La junte militaire se prépare à libérer Moubarak

Après une semaine de massacres qui ont tué ou blessé des milliers de protestataires non armés, la junte militaire égyptienne se prépare à libérer l’ancien dictateur haï, Hosni Moubarak, qui se trouve en prison depuis que le soulèvement de la classe ouvrière de février 2011 l’avait contraint à démissionner.

Lorsque hier, un juge a blanchi Moubarak d’accusations de corruption, l’avocat de Moubarak, Farib el-Deeb, a dit à la presse : « Tout ce qui nous reste, c’est une simple procédure administrative qui devrait prendre moins de 48 heures. Il devrait être libéré d’ici la fin de la semaine. »

El-Deeb a prédit avec confiance que Moubarak serait disculpé d’autres accusations de corruption retenues contre lui. Il serait alors libéré sous caution et ferait appel contre l’accusation de n’avoir pas arrêté les massacres de manifestants par l’armée durant le soulèvement de 2011. La junte, qui comprend de nombreux feloul – des anciens éléments du régime Moubarak – dont les massacres, selon les chiffres officiels, ont causé la mort d’environ un millier de personnes, et blessé 6.000 personnes, chercheront aussi à tout prix à blanchir Moubarak de ces accusations.

La tuerie de masse commise par la junte et la réhabilitation du dictateur haï montre que le coup d’Etat du 3 juillet qu’elle avait organisé et qui a été soutenu par les forces de la pseudo-gauche dans la coalition Tamarod (« rebelle »), a été un complot contre-révolutionnaire mené contre la population. Il avait pour but d’empêcher les protestations grandissantes de la classe ouvrière contre le président islamiste à présent déchu, Mohamed Morsi, et de restaurer les conditions ayant existé avant la révolution.

Pendant deux ans, les feloul et leurs alliés de la classe moyenne avaient serré les dents en s’efforçant de dissimuler leur haine de classe à l’égard des protestations des travailleurs qui revendiquaient du travail, des droits démocratiques et la fin de la pauvreté. Ils ont simplement gagné du temps dans l’espoir de restaurer les conditions politiques leur permettant de jouir sans entraves de leur part des bénéfices tirés des empires commerciaux corrompus bâtis sous Moubarak. Maintenant que la junte a réimposé l’état d’urgence, restauré la police politique et envoyé les chars dans la rue pour massacrer des manifestants, ils tentent de saisir leur chance.

Hier, l’homme fort de l’armée, le général Abdel Fattah al-Sissi, a fait planer la menace de nouvelles répressions contre une nouvelle opposition : « Nous ne resterons pas silencieux et sans agir face à la destruction du pays et du peuple ou à l’incendie de la nation et à l’acte de terroriser les citoyens. »

En fait, c’est la junte et ses alliés qui cherchent à terroriser le peuple égyptien en prévenant une éruption des luttes politiques de masse à l’encontre de sa politique réactionnaire. Non seulement ils ont réimposé les formes de régime dictatoriales qui avaient existé sous Moubarak, mais ils ont considérablement réduit les subventions à l’alimentation et au carburant dont dépendent des dizaines de millions de travailleurs égyptiens.

La junte a annoncé hier le meurtre de 36 autres manifestants qui avaient été capturés à la mosquée al-Fath près de la place Ramsès au Caire alors qu’ils se trouvaient en garde à vue par la police. Elle est également en train de procéder à des arrestations de masse de manifestants, dont celles de 1.004 manifestants après les protestations de vendredi.

Le ministre de l’Intérieur a aussi annoncé hier l’interdiction des « comités populaires de sécurité » et a exigé que les Egyptiens respectent le couvre-feu, à partir de 7 heures du soir, imposé par la junte. Ceci reflète en partie la multiplication des plaintes concernant les groupes de vigiles composés de sbires auxquels Tamarod a fait appel pour attaquer les manifestants pro-Morsi. Mais cela reflète aussi la peur profonde à l’égard de l’opposition de la classe ouvrière qui durant les soulèvements de 2011 avait formé des comités populaires d’autodéfense contre les sbires de la police.

Les Frères musulmans de Morsi, qui craignent aussi que de nouvelles protestations ne viennent encourager une explosion politique de la classe ouvrière, ont annulé toutes les neuf manifestations prévues, à l’exception de trois. Ils ont détourné ces manifestations des trajets prévus afin d’empêcher d’autres affrontements avec l’armée.

En soutenant les organisations contre-révolutionnaires de Tamarod, les charlatans de la pseudo-gauche comme les Socialistes révolutionnaires (SR) ont montré qu’ils se trouvaient, par rapport à la classe ouvrière, de l’autre côté de la barricade. La prochaine offensive révolutionnaire de la classe ouvrière ne pourra se développer qu’en opposition à ces forces réactionnaires, que la junte vise à intégrer pleinement dans l’Etat, ainsi qu’à ses partisans impérialistes.

Kamal Abu Eita, le ministre de la Main-d’oeuvre et du Travail, est en train d’achever la rédaction d’un projet sur « les libertés des syndicats » qui octroie aux syndicats « indépendants », mis en place par des organisations telles que les SR, l’accès à des positions et à des fonds publics. (Voir : « How Egypt’s Revolutionary Socialists helped pave the way for military repression ») Abu Eita collabore aussi étroitement avec les émirats pétroliers réactionnaires du Golfe persique. Il a obtenu du cheikh sultan bin Mohamed al Qasimi, le régent de Sharjan, un don de 2 millions de dollars destiné à des « programmes de développement pour la classe ouvrière égyptienne » afin d’aider le ministère du Travail et la bureaucratie syndicale à faire fonctionner les usines fermées durant la révolution.

L’objectif de cette opération est d’accorder à la bureaucratie syndicale et aux partis de la pseudo-gauche des positions lucratives comme exploiteurs de main-d’œuvre ayant un intérêt financier direct dans la répression des luttes de la classe ouvrière dans les secteurs les plus stratégiques de l’économie. Abu Eita a précisé, « Nous avons l’intention de profiter de l’expérience de l’Amérique latine dans la réouverture d’usines fermées. »

Les puissances impérialistes financent elles aussi la contre-révolution. Bien que de nombreux responsables américains et européens aient exprimé leur manque d’aise à soutenir ouvertement la junte au moment où elle massacre des manifestants, craignant que ceci n’entraîne une opposition populaire dans leur propre pays, ils continuent de la soutenir. Le gouvernement Obama n’a pas supprimé son aide annuelle de 1,3 milliards de dollars que les Etats-Unis versent à l’armée égyptienne et continue encore effectivement à financer la répression de la junte.

La Maison Blanche est en train de signaler à la junte que si elle est en mesure d’écraser rapidement les protestations, elle ne rencontrera aucune opposition de Washington. Un responsable du gouvernement Obama a dit cyniquement au New York Times, « Bien que la violence soit intolérable, nous pourrions peut-être accepter ces décisions, et ce rapidement. »

L’armée égyptienne est un instrument crucial de l’intervention impérialiste américaine au Moyen-Orient. Elle accorde des droits de passage immédiats du canal de Suez aux navires de guerre américains et des droits de survol aux avions de combat américains pour bombarder des cibles au Moyen-Orient. Ceci réduit considérablement la durée de déploiement pour les forces américaines. Et ceci a joué un rôle primordial en facilitant l’invasion américaine de l’Irak en 2003 lorsque le refus de la Turquie de permettre aux forces américaines d’entrer en Turquie pour attaquer l’Irak avait contraint la marine américaine à redéployer ses porte-avions vers le sud et à passer par le canal de Suez.

Un autre signe indiquant que les relations de Washington avec la junte restent solides est le fait que le porte-avions USS Harry Truman et son escorte composée de deux croiseurs ont passé hier sans problème le canal de Suez.

En parlant de l’armée égyptienne, le général James Mattis, a déclaré au New York Times : « Nous avons besoin d’eux pour le canal de Suez, nous avons besoin d’eux pour le traité de paix à l’encontre d’Israël, nous avons besoin d’eux pour [les droits] de survol, nous avons besoin d’eux pour la poursuite du combat contre les extrémistes violents qui sont une menace à la fois pour la transition de l’Egypte vers la démocratie et pour les intérêts américains. »

(Article original paru le 20 août 2013)

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