La France accentue son intervention militaire en Centrafrique

Le 5 décembre au soir, le président François Hollande a annoncé, après la tenue d'une réunion du Conseil de défense avec les ministres du gouvernement et l'état-major de l'armée, une intervention militaire « immédiate » en République centrafricaine (RCA), une ancienne colonie française.

Hollande a déclaré que le nombre des troupes françaises en RC sera doublé « dans quelques jours, sinon quelques heures. » Cette annonce est intervenue après l'adoption hier par le Conseil de sécurité des Nations unies d'une résolution à l’initiative de la France qui autorise le déploiement de plus de troupes françaises et africaines en RCA.

La résolution de l'ONU autorise le déploiement d'une force de l'Union africaine, la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA). Cette résolution autorise également les forces françaises « à prendre toutes les mesures nécessaires » pour soutenir la MISCA.

Quelque 2500 soldats africains sont actuellement déployés en RCA, ils seront bientôt 3500. La France y a 410 soldats, et en a envoyé 250 de plus hier dans la capitale Bangui. Un total de 1200 soldats français devraient être envoyés en RCA.

Pour justifier cette intervention supplémentaire dans son ex-colonie, la France a saisi le prétexte des violences entre la majorité chrétienne et la minorité musulmane du pays qui ont éclaté après la prise du pouvoir par les rebelles musulmans de la Seleka en mars, ceux-ci soutenus par la France. Le chef de la Seleka, Michel Djotodia, un musulman, a déposé le président François Bozizé et s'est déclaré président.

D'après les reportages, au moins 100 personnes ont été tuées et au moins 90 blessées par des attaques à la machette et aux armes à feu. Voice of America a indiqué qu'au moins huit personnes avaient été tuées et 70 personnes blessées jeudi.

Dans un bref discours pour justifier cette intervention, Hollande a affirmé agir au nom du « devoir d'assistance et de solidarité [de la France] à l'égard d'un petit pays, pays ami, pays le plus pauvre du monde qui nous appelle au secours. [...] La France est attendue pour éviter une catastrophe humanitaire, elle sera là. J'ai pleine confiance en nos soldats pour cette opération. »

L'invasion de la RCA aura lieu sans aucun vote au parlement, Hollande a fait savoir que « le gouvernement fournira des explications au Parlement dès la semaine prochaine. »

Dans une déclaration qui représente une insulte à l'intelligence de la classe ouvrière, il a insisté pour dire que « La France n'a pas d'autre objectif que de sauver des vies humaines. »

La déclaration de Hollande tente de dissimuler les motifs impérialistes de la politique de la France vis-à-vis de ses anciennes colonies. Paris intervient en RCA afin de protéger les intérêts de l’impérialisme français, le pays abrite des ressources naturelles encore inexploitées dont des diamants, de l'or, de l'uranium, du bois et du pétrole. Bozizé a lui-même accusé l'impérialisme français de chercher à le faire tomber parce qu'il avait passé des accords pétroliers avec la Chine. (Lire : Les Etats-Unis et la France déploient des troupes en République centrafricaine).

Plus largement, cela fait partie de la multiplication des interventions impérialistes françaises, concentrées en Afrique, durant ces deux dernières années – au cours desquelles la France a attaqué la Libye, la Côte d'ivoire et le Mali et menacé de guerre la Syrie, avant que les Etats-unis ne se détournent de cette opération.

En dépit des tentatives ridicules de Hollande de nier les motifs impérialistes qui sous-tendent sa dernière guerre, son gouvernement a lui-même clairement indiqué que sa stratégie est d'augmenter les interventions françaises en Afrique pour y détruire l'influence des puissances rivales et en particulier la Chine.

Au début de la semaine, Hollande a participé à une conférence économique organisée par le ministère français de l'économie et l'organisation patronale du Medef; cette conférence s'est concentrée sur le renforcement des positions économiques françaises pour inverser la perte de parts de marchés de la France en Afrique au profit de la Chine. Il a annoncé des plans pour faire monter les investissements annuels français en Afrique à près de 20 milliards d'euros, contre 10 milliards entre 2008 et 2013.

Le ministre des finances français Pierre Moscovici a déclaré, « La France n'a pas suffisamment vu, perçu qu'il y avait de nouvelles concurrences, que nos positions n'étaient plus exclusives, plus acquises. »

De 2000 à 2011, la part de marché de la France en Afrique sub-saharienne est tombée de 10,1 à 4,7 pour cent, alors que la part de marché chinoise est passée de moins de 2 pour cent en 1990 à 16 pour cent en 2011.

Cette intervention militaire est soutenue par les médias bourgeois et les partis politiques comme les conservateurs de l'UMP (le parti du précédent président Nicolas Sarkozy), et les néo-fascistes du Front national (FN).

L'ex-ministre UMP aux affaires européennes Pierre Lelouche a déclaré que l'intervention militaire visait « d’abord à mettre fin à un drame humanitaire : il y a des gens qui s’entre-tuent: il n’y a plus d’Etat, il n’y a plus rien dans ce pays. » Il a affirmé de manière absurde que, « Il n’y a aucun intérêt économique dans cette histoire , aucune volonté néo-impérialiste d’aucune sorte. C’est la raison pour laquelle l’UMP soutient le gouvernement dans cette affaire. »

Quant au FN, il a explicitement soutenu cette intervention qu'il voit comme nécessaire pour protéger les intérêts géostratégiques de l'impérialisme français dans la région. D'après le FN, « cette intervention nécessaire d’un point de vue humanitaire est également conforme aux intérêts de la France dans la région. La France doit défendre et regagner ses positions dans ce qui représente pour elle une zone d’influence indispensable. »

Paris organise un sommet Afrique-France de deux jours à partir d'aujourd'hui avec 40 dirigeants africains, qui vise à renforcer les liens économiques entre la France et l'Afrique. Ce sommet devrait être dominé par l'intervention militaire française en Centrafrique.

(Article original paru le 6 décembre 2013)

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