La ministre allemande de la Défense annonce une mission de combat au Mali

L’armée allemande se prépare à étendre massivement ses opérations au Mali, en commençant par une dangereuse mission dans le nord du pays. C’est ce qu’a annoncé mardi la ministre de la Défense Ursula von der Leyen lors d’une réunion des ministres de la Défense de l’UE à Bruxelles.

Von der Leyen avait déjà réagi favorablement à la demande de soutien officielle de son homologue Jean-Yves Le Drian après les attentats terroristes de la semaine passée à Paris; elle a déclaré, « Nous écouterons très attentivement ce que la France a à nous dire en analysant soigneusement les demandes de la France. Nous ferons bien évidemment tout ce qui est en notre pouvoir pour étendre notre aide et notre appui. »

Le gouvernement français a pour la première fois de l’histoire de l’UE demandé l’appui de tous les Etats-membres en réponse à une attaque armée. Il a invoqué le paragraphe 7 de l’article 42 du traité de l’UE qui stipule qu’au cas où « un Etat-membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir. » Selon le gouvernement français, les attentats terroristes à Paris relèvent de cette catégorie.

La ministre de la Défense n’a pas caché le fait que l’armée allemande préparait maintenant une campagne militaire massive au nom de la « guerre contre le terrorisme. » A Bruxelles, von der Leyen a affirmé que le gouvernement français avait raison de dire que la lutte contre l’Etat islamique (EI) et le terrorisme « ne se limitait pas à la Syrie et à l’Irak. »

Le gouvernement de Berlin étudie à présent comment élargir son engagement au sein de la mission MINUSMA de l’ONU (Mission multidimensionnelle Intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) dans la région contestée du nord du pays. 

« Des forces opérationnelles sont de première urgence au Mali afin de déterminer où les groupes terroristes et les milices opèrent dans cet énorme pays, » a dit von der Leyen au journal Bild am Sonntag. « Actuellement, les Pays-Bas se sont chargés de ce travail, mais l’armée allemande peut fournir de l’aide dès 2016 sur la base de ses énormes moyens de reconnaissance, » a-t-elle poursuivi. Pour que « nos soldats […] soient en mesure de se protéger, » ils auront besoin « d’un mandat robuste. »

Selon Spiegel Online, la ministre de la Défense veut stationner à Gao une section de reconnaissance et des drones de type « Luna ». Les experts militaires s’attendent à « un contingent allemand comptant jusqu’à 700 hommes capables d’être déployés au Mali au printemps de 2016. » A ce jour, seuls huit soldats allemands participent à MINUSMA. Quelque 200 autres participent à des manœuvres d’entraînement avec l’armée malienne dans le cadre de la mission EUTM de l’UE.

La tentative du gouvernement allemand de présenter le plus important et dangereux déploiement de troupes allemandes depuis l’Afghanistan comme une réaction aux attentats terroristes de Paris est de la propagande cynique. En réalité, cette mission militaire était prévue de longue date. Déjà le 4 octobre, la ministre de la Défense disposait du rapport d’une équipe d’exploration en tournée dans le nord du Mali devant servir de base à la préparation de la campagne militaire.

Ce sont les mêmes objectifs de pillage que ceux qui ont poussé l’impérialisme allemand à aller en Afrique avant la Première Guerre mondiale, puis durant la Seconde Guerre mondiale sous le régime nazi, qui motivent au final l’intervention actuelle. Le World Socialist Web Site avait déjà écrit sur les «directives du gouvernement fédéral en matière de politique africaine», approuvés en mai 2014. Elles se lisent comme un document de stratégie pour l’exploitation de ce continent riche en matières premières par l’impérialisme allemand au 21ème siècle.

La première partie du document porte le titre « Conditions de départ: importance croissante de l’Afrique pour l’Allemagne et l’Europe. » On peut y lire: « La potentialité de l’Afrique est la conséquence d’un développement démographique avec un marché futur de forte croissance économique, de riches ressources naturelles, le potentiel d’une production agricole et d’une sécurité alimentaire indépendante… Les marchés africains ont un développement dynamique et deviennent, au-delà de l’économie des matières premières, de plus en plus intéressants pour l’économie allemande. »

La deuxième partie, intitulée « Notre engagement en Afrique, » réclame le renforcement en Afrique de « l’engagement politique, sécuritaire et de la politique de développement en Allemagne. » Le gouvernement allemand veut « agir de manière précoce, rapide, décisive et substantielle sur la base des droits humains et axée sur les intérêts. » Ceci inclut explicitement des interventions militaires. Le gouvernement allemand entend « déployer tout l’éventail des moyens disponibles » étant du ressort de divers ministères (italiques dans l’original). Ceci comprend « les moyens politiques, en termes de sécurité, de politique de développement, de politique régionale, économique, scientifique et culturelle. »

L’élite dirigeante allemande tente à présent d’utiliser les terribles attentats de Paris comme prétexte pour faire avancer le retour de l’impérialisme allemand en Afrique. Dans une interview accordée au Rheinische Post, l’ancien inspecteur général de l’armée allemande, Harald Kujat, a déclaré dans le meilleur style de l’Allemagne impériale, « Nous pourrions aussi jouer un rôle prépondérant au Mali. Ce serait certes un défi, mais c’est faisable, même s’il restait encore des soldats affectés en Afghanistan, dans d’autres missions et au problème des réfugiés. » 

(Article original paru le 20 novembre 2015)

 

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