Les pourparlers américano-japonais intensifient les préparatifs de guerre contre la Chine

La réunion dite « 2+2 » qui s'est tenue cette semaine à Tokyo entre le secrétaire d’Etat américain John Kerry, le secrétaire à la Défense Chuck Hagel et leurs homologues japonais a marqué une escalade significative du renforcement militaire américain contre la Chine. La longue déclaration conjointe a annoncé des déploiements de grande envergure d’armes américaines de haute technologie au Japon et le feu vert donné à la militarisation du Japon dans le cadre d’une « alliance plus robuste. »

Les pourparlers de jeudi se sont tenus suite à la décision du gouvernement Obama de reporter le mois dernier une attaque imminente contre la Syrie par suite d’une opposition populaire de masse tant aux Etats-Unis que dans le monde entier. Les réunions « 2+2 » montrent clairement qu’en dépit du report de la guerre contre la Syrie, les projets d’escalade militaire de Washington se poursuivent à un rythme accéléré.

La décision de Washington de faire marche arrière a provoqué la consternation parmi les alliés des Etats-Unis non seulement au Moyen-Orient, mais en Asie où le « pivot » d’Obama a encouragé le Japon et d’autres pays à adopter une attitude plus agressive envers la Chine.

La crainte que les alliés américains puissent être laissés pour compte a été soulignée cette semaine lorsque Obama a annulé sa tournée très en vue en Asie du sud-est, dans le contexte d'une crise à Washington, générée par le blocage (« shutdown ») du gouvernement. Alors que le gouvernement Obama a, à maintes reprises, déclaré que le « rééquilibrage » des forces militaires américaines dans la région Inde-Pacifique serait tenu à l’écart des mesures d’austérité, ces promesses sont remises en question par l’agitation politique provoquée par le budget.

La réunion « 2+2 » de jeudi a envoyé un message clair disant que les Etats-Unis poursuivent leur renforcement militaire en Asie et qui comprend le stationnement de 60 pour cent des forces maritimes et aériennes américaines dans la région d’ici 2020. Les déploiements américains annoncés dans le communiqué conjoint sont tous destinés à renforcer l’armée américano-japonaise contre la Chine. Ceux-ci incluent :

* Le stationnement d’un deuxième radar bande X de détection précoce au Japon près de Kyoto dans le cadre de systèmes anti-missile balistique conjoints. Bien qu'officiellement dirigées contre les capacités nucléaires primitives de la Corée du nord, ces armes font partie des préparatifs du Pentagone en vue d’une guerre nucléaire contre la Chine et la Russie.

* Le stationnement d’avions de surveillance P-8 et d’avions anti sous-marin à partir de décembre 2013 et de drones Global Hawk capables d’assurer des missions de très grande portée à partir de l’année prochaine. L’intensification de la surveillance maritime dans les mers de Chine orientale et du sud où le « pivot » américain a exacerbé des conflits maritimes tendus avec la Chine, y compris avec le Japon au sujet des îles Senkaku/Diaoyu, est tout particulièrement provocatrice.

* Deux escadrons d’appareils de transport aérien hybride MV-22 Osprey viendront renforcer la capacité de l’armée japonaise à déployer rapidement des troupes en cas de conflit au sujet des îles Senkakus. Le Pentagone projette aussi de déployer d’ici 2017 des avions à décollage vertical F-35B, un tel déploiement hors des Etats-Unis est une première, augmentant ainsi sa capacité à mener à bien sa stratégie de bataille air-mer dans une guerre éclair contre des cibles militaires situées à l’intérieur de la Chine.

Le « pivot vers l’Asie » du gouvernement Obama, qui a débuté au milieu de l’année 2009 et qui a été publiquement annoncé en novembre 2011, a enflammé le nationalisme et le militarisme dans toute la région. Ceci apparaît le plus clairement au Japon, où le gouvernement droitier du premier ministre Shinzo Abe, qui a pris ses fonctions en décembre dernier, a accru les dépenses militaires, durci son attitude à l’égard des Senkakus et pris des mesures pour affranchir l’armée des contraintes imposées par la constitution japonaise interdisant formellement une agression militaire externe.

Dans la déclaration conjointe de « 2+2 », les Etats-Unis ont « salué l’intention [du Japon] de contribuer de façon plus volontariste pour faire face aux défis auxquels est confrontée la communauté internationale » ; sa décision de mettre en place un Conseil de sécurité nationale ; l’augmentation de son budget militaire ; son réexamen du fondement juridique de la « légitime défense collective » ; et des « contributions régionales, dont l’effet du renforcement des capacités à l’égard des pays d’Asie du sud-est. »

Abe donne suite à sa promesse électorale de construire un « Japon fort » et « une armée forte ». Son gouvernement cherche soit à contourner soit à amender la constitution afin de permettre une « légitime défense collective , c'est à dire la capacité de l’impérialisme japonais à mener une guerre aux côtés des Etats-Unis, y compris des frappes militaires « préventives ». Le Japon a déjà promis de renforcer la garde côtière aux Philippines, ancienne colonie américaine et premier partenaire d’Asie du sud-est dans la confrontation avec la Chine.

Le communiqué du « 2x2 » a aussi fixé une collaboration militaire plus étroite entre les Etats-Unis et le Japon dans le partage en matière de renseignement, de guerre cybernétique et de « connaissance de la situation maritime à partir de l’espace », c’est-à-dire par le recours à des satellites espions pour surveiller le Pacifique occidental. Le Japon et les Etats-Unis ont aussi réaffirmé leur accord relatif aux bases militaires américaines à Okinawa qui ont suscité une forte opposition populaire. Tokyo a accepté de payer 3,1 milliards de dollars pour le transfert à Guam de 9.000 marines américains, ce qui fait partie d’une restructuration plus générale par le Pentagone des forces américaines dans la région, y compris vers l’Australie et les Philippines.

C’est la première fois qu’à l’occasion de la réunion ministérielle de cette semaine des entretiens à un si haut niveau ont eu lieu à Tokyo au lieu de Washington, traduisant ainsi la reconnaissance des « plus grandes responsabilités » du Japon. Le gouvernement Obama considère manifestement le gouvernement Abe comme étant un partenaire crucial dans ses efforts visant à contenir et à préparer une guerre contre la Chine. La révision prévue des « Directives de coopération américano-japonaises en matière de défense » officialisera de nouveaux arrangements militaires « robustes. »

L’intensification des déploiements militaires américains vers l’Asie orientale et l’encouragement des Etats-Unis pour que le militarisme japonais assiste le Pentagone témoigne de la témérité de la politique étrangère américaine. Secoué par une crise capitaliste insoluble aux Etats-Unis et de par le monde, l’impérialisme américain est en train d’intensifier, par le biais de l’intimidation militaire et par la guerre, sa quête d'hégémonie mondiale.

Sur fond d’opposition populaire à la guerre, le rythme de l’agression militaire américaine s’est accéléré depuis le déclenchement de la crise économique mondiale en 2008, au risque de déclencher une bien plus grande conflagration. Après avoir provisoirement renoncé à une attaque contre la Syrie, guerre qui risquait de dégénérer en une confrontation avec l’Iran, la Russie et la Chine, les Etats-Unis ont intensifié leurs préparatifs précisément pour un tel conflit.

Dans chaque pays, la poussée vers la guerre s’accompagne d’une incitation au nationalisme toxique et d’un assaut impitoyable contre le niveau de vie de la population laborieuse. La seule force sociale capable d’empêcher la guerre est un mouvement indépendant de la classe ouvrière internationale afin d’abolir sa cause première, le capitalisme mondial et son système dépassé d’Etat-nation, et de réorganiser l’économie mondiale selon des lignes socialistes dans l’intérêt de toute l’humanité.

(Article original paru le 5 octobre 2013)

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