Unis : L’épidémie de méningite et la quête du profit en santé

L’épidémie de méningite fongique mortelle aux États-Unis continue de se répandre. Selon les dernières statistiques du Centers for Disease Control and Prevention (CDC), 247 personnes dans 15 états ont été atteintes par la maladie dans l’épidémie et le nombre de morts s’élève à 19. Les autorités sanitaires s’attendent à ce que ce nombre continue d’augmenter.

Des dizaines de milliers de personnes ayant reçu un traitement de routine pour un mal de dos risquent maintenant de contracter la maladie mortelle. Tous ceux infectés jusqu’à maintenant ont reçu des injections d’un stéroïde apparemment contaminé par un champignon. Ce médicament est fabriqué par une société pharmaceutique en banlieue de Boston.

La méningite est une inflammation des membranes qui protègent le cerveau et la moelle épinière. Ceux qui contractent la maladie doivent recevoir des doses, durant plusieurs mois, d’un médicament intraveineux antifongique. Mais la réussite du traitement n’est pas garantie. La méningite a un taux de mortalité élevé : près de 8 pour cent de ceux diagnostiqués dans la présente épidémie sont morts.

Le CDC est en mode gestion de crise. Il doit identifier le champignon contaminant, exhorter les fournisseurs de soins de santé à informer tous ceux qui sont menacés d’infection pour qu’ils puissent être surveillés et recevoir le traitement nécessaire aussi vite que possible. Pendant ce temps, les quelque 14 000 personnes qui ont reçu les injections infectées doivent attendre dans l’angoisse de voir apparaître les symptômes de l’infection.

La population se demande avec raison : comment une telle catastrophe sanitaire peut-elle survenir dans les États-Unis du 21e siècle ? À qui la faute et comment et comment seront-ils tenus responsables ? Quelles mesures doivent être prises pour éviter qu’une telle épidémie se reproduise ? Les réponses à ces questions sont encore plus cruciales que la réelle urgence posée par l’épidémie elle-même. Elles jetteraient la lumière non seulement sur les actions irresponsables et imprudentes des entreprises et des agences de réglementation gouvernementales impliquées, mais sur le fonctionnement du système de santé en entier.

L’accent a surtout été mis sur les opérations du New England Compounding Center (NECC) à Framingham, au Massachusetts, qui a envoyé les médicaments infectés à environ 75 cliniques dans 23 États. Le NECC a cessé sa production et a rappelé les stéroïdes injectables infectés, au moment même où la sécurité des autres médicaments produits par la société pharmaceutique est mise en doute. La Food and Drug Administration (FDA) a fait une descente aux installations de la NECC le mercredi 17 octobre.

Il y a environ 7 500 sociétés de préparation de médicaments à travers les États-Unis. Théoriquement, ces sociétés pharmaceutiques produisent des médicaments personnalisés pour traiter les besoins spécifiques d’un patient. Comme les pharmacies, leurs activités sont surveillées par des conseils de pharmacie étatiques et non par la FDA, qui réglemente l’industrie des médicaments.

Cependant, en réalité, plusieurs de ces pharmacies fonctionnent comme des sociétés qui produisent des médicaments en grande quantité et qui les distribuent partout au pays. En 2006, le NECC a convoqué devant les tribunaux par la FDA et les autorités sanitaires du Massachusetts pour avoir violé les standards de sécurité et pour avoir produit des médicaments sans ordonnance individuelle, mais la société a pu continuer ses opérations et envoyer tout de même ses stéroïdes contaminés.

Le lobby des sociétés de préparation de médicaments a dépensé plus de 1 million $ pendant la dernière décennie afin de contrer un projet de loi qui aurait établi un comité consultatif afin de surveiller ces sociétés pharmaceutiques. Mais ces efforts pour nuire à la surveillance font partie d’une campagne beaucoup plus grande menée par les géantes pharmaceutiques et d’assurance pour empêcher toute intervention du gouvernement fédéral qui pourrait limiter leurs profits et pour pouvoir mettre rapidement des médicaments profitables sur le marché.

De nombreux médicaments qui ont reçu l’approbation de la FDA ont causé d’innombrables décès, handicaps et souffrances. Merck & Co. a reçu l’approbation de la FDA en 1999 pour le médicament non stéroïdien et anti-inflammatoire Rofecoxib, servant à traiter l’arthrite, qu’il a mis sur le marché sous les noms Vioxx, Coexx et Ceeoxx.

Plus de 80 millions de personnes se sont fait prescrire le médicament, générant ainsi des revenus de ventes de 2,5 milliards de dollars américains pour le géant pharmaceutique. Merck a retiré le médicament en 2004 après des révélations qu’il eût dissimulé pendant cinq ans les risques accrus d’infarctus liés à un usage à long terme. Entre 88 000 et 140 000 personnes ont ainsi souffert de maladie cardiaque sévère et le médicament a causé environ 60 000 morts mondialement. Le cas de Vioxx est peut-être le plus atroce, mais il y a en a plein d’autres.

Le fonctionnement quotidien du système de santé aux États-Unis n’a pas pour but de guérir et d’alléger la souffrance, mais plutôt de faire croître les profits. Cela ne vaut pas seulement pour les grands fabricants de médicaments, mais aussi les pour chaînes d’hôpitaux et les sociétés d’assurance privées. La loi sur la santé mise de l’avant par l’administration Obama – et présentée comme une réforme du système qui améliorera les traitements et l’accès aux soins – est en fait destinée à couper des centaines de milliards de dollars dans Medicare et de réduire les coûts liés aux soins de santé pour le gouvernement et les entreprises.

Si l’éruption de méningite fongique n’a reçu aucune attention dans le cadre de la campagne électorale, c’est parce que Barack Obama et son opposant Mitt Romney sont d’accord avec le cadre sous-jacent de la société qui rend de telles tragédies inévitables : la domination du système de profit sur tous les aspects de la vie sociale. Dans le domaine des soins de santé, et de la production des médicaments en particulier, cela veut dire que la santé et le bien-être de la population sont tenus en otage par les intérêts de profit et que les patients peuvent recevoir des prescriptions de médicaments contaminés ou être les victimes d’autres pratiques dangereuses ou mortelles.

Les deux candidats de la grande entreprise sont aussi des défenseurs de la dérégulation et, ainsi, des opposants de toute augmentation significative de la supervision de l’industrie de fabrication des médicaments. L’administration Obama s’est vantée qu’elle avait éliminé les réglementations « inutiles » sur la grande entreprise, allant jusqu’à présenter de tels cadeaux aux entreprises comme un aspect clé de son « programme de création d’emplois ». En fait, le coût des nouvelles réglementations gouvernementales dans les trois premières années de l’administration Obama fut plus bas que celui des trois premières années de l’administration Bush.

Lors du débat présidentiel du 16 octobre, Obama a conclu avec le commentaire suivant : « Je crois que la libre entreprise est le plus grand moteur de prospérité que le monde ait connu. Je crois que l’autonomie, l’initiative individuelle et les preneurs de risque doivent être récompensés. »

Sous le régime d’Obama, ce « moteur de prospérité » s’est traduit par d’immenses sauvetages pour les banques pendant que des millions de personnes se voient saisir leur maison, et vivent le chômage et la pauvreté. Les « preneurs de risques » de BP ont été responsables d’une catastrophe dans le golfe du Mexique, causant la mort de onze travailleurs de la plate-forme pétrolière, un désastre environnemental, l’affaiblissement de la santé des résidents de cette région et la destruction de leur gagne-pain.

L’épidémie de méningite montre la nécessité de rejeter les politiques des deux partis de la grande entreprise et leurs candidats, qui défendent le système capitaliste et les intérêts de l’élite économique, peu importe que ce système menace la vie et le bien-être de la vaste majorité de la population.

Comme dans toutes les facettes de la vie sociale, le Parti de l’égalité socialiste appelle à un changement en profondeur du système de santé et à la réorganisation de la société sur des fondations nouvelles et socialistes. C’est la politique défendue par nos candidats, Jerry White comme président et Phyllis Scherrer comme vice-présidente, dans les élections de 2012.

(Article original paru le 19 octobre 2012)

Loading