La junte égyptienne lance la répression contre les manifestations organisées en commémoration de la guerre de 1973

Dimanche, à l’occasion du 40ème anniversaire du début de la guerre de 1973 entre Israël et une coalition d’Etats arabes, le gouvernement intérimaire, soutenu par l’armée et l’Alliance contre le coup d’Etat mené par les Frères musulmans ont appelé à des manifestations rivales partout en Egypte.

Au moins 49 manifestants anti-régime ont été tués et des centaines d’autres blessé et arrêtés lors de manifestations qui ont eu lieu durant le week-end. Vendredi, quatre personnes auraient été tuées par balles dans la ville d’Assiout au sud du Caire et une autre personne dans la capitale, au Caire. Dimanche, au moins 44 manifestants ont été tués par des forces de sécurité qui travaillent ensemble avec des nervis armés. Selon le ministère de la Santé égyptien, 32 personnes ont été tuées au Caire, quatre à Béni-Souef et deux à Delga et à Minya. Huit personnes de plus sont pour le moment portées disparues.

Le ministère de l’Intérieur a affirmé que 423 partisans de l’ancien président Mohamed Morsi ont été interpellés alors qu’ils tentaient d’« envahir les places publiques égyptiennes. »

Le Caire et d’autres villes égyptiennes ressemblaient à des camps armés, avec des hélicoptères en vol stationnaire, des chars de l’armée et des unités de l’infanterie au sol. Les rues étaient barricadées et les autoroutes renforcées par des points de contrôle. La place Tahrir, centre emblématique de la révolution égyptienne symbolisant le caractère répressif de la junte du général Abdel Fatah al-Sissi, était encerclée par des chars, des soldats et les tristement célèbres forces de la sécurité centrale de l’Egypte patrouillaient à ses entrées.

Des manifestations anti-régime étaient organisées par l’Alliance contre le coup d’Etat mené par les Frères musulmans et qui appelle systématiquement à des manifestations depuis l’éviction de Morsi par le coup d’Etat du 3 juillet. Malgré une répression sanglante contre les FM, des milliers de leurs membres ont été tués ou interpellés depuis le coup d’Etat, la plus importante organisation islamiste en Egypte est encore en mesure de mobiliser des milliers de membres. Ses protestations ne semblent toutefois pas avoir suscité un soutien plus large des masses laborieuses égyptiennes.

Alors que les Frères continuent d’exiger la réintégration de Morsi en tant que président, ils ont associé leur appel à protester à un appel lancé à l’armée indiquant la possibilité de pourparlers conciliateurs ultérieurs. Dans son communiqué officiel, l’Alliance contre le coup d’Etat avait demandé à ses partisans « de célébrer l’armée et les dirigeants de cette victoire » en invitant l’armée à « revenir à sa véritable doctrine de combat. »

L’armée et les forces de sécurité ont brutalement empêché les manifestants des FM d’atteindre la place Tahrir au moyen de véhicules blindés, de gaz lacrymogènes et de balles réelles.

Les cérémonies officielles organisées par la junte sur la place Tahrir et devant le palais présidentiel au Caire ont recueilli moins de soutien, et n'ont pas dépassé les quelques milliers de participants. Ceci fait voler en éclats le gros mensonge promu par la junte et ses partisans libéraux de pseudo-gauche selon lesquels il existe un soutien populaire de masse pour le nouveau régime militaire en Egypte.

Bien au contraire, il y a des signes de plus en plus nombreux que sous la dictature de Sissi, l’Egypte se dirige vers d’importants soulèvements sociaux.

En août, après la répression brutale de deux importantes grèves chez Suez Steel et Scimitar Petroleum Company, menée par la junte, cette dernière cherche actuellement par tous les moyens à juguler le mécontentement social grandissant au moyen des gestes populistes.

Le premier ministre intérimaire Hazem el-Beblawi a promis d’augmenter le salaire minimum du personnel gouvernemental en le faisant passer de 700 livres égyptiennes (100 dollars US) à 1.200 l’année prochaine. Le gouvernement a aussi annoncé vouloir accepter une injonction du tribunal pour renationaliser deux entreprises qui avaient été privatisées sous le dictateur déchu Hosni Moubarak. L’armée aurait aussi distribué de la nourriture dans plusieurs gouvernorats pour redorer son blason avant la Fête des forces armées.

Dans le même temps, la junte et ses alliés ont renforcé leur propagande nationaliste pour délégitimer les manifestations et fournir une couverture à l’armée pour qu'elle intensifie la répression des manifestations contre son régime.

Dans un discours prononcé samedi à la télévision, le président intérimaire égyptien Adly Mansour a lancé un appel à tous les Egyptiens pour qu'ils aillent dans « chaque quartier, chaque rue et chaque place en Egypte afin de célébrer votre victoire et soutenir votre armée. » Le porte-parole du président, Ahmed al-Muslimani a déclaré que « les manifestants qui défileront contre l’armée le jour de l’anniversaire de la victoire [le 6 octobre] rempliront les fonctions d’agents et non d’activistes. »

Hassan Shahin, porte-parole de la campagne de Tamarod, qui avait joué un rôle central pour canaliser derrière l’armée, avant le coup d’Etat du 3 juillet, les protestations de masse de la classe ouvrière contre Morsi, a souligné lors d’une conférence de presse leur soutien à l’armée et la police dans leur « guerre contre le terrorisme. » Il a promis que « ceux qui étaient descendus dans la rue le 3 juin pour imposer leur volonté à tout le monde en la défendant, viendront demain sur les places pour célébrer avec l'armée. »

Shahin a affirmé que la guerre de 1973 avait vu l’Egypte combattre « l’ennemi sioniste » et a comparé le « terrorisme » israélien aux Frères musulmans. « Nous vivons sous la même terreur qui émane d’un ennemi interne appelé Frères musulmans et qui est soutenu par l’ennemi américain et sioniste, » a-t-il dit. « Quiconque est contre les célébrations d’octobre se trouve hors du contexte du nationalisme égyptien et est considéré comme un ennemi sioniste. »

La tentative de la junte et de ses partisans petits bourgeois de se présenter comme une force nationale et même anti-impérialiste est une farce. Toutes les factions de la bourgeoisie égyptienne sont liées par un millier de fils à l’impérialisme et défendent les mêmes intérêts fondamentaux de classe. L’armée égyptienne est financée par les Etats-Unis et a poursuivi la politique fondamentale du régime de Morsi qui, avant le coup d’Etat, était aussi soutenu par Washington.

Alors que Washington avait annulé ses manoeuvres conjointes avec l’armée égyptienne et suspendu la livraison de quatre avions de combat américains F-16 immédiatement après que la junte eut massacré le 14 août des milliers de partisans des FM, les Etats-Unis reprennent à présent leur coopération militaire.

Jeudi, le chef d’état-major de l’armée égyptienne, le lieutenant général Sedki Sobni a rencontré le lieutenant général James L. Terry, chef des troupes d’infanterie du commandement central américain. Selon l’agence d’informations égyptienne MENA, les deux chefs militaires ont discuté de la coopération bilatérale et des exercices militaires conjoints entre les armées égyptienne et américaine,

Entre-temps, l’armée égyptienne poursuit sa soi-disant offensive contre le « terrorisme » au Sinaï. Dimanche, elle aurait tué quatre hommes armés près d’un point de contrôle sur la route entre le Caire et Ismaïlia. Au cours de ces deux dernier mois, l’armée a tué une centaine de présumés islamistes sur le Sinaï dans ce que les responsables ont décrit comme la plus forte mobilisation de force dans la région depuis la guerre de 1973.

L’offensive est étroitement coordonnée avec Israël qui considère actuellement l’armée égyptienne comme un partenaire pour boucler la bande de Gaza et maintenir l’oppression du peuple palestinien.

L’alignement réel des forces et la propagande officielle qui entourent l’anniversaire de la guerre d’octobre révèlent au grand jour le caractère de classe de l’ensemble de la bourgeoisie égyptienne, qu’il s’agisse de l’armée, des islamistes ou des forces libérales et petites bourgeoises de gauche. C’est précisément la guerre d’octobre qui avait permis à la classe dirigeante égyptienne de sceller une alliance avec l’impérialisme américain et Israël à l’extérieur en intensifiant les attaques menées contre la classe ouvrière à l’intérieur.

Dans une étude réalisée en 2009, l’universitaire Nadia Ramsis Farah avait constaté: « Pour que l’Egypte négocie une entente avec l’occident, et particulièrement avec les Etats-Unis, Sadat avait opté en 1973 pour une guerre limitée dans le but de mettre la question du conflit israélo-arabe à l’ordre du jour international et de proposer des options pour un règlement du conflit. Un an plus tard, le président Sadat prônait une politique économique de la porte ouverte (libéralisation ). »

Toutes les expériences amères faites depuis et surtout tout au long des luttes révolutionnaires de masse de ces deux dernières années et demi confirment la perspective que seule la classe ouvrière est en mesure de mener une lutte contre l’impérialisme en faveur des droits démocratiques et sociaux en Egypte et au Moyen-Orient.

(Article original paru le 7 octobre 2013)

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