L'International Socialist Organisation soutient le coup d'Etat en Égypte

Le 5 juillet, le dirigeant de l'International Socialist Organisation (ISO) Ahmed Shawki a accordé un entretien au site de l'ISO, Socialist Worker, où il soutient le coup d'Etat militaire du 3 juillet en Égypte.

L'ISO sert de façade pseudo-gauche à la politique étrangère du gouvernement Obama, qui a encouragé un coup d'Etat contre le président Mohamed Morsi des Frères musulmans (FM) comme frappe préventive contre les manifestations de masse de la classe ouvrière en opposition au régime. Il n'aura pas fallu beaucoup de temps pour qu'émerge le caractère contre-révolutionnaire de ce coup d'Etat. Après avoir massacré 51 manifestants lundi, la junte a nommé jeudi un premier ministre qui prévoit de réduire les subventions au prix du pain et du carburant et d'appliquer d'autres mesures d'austérité exigée par le capital international. 

La position actuelle de l'ISO est d'autant plus grotesque que depuis les manifestations de masse qui ont fait tomber le régime militaire du Général Hosni Moubarak en 2011 jusqu'à une période assez récente, elle soutenait les FM présentés comme « l'aile droite de la révolution. » 

Prenant un virage à 180 degrés, Shawki applaudit maintenant l'armée et la coalition Tamarod ("Rebelle") qui a soutenu l'action de l'armée contre les FM. Shawki dit, « Le mouvement Tamarod s'est donné pour tâche de reprendre ce que les organisateurs considéraient comme l'objectif de la révolution : le pain, la liberté, et la dignité humaine. Ce sont des slogans qui signifient une vie meilleure pour la plupart des Égyptiens. » 

Ce sont des mensonges. Le nouveau régime cherche à donner moins, et non plus, de pain au peuple. Quant à Tamarod, il mobilise une coalition disparate de forces réactionnaires, dont le général Ahmed Shafik, dernier premier ministre de Moubarak ; le Front du Salut national du libéral Mohamed ElBaradei, que l'armée vient d'installer comme vice-président ; et les alliés de l'ISO en Égypte, les Socialistes révolutionnaires (SR). 

Shawki s'oppose à toute mise en garde aux travailleurs d'Égypte contre le risque de contre-révolution posé par le coup d'Etat. Le journaliste du Socialist Worker fait remarquer qu'un coup militaire est « souvent la représentation la plus extrême de la contre-révolution, » et demande à Shawki directement si ce coup d'Etat est une victoire pour la contre-révolution en Égypte. Shawki répond platement, « Absolument pas. » 

Il explique, « En Égypte, l'armée n'est pas intervenue pour aider le mouvement révolutionnaire à obtenir des acquis plus importants ou à se radicaliser encore plus, bien sûr. L'objectif était de contenir le mouvement. Mais dans un certain sens, c'était aussi une reconnaissance du fait que la volonté populaire de l'Égypte ne tolérera pas le gouvernement Morsi plus longtemps. Donc même si l'armée est dans les rues et a dépassé les limites constitutionnelles de son pouvoir, je crois qu'elle cherchera des moyens de rendre rapidement le pouvoir à une autorité civile. Je ne pense pas qu'elle veuille garder le pouvoir d'Etat. » (italiques ajoutés). 

De telles déclarations pourraient venir directement de responsables du ministère des Affaires étrangères américain. Washington refuse de qualifier de coup d'Etat la prise du pouvoir par l'armée, craignant que cela ne déclenche la fin de l'aide annuelle de 1,3 milliard de dollars que les États-Unis versent à l'armée Égyptienne. Obama soutient l'armée tout en insistant auprès des dirigeants du coup d'Etat pour qu'ils « agissent rapidement et avec responsabilité pour rendre pleinement l'autorité à un gouvernement civil démocratiquement élu aussitôt que possible. » 

Shawki mentionne même l'influence des États-Unis dans l'armée égyptienne comme preuve que l'armée égyptienne cherchera à « guider » avec précaution les développements à venir, affirmant : « Aujourd'hui, les gens qui dirigent l'armée [égyptienne] ont été entraînés et formés dans les Académies militaires américaines. Donc dans l'ensemble, les forces militaires égyptiennes tendent maintenant à se reconnaître dans les institutions du pouvoir américain. » 

Avec ce commentaire, Shawki sert de couverture à la politique de l'impérialisme américain. L'alliance militaire États-Unis-Égypte ne défend pas les droits démocratiques fondamentaux ; elle les piétine. Washington se sert de l'armée égyptienne pour aider la CIA à torturer des suspects illégalement « externalisés [rendered] » en Égypte pour interrogatoire, pour faire le gendarme auprès du peuple égyptien, et pour consolider l'isolement de la bande de Gaza dans l'intérêt de la politique des États-Unis et d'Israël. 

Shawki essaie de justifier son soutien à l'armée en résumant brièvement la révolution égyptienne, il mentionne le rôle de l'armée dans l'établissement d'une constitution transitoire et des élections présidentielles en 2011. 

Il dit : « Une fois que le Conseil suprême des forces armées [SCAF] a pris la direction politique après Moubarak en 2011, l'armée s'est aussitôt activée pour faire ratifier une constitution. Cette constitution a largement bénéficié à la troisième force de la politique égyptienne, à côté de l'armée d'une part et des restes du régime Moubarak (feloul) de l'autre, c'est-à-dire les Frères musulmans. Depuis lors, l'armée s'est appuyée sur les Frères musulmans pour contenir la révolution. » 

Les révolutions sont impitoyables pour démasquer et révéler au grand jour les organisations politiques, et les événements en Égypte ont démasqué l'ISO. Tandis que l'armée s'appuyait en premier lieu sur la junte du SCAF puis sur les FM pour « contenir » la révolution et bloquer son développement en une lutte contre le capitalisme, l'ISO et les SR l'ont soutenue. 

Ils ont d'abord fait l'éloge de l'armée présentée comme « une armée populaire » dans les premiers mois de la chute de Moubarak, s'opposant aux appels à une « deuxième révolution » contre la junte du SCAF à l'été 2011. Un article du Socialist Worker à l'époque déclarait que le SCAF « vise à réformer le système politique et économique, lui permettant de devenir plus démocratique et moins oppressif. » 

Une fois Morsi au pouvoir, c'est-à-dire, quand, d'après Shawki, l'armée se servait des FM pour « contenir la révolution », l'ISO faisait aussi la promotion des FM avec enthousiasme. À la conférence Socialism 2012, Sameh Naguib des SR a applaudi l'élection de Morsi comme « une grande réussite pour faire reculer la contre-révolution et ce coup d'Etat. » En mentionnant le risque d'un coup d'Etat, Naguib faisait référence à la menace d'une victoire du Général Shafik contre Morsi dans la course à la présidence. 

Le soutien accordé par l'ISO et les SR au parti de droite des FM était dans la droite ligne de leur orientation de longue date vers l'islamisme. Les SR ont même promu un slogan : « Parfois avec les islamistes, jamais avec l'Etat. » 

Même s'ils présentaient cette politique comme révolutionnaire, d'après ce dernier entretien de Shawki, une telle promotion des FM était en fait liée à des manœuvres pour « contenir » la révolution. Maintenant, les SR et l'ISO se sont alignés sur l'armée et des personnalités comme ElBaradei. 

Ceci souligne le fait que le terme de « pseudo-gauche » que le World Socialist Web Site utilise pour des groupes comme l'ISO n'est pas une expression fortuite. La prétention de l'ISO à être liée au socialisme est totalement frauduleuse. Les oscillations subites et inexpliquées de son orientation politique entre diverses factions bourgeoises égyptiennes reflètent les contradictions et les évolutions de la politique étrangère américaine, que l'ISO reprend à son compte avec diverses phrases codées et trompeuses. 

Mais en soutenant ouvertement ce coup d'Etat, l'ISO se démasque politiquement. C'est une organisation contre-révolutionnaire soutenant une dictature militaire dirigée contre les travailleurs, et elle porte l'entière responsabilité politique des crimes que cette junte va commettre. 

(Article original paru le 11 juillet 2013)

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