Québec solidaire défend la logique anti-démocratique de la «charte de laïcité» du PQ

Le député de Québec solidaire Amir Khadir a adressé le mois dernier une lettre ouverte très cordiale à Bernard Drainville, le ministre du gouvernement péquiste chargé de piloter le projet de loi 60. Sous le couvert de la laïcité et de l'égalité entre les hommes et les femmes, ce projet de loi constitue une attaque frontale sur le droit des minorités religieuses à l'emploi et aux services publics.

Loin de dénoncer cette manœuvre populiste du PQ qui vise à détourner l'attention de ses propres politiques d'austérité, Khadir s'érige en conseiller politique de Drainville sur la meilleure façon de faire passer la pilule de sa charte anti-démocratique.

Dans sa lettre, Khadir accepte entièrement les cadres du débat tels que posés par le Parti québécois, à savoir que les minorités ethniques et religieuses posent un véritable problème, voire une menace, à la société québécoise et que l’État doit trouver des moyens pour combattre «l’extrémisme». Une fois de plus, Québec solidaire fournit une couverture politique aux mesures réactionnaires de la grande entreprise et en particulier du PQ, dont il est un proche allié.

Alors que le débat autour de la charte de la laïcité a été expressément mené par le PQ – avec l'aide des médias officiels, des centrales syndicales et d'importantes sections de l'establishment – de manière à alimenter les préjugés anti-musulmans pour mieux diviser les travailleurs, Khadir suggère au début de sa lettre que le PQ serait plutôt animé des meilleurs intentions au monde.

«Plusieurs de tes propres propos sur les femmes voilées t'ont à juste titre été reprochés comme emprunts d'amalgames qui peuvent alimenter la xénophobie», fait remarquer Khadir à Drainville sur un ton apparemment menaçant, pour mieux le disculper avant même de terminer sa phrase en ajoutant, «ce qui ne devrait pas selon moi représenter le fond de ta pensée».

Alors que les organismes travaillant auprès des minorités ethniques et religieuses rapportent une augmentation du nombre d'actes racistes envers ces minorités depuis le début des discussions officielles sur la charte, Khadir décharge le PQ de toute responsabilité politique dans cette situation.

Le député de Québec solidaire va jusqu'à prendre la défense de Yves Michaud, figure connue du mouvement souverainiste québécois et défenseur inconditionnel de la charte anti-démocratique du PQ. Michaud a récemment gêné le gouvernement péquiste en enjoignant publiquement les employés du secteur public portant des signes religieux ostentatoires à aller «s’installer sous d’autres cieux» s'ils ne veulent pas les enlever pour se conformer à la charte. Ces vulgaires propos chauvins n’ont pas empêché Khadir de classer Michaud parmi les «meilleures âmes», malgré sa «grande confusion».

Après de vains efforts pour chasser la forte odeur de chauvinisme qui colle à la charte de laïcité du PQ, le député de Québec solidaire consacre le reste de sa lettre à prodiguer des conseils au ministre péquiste sur la meilleure façon de parvenir à leurs fins communes, avant tout, l'indépendance du Québec.

Khadir soutient que la ligne dure du PQ sur le port de signes religieux vise à courtiser le vote nationaliste afin de «gagner quelques comtés de plus» pour faire avancer l'indépendance du Québec. Mais il trouve que c'est un mauvais choix tactique et «déplore ce pragmatisme à courte vue et destructeur, qui finira par se retourner contre l'ensemble du mouvement souverainiste».

Le fait est que l'agitation xénophobe, chauvine, anti-musulmane du PQ autour du projet de loi 60 n'est que l'aboutissement logique du projet indépendantiste que poursuit depuis plusieurs décennies une section importante de la classe dirigeante québécoise, représentée par le PQ, avec le soutien crucial des syndicats et des éléments de la pseudo-gauche parmi les classes moyennes, qui ont cherché à entourer ce projet d'une aura démocratique et progressiste.

La formation d'un autre État capitaliste en Amérique du Nord a toujours été préconisée par une section de l'élite dirigeante québecoise pour satisfaire ses propres intérêts égoïstes de classe. Un État québécois indépendant serait entre ses mains un outil pour défendre ses intérêts économiques et géopolitiques, et pour intensifier l'assaut sur les services publics, les emplois et les salaires par la subordination politique complète des travailleurs à la bourgeoisie.

C'est ce qui a été amèrement démontré par une longue expérience au pouvoir du PQ, lequel a été démasqué comme le parti de l'austérité et du «déficit zéro». Il est incapable aujourd'hui de maintenir la fiction que l'indépendance du Québec serait un «projet social», associé à une expansion des programmes sociaux et du niveau de vie. Il en fait de plus en plus ouvertement un «projet identitaire», visant à défendre le «patrimoine culturel» du peuple québécois.

Depuis les années 90, les dirigeants du PQ essaient ouvertement de vendre l'indépendance comme la meilleure façon d'imposer une vaste réduction des programmes sociaux au nom de l'élimination des dédoublements.

C'est ce lien profond entre l'indépendantisme, la réaction sociale et le chauvinisme que cherche à camoufler Khadir dans sa lettre à Drainville. Le député de Québec solidaire cherche ainsi à redonner vie à un projet hostile aux intérêts ouvriers, qui serait un facteur additionnel de division entre les travailleurs français, anglais et immigrés du Canada, et qui va à contre-courant du progrès social et historique.

La propriété privée capitaliste, et le système des États-nations au sein duquel elle s'est historiquement développée, sont en violente contradiction avec le développement harmonieux de l'économie mondiale qui est nécessaire pour combler les besoins sociaux. Cette contradiction ne peut trouver une solution progressiste que par l'action unifiée des travailleurs pour réorganiser la production sur une base scientifique et rationnelle.

Le député de Québec solidaire cherche également à donner de la crédibilité aux prétentions démocratiques du PQ en lui reprochant de vouloir imposer les «préceptes du Siècle des Lumières» par «une assimilation à la dure».

La charte de la laïcité du PQ n'a rien à avoir les principes démocratiques des Lumières qui ont joué un rôle clé dans la lutte idéologique contre la monarchie absolutiste et l’obscurantisme religieux ayant préparé la grande Révolution française. Le principe de «laïcité», tel que conçu à cette période révolutionnaire, signifiait l'interdiction pour l’État d’imposer une croyance religieuse quelconque à des individus et, inversement, pour l’Église, de s’immiscer dans les affaires de l’État.

Ce que fait le PQ, sous couvert de la «laïcité», c’est d’attaquer les droits de certaines minorités d’avoir accès à des emplois, étant donné leur foi et les signes religieux associés. L'hypocrisie de cette position est démasquée par le fait qu'il défend au même moment le «patrimoine catholique» du Québec. En tentant d’associer cette supercherie du PQ au «Siècle des Lumières», Québec solidaire lui sert de couverture politique.

Québec solidaire trouve simplement que le PQ, pour l’instant du moins, va trop loin. S’adressant au ministre Drainville en l’appelant constamment par son prénom, Amir Khadir parle du «consensus» qui existe sur la «nécessité d’encadrer et d’harmoniser les pratiques d’accommodement». Reconnaissant qu'il doit «y avoir des limites au port de vêtements ou accessoires religieux», Khadir poursuit avec cette timide plainte: «Mais est-il nécessaire d’interdire tous les signes religieux pour tous les postes dans tous les services publics Bernard?»

La lettre de Khadir vise à camoufler la source objective de l'assaut sur les droits démocratiques contenu dans le projet de loi 60.

Lorsque les inégalités sociales augmentent à un niveau sans précédent, et que les conditions de vie des masses reculent constamment, la classe dirigeante cherche à attiser les préjugés envers les minorités ethniques et religieuses. Incapable de créer une base d’appui populaire pour ses politiques réactionnaires, elle n’a d’autres choix que d'encourager des sentiments anti-démocratiques, de créer la division parmi les travailleurs sur des questions culturelles, et de détourner l’attention des ces derniers vers des «problèmes» créés de toutes pièces, et loin du système de profit qui est la source de leur misère.

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