La France annonce la mort de deux chefs d'Al Qaïda dans le Nord du Mali

Le ministère de la Défense a annoncé le 20 mai que quatre membres d'Al Qaïda, dont deux chefs impliqués dans la mort de plusieurs citoyens français, étaient morts lors d'une descente de commandos français la nuit du 17 au 18 mai dans le Nord du Mali. 

Sans donner de détails sur l'opération des commandos, le ministère a salué cette exécution extrajudiciaire, déclarant: « Quatre terroristes ont été tués au cours des combats. Parmi eux figurent Amada Ag Hama alias « Abdelkrim le Touareg » et Ibrahim Ag Inawalen alias « Bana », deux des principaux chefs d’AQMI et d’Ansar Eddine.” 

Ces deux groupes étaient, selon le ministère, responsables de « nombreuses attaques terroristes contre les forces internationales, ainsi que d’exactions répétées à l’encontre des populations maliennes. » 

Amada Ag Hama avait revendiqué le meurtre de deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, à Kidal dans le Nord du Mali en novembre 2013, lors des élections législatives maliennes. 

Il aurait été impliqué dans le meurtre de Michel Germaneau en 2010 et de Philippe Verdon en 2013, et dans l'enlèvement de quatre Français qui travaillaient pour Areva, la multinationale énergétique, dans les mines d'uranium près d'Arlit, au Niger. (Voir: La France profite du meurtre des journalistes de RFI pour intensifier sa guerre au Mali

Bana était un ancien colonel malien qui a déserté avant de rejoindre Ansar Eddine. Il aurait exécuté 80 hommes désarmés dans le village d'Aguelhok dans le région de Kidal en janvier 2012. 

L'exécution des deux hommes par les commandos français s'est faite sans autre forme de procès. Une investigation de l'assassinat des deux journalistes RFI se déroule toujours, et les circonstances du meurtre des journalistes restent obscures. Ils ont trouvé la mort dans une zone ayant une forte présence de troupes françaises et onusiennes. 

Auparavant, les autorités françaises et maliennes insistaient pour dire qu'il y aurait une enquête sur le meurtre des journalistes et un procès. Au mois d'octobre, le ministre des Affaires Etrangères Laurent Fabius avait déclaré aux députés: « L'enquête est entrée dans une phase tout à fait décisive. Les juges devraient pouvoir obtenir rapidement tous les éléments susceptibles d'arrêter les coupables. » 

Le 20 mai, la maison mère de RFI, France Médias Monde, avait déclaré qu'elle « attend[ait] que l’enquête judiciaire en cours sur l’assassinat de Ghislaine Dupont et Claude Verlon permette d’éclaircir totalement les circonstances du drame et aboutisse à l’arrestation des assassins afin qu’ils soient jugés. » 

L'assassinat extrajudiciaire des deux chefs islamistes permet à présent aux autorités françaises de clore le dossier du meurtre des deux journalistes sans en éclaircir les circonstances. 

Après le raid, Fabius s'est félicité de l’exécution d'Ag Hama et de Bana: « La France a la mémoire longue ». 

Cette opération intervient après que les forces françaises ont abattu Ahmed Al Tilemsi, un chef haut placé du groupe islamiste Al Mourabitoun, au nord du Mali en décembre. C'était un membre fondateur du Mouvement Unicité et Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), qui a rejoint des combattants affidés au chef islamiste Mokhtar Belmokhtar pour former Al Mourabitoun en 2013. 

Alors que les dirigeants français insistent hypocritement qu'ils mènent une « guerre contre la terreur » au Mali, ils instrumentalisent des combattants islamistes ailleurs. Des islamistes liés à Al Qaïda ont servi de troupes par procuration à Paris et à Washington dans des guerres pour renverser le régime libyen du Colonel Mouammar Kadhafi en 2011, puis le régime syrien. 

La guerre au Mali est le produit direct de ces guerres par procuration de l'OTAN. Après la chute de Kadhafi, des rebelles touaregs qui avaient combattu pour Kadhafi sont retournés, lourdement armés, au Mali. Ils ont saisi de larges parties du Nord du Mali en 2012, réclamant plus d'autonomie dans une zone qu'ils appelaient l'Azawad. 

L'impérialisme français a envahi le Nord du Mali en janvier 2013 pour reprendre le contrôle de cette région. Un contrôle islamiste de la région lui aurait été inacceptable, car il aurait discrédité les régimes corrompus mais profrançais de la région et mis en question les opérations françaises très rentables comme les mines d'uranium du Niger voisin. 

La France déploie actuellement 3.000 soldats à travers le Sahel dans le cadre de l'opération Barkhane. Ces troupes mènent des opérations à travers l'ancien empire colonial français en Mauritanie, au Mali, au Niger, au Burkina Faso et au Tchad.

Depuis l'intervention militaire française, la crise continue de s'approfondir au Mali. Les deux chefs d'Al Qaïda sont morts alors que le gouvernement malien avait paraphé, le 15 mai, un accord de paix provisoire, proposé par l'Algérie, avec plusieurs groupes armés. La principale coalition touarègue, la Coordination des Mouvements de l'Azawad (CMA), a boycotté l'accord pour réclamer davantage de concessions au régime malien de Bamako. 

Bamako recherche un accord avec le CMA en partie pour tenter d'isoler les islamistes. A Accra, la capitale ghanéenne, le ministre des Affaires Etrangères Abdoulaye Diop a déclaré que les groupes islamistes étaient toujours préoccupants et qu'il fallait une force militaire spéciale pour les stopper. En même temps, il a proposé au CMA de négocier un accord. 

Selon Diop, la situation très instable et critique nécessitait une décision rapide du CMA de participer à la négociation des accords de paix du 15 mai. 

Ces derniers jours, le Nord du Mali a vu une montée de la violence et des atrocités. Des milliers de personnes ont fui des combats entre les forces maliennes profrançaises et les rebelles. Le 21 mai, le CMA a rapporté que l'armée malienne avait exécuté neuf civils à Tin Hama, dont un humanitaire malien. 

Un porte-parole onusien, Jens Laerke, a déclaré: « Nos partenaires et les autorités locales sur le terrain calculent que pendant les deux dernières semaines, presque 27.000 personnes avaient fui leurs maisons et villages. Cette semaine, 20.000 personnes ont été déracinées par cette violence. Les réfugiés restent actuellement dans des abris temporaires ou auprès de familles d'accueil dans les agglomérations plus larges de la région ou de la rive sud du fleuve Niger. Leurs besoins en eau, en nourriture et autres biens, et en abris, sont urgents ».

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