Le parlement grec met un terme au financement public d’Aube dorée

La semaine passée, le parlement grec a décidé de mettre un terme au financement public du parti fasciste Aube dorée. Ce que les partis bourgeois acclament comme étant la défense de la démocratie est en fait un nouveau pas vers le renforcement de l’appareil d’Etat.

Tout comme en Allemagne, et dans d’autres pays européens, l’ensemble des partis politiques siégeant au parlement grec reçoivent de vastes sommes d’argent de l’Etat. Dans des conditions où l’écrasante majorité de la population laborieuse n’est pas organisée dans un parti politique, c’est la seule façon de financer les partis bourgeois réactionnaires qui imposent les mesures d’austérité détestées de l’Union européenne (UE). Suite au débat commun qui a eu lieu début 2012 concernant cette question, les partis parlementaires ont réaffirmé leur soutien à l’octroi de fonds public.

Toutefois, un tel financement peut être arrêté par un vote de 151 des 300 députés qui siègent au parlement si la direction du parti ou un cinquième de ses membres fait l’objet d’une enquête pour constitution d’une organisation criminelle.

Depuis fin septembre, plusieurs membres d’Aube dorée font l’objet d’une enquête.

La résolution contre Aube dorée, qui a été adoptée le 22 octobre, a été soutenue par les deux partis de la coalition au pouvoir, Nouvelle Démocratie (ND) et le mouvement socialiste panhellénique (PASOK) ainsi que la Coalition de la Gauche radicale (SYRIZA), le plus important parti d’opposition. Quelque 235 sur les 269 députés présents ont voté en faveur de la proposition.

Le populiste et ultra-nationaliste Parti des Grecs indépendants (ANEL), le Parti communiste de Grèce (KKE) et un député de SYRIZA se sont abstenus, comptabilisant ainsi un total de 34 abstentions.

Aube dorée a aussi considérablement bénéficié du financement public depuis son entrée au parlement l’été 2012. Selon le New York Times, le parti a reçu 500.000 euros de l’Etat et a investi en plus dans la construction du parti 200.000 euros issus des salaires des députés. La part du lion de ces fonds provient toutefois d’autres sources.

Une somme supplémentaire d’au moins 2 millions d’euros est venue remplir les coffres du parti. Il n’est un secret pour personne qu’Aube dorée est financé par le patronat. Le gouvernement est en possession de tous les noms et de tous les détails des donateurs mais garde secrète cette information.

Le gouvernement est actuellement en train d’adopter une rhétorique antifasciste dans l’espoir de dissimuler comment sa politique a encouragé ces dernières années les forces droitières. Des sections de l’appareil d’Etat, comme l’armée et la police, sont étroitement liées à Aube dorée.

La résolution du parlement n’a absolument rien à voir avec une lutte contre le fascisme. Elle montre au contraire comment les partis sont en train de resserrer les rangs dans le but de renforcer l’appareil d’Etat et de le fortifier face à l’opposition des travailleurs.

Le ministre de l’Intérieur, Ioannis Michelakis, a décrit l’amendement comme étant « des mesures élémentaires pour protéger le pays contre tous ceux qui complotent contre la démocratie, l’ordre public et la paix sociale. »

Il a souligné l’importance de l’action concertée avec SYRIZA. « Lorsque le bon fonctionnement harmonieux de la démocratie est en jeu, nous devons lutter ensemble, » a-t-il dit en ajoutant : « L’adoption à l’unanimité de l’amendement peut être un pas important dans cette direction. »

De telles remarques soulignent comment SYRIZA et le parti au pouvoir utilise la répression restreinte de l’Etat contre Aube dorée comme une occasion de consolider une alliance politique fondée sur le soutien de l’austérité de l’UE et qui vise la classe ouvrière.

L’appareil législatif et juridique servant à supprimer le financement d’un parti incite lui-même à des provocations contre des partis politiques et contre la population en général. Une simple décision du parquet d’engager une enquête justifie la suppression du financement et aucun élément de preuve ne doit être présenté contre les députés ou les dirigeants des partis ainsi visés.

De plus, cet appareil est lié aux soi-disant lois anti-terrorisme, stipulées dans l’article 187 du code criminel de 2002. Aube dorée a été condamnée pour ces motifs. Les articles 187 (« constitution d’organisation criminelle ») et 187A (« activités terroristes ») sont des sections du chapitre intitulé « Menaces à l’ordre public. »

Des crimes tels le meurtre, le préjudice corporel grave, l’enlèvement, de graves dégâts matériels et une grave perturbation des transports sont qualifiées d’« activités terroristes » si elles sont perpétrées dans des conditions où elles portent gravement atteinte au pays ou une organisation internationale… ou pouvant sérieusement endommager ou détruire la structure juridique, politique et économique d’un pays ou d’une organisation internationale. »

Cette loi fut modifiée en 2010 afin de créer un fondement pseudo-juridique à la criminalisation des grèves et des manifestations. Comme l’a rapporté le journal Eleftherotypia, des modifications notables apportées à l’article 187 ont été votées en toute hâte durant les vacances d’été dans un parlement où peu de députés étaient présents en n’étant divulguées au public que bien des mois plus tard.

Jusqu’en 2010, des infractions commises dans le but de protéger la démocratie et la liberté ou l’exercice de la liberté syndicale et la liberté politique avaient été explicitement exclues de la catégorie des crimes « terroristes ». Mais le paragraphe 8 dont il est question, qui codifiait cette loi, a été effacé. La destruction de biens ou le préjudice corporel grave survenant lors d’une manifestation par exemple peuvent à présent être traités par le droit comme étant des activités terroristes.

Cette loi anti-terroriste a maintenant été implicitement approuvée par SYRIZA. SYRIZA avait ces derniers mois lancé des appels à l’Etat pour que tous les partis débattent d’une action commune contre Aube dorée. SYRIZA fournit une caution aux grands financiers des fascistes tout en renforçant les structures anti-démocratiques de l’appareil d’Etat.

L’appui accordé par l’organisation montre clairement que SYRIZA sera un complice majeur du gouvernement dans les prochaines attaques menées contre de la population grecque.

(Article original paru le 6 novembre 2013)

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