Le gouvernement allemand prépare une intervention militaire en Syrie

Suite aux attentats terroristes du 13 novembre à Paris, l’élite dirigeante allemande a décidé de mettre rapidement en pratique l’orientation vers une politique étrangère agressive annoncée il y a deux ans par le président Joachim Gauck.

Mardi dernier, la ministre de la Défense Ursula von der Leyen, (Union chrétienne-démocrate, CDU) a annoncé lors d’une réunion des ministres de la Défense de l’UE que l’armée allemande préparait une mission de combat au Mali. A présent, l’élite dirigeante allemande examine activement une intervention militaire en Syrie.

Selon un article paru dans la dernière édition du magazine Der Spiegel, « pour la première fois de l’histoire de la République fédérale, l’intervention de l’armée allemande dans une zone de combat au Moyen-Orient n’[est] plus à exclure. » Le magazine précise que la chancellerie partait du principe que « l’Allemagne devait y participer si le Conseil de sécurité des Nations unies adoptait une résolution. » Le ministère de la Défense ne songeait pas non plus à « exclure » une mission de combat. Il examinait ce qui « était judicieux ».

Bien que le magazine prétende « qu’aucune mission de combat n’était probablement [préparée] au sol [et] non plus par l’armée de l’air », les déclarations faites par de hauts responsables de la sécurité et de l’armée, tout comme les commentaires des grands journaux, montrent que c’est précisément ce qui est en train d’être débattu et planifié à l’insu de la population.

L’expert en matière de Défense et président de l’Association des réservistes de l’armée allemande, Roderich Kiesewetter (CDU), a demandé que l’armée de l’air soit déployée pour identifier des cibles de l’EI en Syrie. « L’Allemagne pourrait considérablement aider les troupes internationales par ses avions de reconnaissance Tornado, » a-t-il dit au journal Bild, ajoutant, « Nous fournissons les coordonnées, elles envoient les bombardiers. » 

Dans une interview au journal Süddeutsche Zeitung, l’inspecteur de l’armée de l’air Karl Müllner a souligné que l’armée allemande était en principe en mesure de mener une mission contre l’Etat islamique. « Si on nous le demandait, nous pourrions offrir certaines capacités, » a-t-il dit à ce journal. « Cela commencerait par le soutien à d’autres, par exemple avec du transport aérien. Ensuite avec des capacités de reconnaissance sous forme de Tornados, incluant des capacités de combat contre des cibles au sol. »

Le général est visiblement impatient de laisser l’aviation de guerre allemande bombarder des pays pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale.

« Le Tornado, modernisé de façon pratiquement exhaustive » est « actuellement l’avion des forces aériennes [pouvant] être déployé pour des frappes aériennes. » Il existait « des munitions à guidage de précision en quantité suffisante et les équipages disposent d’une formation appropriée. » L’Eurofighter serait « lui [aussi] probablement prêt vers le milieu de l’an prochain pour l’attaque de cibles au sol. » L’« étape décisive à franchir » reste « la certification de la modification du logiciel. » C’est ce qui « est actuellement en train de se produire. » Puis, « c’est le tour de l’armement », a dit Müllner, mais « ceci a déjà été approuvé par le parlement. »

Dans les médias allemands, qui n’ont cessé de réclamer à cor et à cris le renforcement de l’Etat depuis les attentats de Paris, il y a maintenant des commentaires qui, par leur agressivité et leur langage, rappellent la propagande militariste nazie. Jeudi, Rainer Hermann du Frankfurt Allgemeine Zeitung, avait réclamé « l’extermination militaire de l’EI. » Il ne « saurait y avoir d’alternative à ceci, et ce d’autant plus qu’elle pourra être réalisée par des moyens militaires conventionnels – par des frappes aériennes et des troupes au sol. »

Le soi-disant expert du Moyen-Orient ne se donne même pas la peine d’envisager les conséquences horribles d’une offensive aérienne et terrestre à outrance des puissances occidentales en Syrie et en Irak. Une telle guerre signifierait inévitablement la mort de centaines de milliers d’habitants de la région et serait susceptible de dégénérer en confrontation militaire avec l’Iran et la Russie, qui soutiennent le régime Assad dans la guerre civile syrienne.

Hermann se plaint seulement de ce que l’Occident ne soit pas (encore) prêt à faire la guerre d’extermination qu’il demande. Bien que les forces par procuration au sol et « la lutte contre l’EI au moyen d’une technologie militaire occidentale aérienne » ne suffisent pas, il n’existe pas de pays occidental… prêt à offrir ses propres forces. »

Un commentaire paru dans le Tagesspiegel de Berlin est allé plus loin encore. Dans un article intitulé « De toutes nos forces contre le terrorisme, » Frank Jansen suggère le plus sérieusement du monde une guerre totale contre l’EI et une occupation militaire permanente du Moyen-Orient.

Jansen a déclaré qu’il était « inévitable que l’Ouest envisage les plus dures méthodes qui soient : une extension de l’engagement militaire des Américains, des Français, des Britanniques et d’autres alliés, largement limité à des frappes aériennes en Syrie et en Irak, allant jusqu’au déploiement de troupes au sol. » L’Occident devait aussi « mener une guerre ‘totale’ avec infanterie, chars et artillerie contre l’un de ses adversaires les plus brutaux. » Il « faudrait vingt ans ou plus, le temps d’une génération entière, pour que la protection de la présence militaire occidentale puisse être retirée, après l’établissement à l’intérieur d’une infrastructure politique à peu près robuste. »

Les appels des médias allemands en faveur d’une intervention militaire doivent être pris comme un avertissement. Le retour de l’Allemagne à une politique étrangère agressive et de grande puissance ne peut déboucher que sur une catastrophe. La classe dirigeante allemande, qui a porté Hitler au pouvoir il y a 80 ans, déclenché la Seconde Guerre mondiale et assassiné des millions de gens, est en train de préparer de nouveaux crimes pour défendre ses intérêts économiques mondiaux et géostratégiques.

(Article original paru le 23 novembre 2015)

 

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