Le Monde tente de noyer le public dans la propagande de guerre de l'Etat pour lui faire accepter une escalade massive de la guerre au Moyen-Orient et en Afrique, prétextant que Paris et ses alliés impérialistes mèneraient une guerre « contre le terrorisme ».
Le 25 septembre, Le Monde publiait un éditorial intitulé « C'est le djihadisme qui provoque la guerre ». Il saluait la décision de Paris de bombarder l'Irak aux côtés des Etats-Unis, déclarant crûment : « C'est une bonne chose. Et il serait souhaitable qu'il en aille ainsi de façon durable ».
Pour justifier sa position militariste, le journal s'empare de l'horreur provoquée par le meurtre d’Hervé Gourdel, un alpiniste français décapité près de Tizi Ouzou dans l'Est algérien par le Jund Al-Khalifah, groupe lié à la milice de l'État islamique (EI) visé par les frappes françaises en Irak. Il fait écho aux déclarations de l'impopulaire Président français François Hollande, qui se présente comme un « président de guerre » et a promis d'intensifier l'intervention au Moyen-Orient après le meurtre de Gourdel.
Citant le meurtre de Gourdel et les menaces de représailles de l’EI suite au bombardement de l'Irak par la France, Le Monde écrit, « La vérité s'impose : l'EI n'a pas attendu la campagne de bombardements menée contre lui pour pratiquer le terrorisme sous toutes ses formes. Il est riche, assez puissant, très bien armé. Il diffuse une idéologie totalitaire, pratique l'épuration ethnique et religieuse et le massacre à grande échelle. Cela fait des mois qu'il proclame son intention de s'en prendre, de façon indiscriminée, aux « Occidentaux » ... C'est bien le djihadisme qui provoque la guerre. Pas l'inverse ».
Que de mensonges et de dérobades misérables ! Le Monde commence par une étrange erreur de fait, en affirmant que le terrorisme anti-français de l’EI a commencé avant que la France ne bombarde l'Irak. En fait, les avions français ont bombardé Iraq le 19 septembre, Gourdel a été enlevé le 22, et il a été assassiné le 24. Avant tout, l'éditorial soulève la question suivante : si l’EI est riche, puissant et bien armé, d'où proviennent son argent et ses armes?
L’argent de l’EI, ses armes et, en fait, le groupe lui-même, ont tous émergé de la guerre par procuration lancée par la France et d'autres puissances impérialistes pour renverser le président syrien Bashar el-Assad. À partir de 2011, les Etats-Unis, la France et leurs alliés, y compris l'Arabie saoudite et le Qatar, ont armé, financé et entraîné des milices islamistes pour attaquer le régime syrien. Ces puissances ont soutenu les forces jihadistes liées à Al Qaida, y compris le Front Al Nosra et l’EI.
Cela a fait suite à l'intervention américaine des USA et de l'OTAN en Libye en 2011, quand la France et l'OTAN ont collaboré étroitement avec les forces liées à Al-Qaïda pour détruire le régime du colonel Muammar Kadhafi.
Le meurtre de Gourdel met en évidence le caractère barbare des groupes djihadistes. Toutefois, ce ne sont pas les divers gangs liés à l'EI qui portent la principale responsabilité de sa mort, mais les dirigeants bellicistes à Paris, Washington et dans d'autres capitales des pays de l'OTAN qui ont armé les djihadistes, et leurs soutiens médiatiques, comme Le Monde.
Le Monde clôt son éditorial en soulignant que les carnages se répandent à travers le Moyen-Orient et l'Afrique, couvrant une large partie de la surface de la terre: « Il est illusoire et irresponsable d'imaginer que l'immense chaos Moyen-Oriental restera cantonné à la région. Il s'étend, comme le montre la toile informelle des groupes agissant au nom du djihad, du Nigeria au Cameroun, en passant par le Maghreb et l'Afrique sahélienne. »
Ainsi, tout en admettant que des centaines de millions de personnes risquent d'être plongés dans la guerre, Le Monde pèse de tout son poids en faveur de l'escalade de Hollande en Irak et à travers tout l'ancien empire colonial français. Si Hollande déclarait que la France allait étendre ses guerres en Libye, au Mali et en République centrafricaine en direction des pays d'Afrique énumérés par Le Monde, le journal les soutiendrait sans doute, écrivant que cela ouvre un nouveau front dans la guerre « contre le terrorisme ».
Les médias bourgeois français, couronnés par les organes comme Le Monde, fonctionnent comme un instrument de propagande pour étouffer l’opposition de masse aux guerres que préparent les puissances impérialistes dans le dos des peuples. Le journal emploie des méthodes qui, pendant les guerres mondiales du siècle dernier, ont conduit les travailleurs à décrire avec mépris leurs articles comme du « bourrage de crâne ».
L'année dernière, alors que l'OTAN menaçait de mener une guerre impopulaire contre la Syrie, Le Monde publiait à plusieurs reprises des articles, citant des sources au sein du gouvernement ou des services de renseignements, accusant le régime d'Assad d'utiliser des armes chimiques contre le peuple syrien. De tels rapports visaient à apporter des arguments à l'administration Obama pour affirmer qu'une « ligne rouge » avait été franchie sur les armes chimiques, et que Washington devait donc bombarder la Syrie.
Quand il y a un an, Washington et Paris menaçaient de bombarder la Syrie en se fondant sur des affirmations, qui se sont par la suite avérées être des mensonges, qu’Assad avait gazé des civils à Ghouta, beaucoup de lecteurs ont écrit au Monde pour protester contre sa couverture pro-guerre. Le journal s'est senti obligé de répondre à ses lecteurs dans une chronique du 16 septembre 2013, par le « médiateur » du Monde, intitulée « Journal de combat ».
Le Monde citait les critiques par ses lecteurs de son «haut-voltige nationaliste » et leurs questions, telles que, « voulez-vous perdre toute objectivité ? ». Un autre lecteur mettait en contraste le soutien actuel du Monde à la guerre avec la décision du président de droite Jacques Chirac de ne pas soutenir l'invasion américaine de l'Irak il y a une dizaine d'années : « Où est la France de 2003 qui refusait de participer à la coalition "mondiale" contre Saddam Hussein dans un grand geste d'indépendance gaulliste ? ».
En réponse, Le Monde a tenté d'envelopper ses opinions pro-guerre dans le drapeau usé des droits de l'homme. Il écrivait, « Notre journal aurait-il lui aussi joué à quitte ou double en appelant à "une riposte" face au "crime de trop" ? D'aucuns le pensent, le disent, l'écrivent. Alors n'ayons pas peur des mots. Un journal comme le nôtre est, oui, un journal de combat ; combat pour des valeurs universelles et humanistes. Créé, faut-il le rappeler, en décembre 1944, pour préparer le retour de la paix, de la démocratie, des droits de l'homme. C'est bien parce que nous sommes un journal de combat qui a horreur de la guerre que nous secouons le cocotier des "puissants impuissants" en combattant leur inertie. C'est le rôle de la presse dans une démocratie - le fameux "quatrième pouvoir". »
Cette auto-congratulation est une absurdité prétentieuse. Le Monde fait campagne pour promouvoir les guerres qui ont un large soutien dans le gouvernement et la classe dirigeante, mais pas dans la population. En ce qui concerne l'invocation pompeuse de la Libération du régime de Vichy et de l'occupation nazie à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, c'est un terrain dangereux pour le principal journal de la « gauche » bourgeoise en France.
S'il y a quelque chose à rappeler ici, c'est que Le Monde a été fondé en 1944, parce que son prédécesseur, Le Temps, dont il a repris les bureaux et l’imprimerie, avait été fermé pour avoir collaboré avec les nazis. Son premier rédacteur en chef d’après-guerre, Hubert Beuve-Méry, a travaillé à l'école de cadres du régime de Vichy à Uriage et a écrit des essais soutenant la Révolution nationale du dictateur fasciste, le maréchal Philippe Pétain.
Il a ensuite changé de camp pour rejoindre la Résistance et a été choisi par le général Charles de Gaulle pour diriger Le Monde, abandonnant les thèmes fascistes et nationalistes pour les valeurs « universelles et humanistes », dans le cadre de la vaste campagne de la bourgeoisie pour nier et camoufler les crimes de la collaboration française.
C'est cette histoire, et pas l’invocation superficielle et trompeuse par Le Monde de 1944, qui donne la meilleure indication de la fonction du journal aujourd'hui : utiliser une rhétorique humanitaire pour dissimuler les politiques les plus impitoyables de l'impérialisme.