Perspectives

Ne touchez pas à la Syrie!

Lorsqu’il a entamé mercredi 21 mars une visite de deux jours en Israël, le président américain Barack Obama a lancé des menaces belliqueuses à la fois contre la Syrie et contre l’Iran. Cette visite, qui avait ouvertement le caractère d’un conseil de guerre israélo-américain, montre clairement que dix ans après l’invasion de l’Irak, l’impérialisme américain est en train de planifier des crimes encore plus grands au Moyen-Orient.

Le président démocrate a menacé le régime syrien de Bachar al-Assad de le « tenir responsable d’avoir recours à des armes chimiques ou de les passer à des terroristes, » ajoutant que s’il y avait des preuves que de telles armes ont été utilisées cela « changerait la règle du jeu ».

Sur l’Iran, Obama a réitéré son serment « d’empêcher ce pays d’avoir une arme nucléaire » et que « toutes les options étaient sur la table, » tout en reconnaissant le « droit » à Israël d’agir unilatéralement contre l’Iran. Il « n’y a pas beaucoup de différence » entre les Etats-Unis et Israël au sujet de l’Iran, a-t-il dit.

Les remarques d’Obama ont été faites un jour après le dixième anniversaire de l’invasion américaine de l’Irak. Ni discours ni cérémonie ne fut organisé mardi par le gouvernement Obama ou le Congrès pour marquer le début d’une guerre dans laquelle furent envoyés 1,5 million d’Américains et au cours de laquelle près de 4.500 d’entre eux sont morts et des centaines de milliers d’autres ont subi des blessures physiques ou psychologiques.

Dans un tel cas, le silence est signe de culpabilité. Les deux partis politiques, chaque ministère du gouvernement, les médias et les grands groupes américains ont été directement complices dans ce qui représente incontestablement le plus grand crime de guerre du 21ème siècle : une guerre non provoquée lancée sur la base de mensonges contre un pays quasi sans défense et qui a coûté la vie à près d’un million de personnes, laissant une société entière en ruines.

L’élite dirigeante américaine insiste maintenant pour déclencher des conflits encore plus grands et plus destructifs en dépit d’une opposition massive à la guerre. De manière orwellienne, des prétextes connus et discrédités concernant des « armes de destruction massive », le terrorisme et la promotion de la « démocratie » sont ressassés, cette fois-ci pour justifier une guerre contre la Syrie.

Au Congrès, il y a eu une avalanche d’appels en faveur de nouvelles guerres au Moyen-Orient. L’amiral James Stavridis, le chef du Commandement allié du Pentagone en Europe, a témoigné mardi devant la Commission des forces armées du Sénat au sujet d’une planification approfondie par l’OTAN d’une intervention en Syrie. « Nous examinons un large éventail d’opérations et nous sommes prêts, si on nous le demande, à nous engager comme nous l’étions en Libye, » a-t-il dit.

Selon Stavridis, la mise en place d’une « zone d’exclusion aérienne » est sérieusement étudiée. Des appels en faveur d’une telle zone d’interdiction de vol en Libye, approuvée par le Conseil de sécurité des Nations unies en mars 2011, avaient été à l’origine d’une campagne de bombardement des Etats-Unis et de l’OTAN et d’une guerre visant à un changement de régime.

Le président de cette commission, le sénateur Carl Levin, (Démocrate du Michigan) avait dirigé l’audition de Stavridis. La veille, il s’était exprimé devant le Conseil sur les relations étrangères et avait réclamé l’établissement d’une « zone protégée le long de la frontière turco-syrienne » et sur le recours à la force militaire « pour s’en prendre à une partie de la défense aérienne syrienne et des forces aériennes syriennes. »

Des résolutions furent soumises à la fois à la Chambre des représentants et au Sénat pour réclamer une intensification de l’armement et de l’entraînement des « rebelles » luttant pour le renversement d’Assad et qui sont soutenus par l’Occident.

Entre-temps, le recours apparemment à des armes chimiques et qui a coûté mardi 19 mars la vie à plus de trente Syriens a suscité à Capitol Hill (siège du Congrès) de nouvelles demandes pour une intervention directe américaine.

Le gouvernement syrien a accusé les combattants soutenus par l’Occident d’avoir tiré le missile armé d’une tête chimique. De toute évidence, l’engin a touché un village contrôlé par le gouvernement à l’extérieur de la ville d’Alep. Des sources de l’opposition ont dit que la plupart des victimes étaient des soldats du gouvernement syrien alors que des sources en Syrie les ont décrites comme étant des civils alaouites, une population qui soutient en grande partie Assad.

Des législateurs ont évoqué les menaces antérieures d’Obama selon lesquelles le recours à l’arme chimique en Syrie constituait une « ligne rouge » qui provoquerait une intervention américaine. « Si les articles d’aujourd’hui sont fondés, la ligne rouge du président a été franchie, et nous l’exhorterions à prendre une action immédiate pour imposer les conséquences qu’il a promises, » ont dit les sénateurs républicains Lindsey Graham et John McCain dans un communiqué commun.

Dans une interview, Graham est allé plus loin et a réclamé l’envoi de troupes américaines au sol en Syrie pour sécuriser ses armes chimiques, une opération que le Pentagone a jugé nécessiter 75.000 soldats et Marines.

La logique tordue de cette campagne est que la guerre civile sectaire, qui dure depuis deux ans et que les Etats-Unis et leurs alliés en Europe, en Turquie et les monarchies du golfe Persique, ont fomentée, financée et armée, a affaibli le régime Assad à un point tel que ses armes chimiques pourraient tomber entre les mains de terroristes.

Cependant, ces terroristes, comme le Jabhat al-Nusra qui est lié à al Qaïda et d’autres milices djihadistes, forment les principales troupes de choc de la guerre appuyée par l’Occident en vue d’un changement de régime.

En ce qui concerne l’affirmation que Washington est en train de promouvoir la « démocratie » en Syrie, il ne pourrait y avoir de réfutation plus révélatrice que l’« élection » lundi du premier ministre d’un nouveau « gouvernement intérimaire » qui doit être installé sur la partie du territoire syrien saisie par les soi-disant rebelles. Le vainqueur, choisi par à peine 35 membres du Conseil national syrien formé sous la tutelle du Département d’Etat américain, est Ghassan Hitto. Un citoyen américain et cadre supérieur d’une entreprise de télécommunications basée au Texas qui avait quitté la Syrie il y a plus de 30 ans, à l’âge de dix-sept ans.

Les prétextes idéologiques pour une guerre américaine en Syrie sont encore moins cohérents que ceux utilisés il y a dix ans pour la guerre en Irak. Les véritables forces motrices sont les mêmes. Ce qui est impliqué c’est une guerre prédatrice visant à redessiner la carte du Moyen-Orient de façon à servir les intérêts de l’impérialisme américain et à garantir son hégémonie sur les ressources énergétiques de la région. Une guerre pour un changement de régime en Syrie fait partie d’une campagne plus générale pour une guerre contre l’Iran qui comporte le risque d’un engagement de la Russie et aussi de la Chine.

Alors que l’establishment dirigeant américain voudrait enterrer la mémoire de la guerre en Irak, la population laborieuse a tiré ses propres conclusions et un sondage d’opinion après l’autre montre que l’écrasante majorité est d’avis qu’elle n’aurait jamais dû être menée.

La tentative d’imposer, en recourant aux mêmes mensonges réchauffés, une nouvelle guerre à la population américaine, s’accompagne d’une attaque grandissante des emplois et des niveaux de vie ainsi que de révélations permanentes sur la criminalité de l’aristocratie financière dans l’intérêt de laquelle ces guerres sont menées. Un tel mélange volatile est le meilleur moyen pour conduire à des explosions sociales aux Etats-Unis et au développement d’un mouvement politique de masse contre les guerres impérialistes en Irak, en Syrie et au-delà.

(Article original paru le 21 mars 2013)

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