Affaire Snowden : les États-Unis menacent la Chine et la Russie

Le lanceur d'alerte ayant travaillé pour la NSA, Edward Snowden, arrivé à Moscou dimanche en provenance de Hong Kong, semble être encore en Russie d'après des reportages qui indiquent qu'il n'aurait pas pris le vol à destination de Cuba sur lequel il était censé embarquer lundi.

Le ministre équatorien des Affaires étrangères Richard Patino a confirmé lors d'une conférence de presse au Vietnam lundi que son gouvernement étudiait une demande d'asile de la part de Snowden et était en discussion avec les autorités russes.

Aucun détail sur le lieu où se trouve Snowden n'a été rendu public. Dmitry Pskov, porte-parole du président russe Vladimir Poutine, a déclaré aux médias qu'il n'avait aucune information sur la situation concernant Snowden. Le ministre russe des Affaires étrangères n'a pas répondu aux demandes de commentaire.

Le gouvernement Obama accentue ses menaces et ses intimidations, tentant de faire pression sur le gouvernement russe pour qu'il livre Snowden afin qu'il soit jugé pour espionnage et pour avoir révélé les vastes opérations de surveillance électroniques de la NSA aux États-Unis et internationalement.

S'exprimant depuis New Delhi, le ministre américain des Affaires étrangères John Kerry a prévenu Moscou qu'il y aurait « sans aucun doute […] des conséquences » si les autorités russes ne livraient pas Snowden. « Ils sont avertis de nos volontés. Ce serait très décevant s'il était volontairement autorisé à monter à bord d'un avion, » a-t-il déclaré.

L'appel lancé par Kerry pour que la Russie « respecte les normes légales » était parfaitement hypocrite étant donné que Snowden a révélé par ses actions des opérations massives et illégales d'espionnage contre la population des États-Unis et du monde.

Réagissant aux exigences américaines, Alexeï Pushkov, chef de la commission des relations étrangères au Parlement, a déclaré aux médias, « Les liens sont dans une phase assez compliquée, et quand les liens sont dans une telle phase, quand un pays mène des actions hostiles contre un autre, pourquoi est-ce que les États-Unis devraient s'attendre à de la retenue et de la compréhension de la part de la Russie ? »

Si Pushkov ne l'a pas dit ouvertement, les révélations de Snowden sur l'étendue de l'espionnage électronique américain, y compris contre des rivaux comme la Russie et la Chine, a sans doute accentué encore plus les tensions concernant l'opération de changement de régime menée par les États-Unis contre le président Syrien Bashar el-Assad, qui affecte directement les intérêts de la Russie.

Tout en exigeant que Moscou lui livre Snowden, le gouvernement Obama a réservé la plus grande partie de son venin à la Chine pour avoir permis au lanceur d'alerte de la NSA de quitter Hong Kong. Les autorités de Hong Kong ont publié une déclaration dimanche annonçant le départ de Snowden, disant que la demande d'extradition américaine n'était « pas conforme aux exigences légales suivant les textes applicables à Hong Kong. »

S'exprimant lors d'une conférence de presse hier 24 juin, le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney, a déclaré franchement : « Nous ne croyons tout simplement pas que cela a été une décision technique prise par un responsable de l'immigration de Hong Kong. C'était un choix délibéré de la part du gouvernement de laisser partir un fugitif en dépit d'un mandat d'arrêt valide, et cette décision a sans aucun doute un effet négatif sur les relations américano-chinoises. »

Il ne fait aucun doute que la décision de permettre à Snowden de quitter Hong Kong a été prise au plus haut niveau à Beijing, mais cela témoigne de la colère en Chine et à Hong Kong face aux opérations d'espionnage américaines. Snowden a fourni des informations au South China Morning Post de Hong Kong montrant que la NSA accédait secrètement à des centaines d'ordinateurs civils à Hong Kong et en Chine depuis 2009, y compris l'Internet Exchange de Hong Kong.

Si le gouvernement chinois n'a pas encore commenté les dernières menaces américaines, la presse officielle a déjà contre-attaqué. Le quotidien du Parti communiste chinois, People's Daily a déclaré que la décision de laisser Snowden quitter Hong Kong était « conforme à la loi et entièrement défendable. » Faisant référence aux vols gigantesques de données par la NSA, il a demandé aux États-Unis de cesser « l'hypocrisie du voleur criant "au voleur !" » et d'admettre sa responsabilité pour les infiltrations de réseaux informatiques chinois par ses agences.

Le Wall Street Journal a également fait savoir que Washington exerce des pressions sur les pays d'Amérique latine pour qu'ils n'accordent pas l'asile à Snowden. « Les diplomates et les responsables des services qui appliquent la loi des États-Unis ont prévenu les pays d'Amérique latine de ne pas abriter M. Snowden ni lui permettre de transiter par eux vers d'autres destinations, » a-t-il affirmé. Dans le cas de l'Equateur, le journal a suggéré que les législateurs américains pourraient exercer une vengeance en refusant de renouveler des accords de commerce préférentiels, ou que Washington pourrait retirer son ambassadeur du pays.

Durant sa conférence de presse depuis le Vietnam, le ministre des Affaires étrangères équatorien Patino a fourni des détails sur la demande d'asile de Snowden. Snowden a affirmé qu'il « risque d'être persécuté par le gouvernement des États-Unis et ses agents en relation avec ma décision de rendre publiques des violations sérieuses de la part du gouvernement des États-Unis et de sa Constitution, en particulier ses quatrième et cinquième amendements, et divers traités des Nations unies qui engagent mon pays. »

Snowden a fait remarquer que « les principaux membres du Congrès et d'autres dans les médias m'ont accusé d'être un traître et ont demandé que je sois emprisonné ou exécuté. » Il a également fait référence au « traitement inhumain et cruel » infligé à Bradley Manning pour avoir révélé les crimes de guerre américains et le secret entourant son procès. Snowden a conclu qu'« il est improbable que je reçoive un procès équitable ou un traitement décent avant ce procès, et je risquerais de passer ma vie en prison voire même la peine de mort. »

En défense des actions de l'Equateur qui envisage d'accorder l'asile à Snowden, Patino a affirmé : « Le mot trahison a été très utilisé ces derniers jours, [mais] nous devons nous demander qui a trahi qui ? […] Est-ce que cela [les révélations de Snowden] trahit les citoyens du monde, ou est-ce que cela trahit quelques élites qui sont au pouvoir dans un certain pays ? »

La simple vérité est que ce que Snowden a révélé est une conspiration de la part du gouvernement Obama, des services de renseignement américains et d'autres branches de l'appareil d'Etat contre les droits démocratiques des Américains et de l'humanité dans son ensemble. C'est la raison pour laquelle une vaste opération internationale judiciaire, policière et diplomatique est en marche pour traquer Snowden et, d'une manière ou d'une autre, le faire taire.

(Article original paru le 25 juin 2013)

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