Les puissances impérialistes et l'‘opposition’ bourgeoise tendent la main à la junte militaire au Burkina Faso

« L'opposition » pro-impérialiste, des régimes africains voisins et les grandes puissances impérialistes interviennent pour fournir une façade civile, démocratique au coup d’Etat mené la semaine dernière suite à des manifestations de masse qui ont conduit à la destitution du dictateur soutenu par la France, Blaise Compaoré.

Les Etats-Unis, le Canada et l'Union africaine ont tous menacé d’imposer des sanctions si l'armée ne rendait pas le pouvoir à un gouvernement civil dans les 15 jours. Ils craignent, comme l’a écrit Le Monde daté du 4 novembre, que « L'insurrection populaire pourrait reprendre à tout moment », et veulent renforcer les régimes pro-impérialistes de toute l’Afrique occidentale. L'armée était intervenue pour parer à des manifestations de masse qui ont éclaté le 28 octobre contre la tentative de Compaoré de prolonger ses 27 ans au pouvoir, et a destitué celui-ci le 31 octobre.

Le 5 novembre, une délégation de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, (Cédéaou) – composée des présidents du Ghana, du Sénégal et du Nigéria – s'est précipité dans la capitale Ouagadougou.

Le lendemain, ils ont publié une déclaration qui affirmait qu'ils avaient « obtenu des parties en présence au Burkina Faso » un accord « pour la levée immédiate de la suspension de la Constitution permettant au Conseil Constitutionnel de déclarer la vacance de pouvoir et annoncer les processus de la mise en place d’un gouvernement de transition » et « l’organisation d’élections présidentielles et législatives d’ici novembre 2015 » pour résoudre la crise créée par la démission de l'ancien président Blaise Compaoré la semaine dernière et la dissolution de son gouvernement.

Publiée après des pourparlers avec « l'opposition » et la junte menée par le lieutenant-colonel Isaac Zida qui a pris le pouvoir le 1er novembre, la déclaration du Cédéaou a appelé à « la nomination urgente par consensus d’une éminente personnalité civile pour présider la transition ».

Pour clairement démontrer son soutien aux services rendus par Compaoré à l'impérialisme pendant ses 27 ans au pouvoir, elle ajoute: « les chefs d’Etat et de gouvernement ont rappelé l’important rôle que joue le Burkina Faso, dans le cadre des efforts visant la paix et la sécurité globale ainsi que la stabilité politique au niveau régional et continental, en particulier sa participation active dans les missions de maintien de la paix et les processus de médiation. »

L'armée du Burkina Faso est un élément clé de l'intervention de la France au Sahel, surtout de la guerre au Mali. Quarante sociétés françaises sont présentes dans la plupart des secteurs de l'économie du Burkina Faso et Paris est le principal fournisseur de fonds de son ancienne colonie. L'ambassadeur français, Gilles Thibault, joue selon l'entourage du président français François Hollande, « un grand rôle ».

Une coalition de partis bourgeois nommée ‘Chef de file de l'Opposition’ avait appelé aux manifestations contre Compaoré le 21 octobre quand furent révélées les modifications constitutionnelles envisagées par celui-ci. Le mardi 28 octobre, à la consternation de l’‘opposition’, les manifestations ont attiré des centaines de milliers de gens, majoritairement des jeunes, dans la capitale et dans d'autres grandes villes de par le pays.

L'impérialisme français, avec le soutien de ses alliés, a agi vite pour installer un nouveau régime à ses ordres. Compaoré a fui Ouagadougou vendredi dernier, n'évitant des populations en colère que grâce à un hélicoptère et puis un avion envoyés par l'armée française qui l'ont transporté en Côte d'Ivoire – où Compaoré avait aidé Paris à installer le président ivoirien actuel Alassane Ouattara lors d'une intervention militaire française en 2011.

Le 30 octobre; l'armée, soutenue par les appels de « l'opposition » à empêcher le chaos, a agi pour étouffer la révolte et pour renforcer le contrôle de Zida, officier de la garde présidentielle. Dans un communiqué du 2 novembre, Zida a mis en garde son rival, le général Kwamé Lougué, que toute tentative de s'opposer à lui serait: « une atteinte au processus de transition en cours...et que tout acte de nature à remettre en cause le processus de transition sera réprimé avec vigueur et fermeté. »

L'‘opposition’ est dirigée publiquement par son porte-parole Zéphirin Diabré qui, sous Compaoré, a cumulé le poste de pdg d'une société de conseil de financement minier avec le poste de ministre du Commerce et des Mines. Il est à la tête d’une agence de développement de l'ONU et était jusqu'en 2011 président de la filiale africaine d’Areva, la multinationale française du nucléaire (extraction de l'uranium).

Son organisation a appelé à une manifestation dimanche matin à la place de la Nation pour revendiquer un gouvernement civil. Mais, selon Jeune Afrique, « le rassemblement place de la Nation... s'est cependant soldé par un échec, avec seulement un millier de personnes présentes. Le chef de file de l'opposition, Zéphirin Diabré, n'était pas venu car il rencontrait des représentants de l'armée au même moment, selon son entourage. »

Diabré a déclaré que l'opposition ne s'opposerait pas à la participation de l'armée dans la transition à un gouvernement civil. Lui et « l'opposition » ont participé à des pourparlers avec l'ONU, le Cédéaou et l'Union africaine.

Dans un entretien au Monde du 4 novembre, il a déclaré: « L’armée a elle-même reconnu que ce qui s’est passé est une insurrection populaire ... Il se trouve que du fait de la vacance du pouvoir, l’armée a pris ses responsabilités pour tenir en main l’appareil d’Etat. Nous avons eu dimanche [2 novembre] une rencontre avec le lieutenant-colonel Zida, qui a été désigné par l’armée pour conduire la transition. »

Les commentaires des manifestants qui sont allés à la place de la Nation démontrent clairement le gouffre qui existe entre les travailleurs et masses opprimées du Burkina Faso et l'opposition pro-impérialiste.

Un manifestant, Amadou Yamiro, a dit à la BBC: « Ce matin nous nous sommes mobilisés, car jusqu'à présent la situation n'est pas claire. Nous n'avons pas encore de dirigeant pour notre pays. Nous ne voulons pas que l'armée soit au pourvoir, surtout pas le régiment spécial présidentiel...Nous sommes allés à la Télévision nationale pour essayer de comprendre ce qui allait se passer, et pendant qu'un colonel nous rassurait, des soldats sont arrivés et ont commencé à tirer. On nous dit qu'encore une fois c'est le régiment présidentiel, les mêmes qui ont tué des gens le 30 octobre, ceux qui ont tué beaucoup de gens... La garde présidentielle avec Zida jettera le pays dans le chaos ».

Le général Kouamé Lougué, qui se présente parfois en tant que descendant du nationaliste petit-bourgeois burkinabé, le président Thomas Sankara, mais qui était ministre de Défense de Compaoré, a joué un rôle douteux pendant les manifestations et le coup militaire. Mediapart, un site d'actualités lié au Nouveau Parti anti-capitaliste (NPA), a fait sa promotion, déclarant qu'il avait été « propulsé à la tête des manifestants » et que certaines informations disaient que des manifestants scandaient son nom dans les rues.

Récemment, il a fait une déclaration à RFI, exprimant son soutien à l'armée. RFI a fait remarquer que Lougué était « encore un militaire actif, général de la deuxième section, et que même s'il ne faisait plus partie du commandement de l'armée, il [était] toujours à la disposition de l'état-major. Il assure être du côté de ses frères d'armes...il allait se ranger à la décision de l'état-major ».

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