Face au drame des réfugiés, Hollande lance une escalade de la guerre en Syrie

Alors que des centaines de milliers de réfugiés affluent vers l'Europe pour échapper aux guerres allant de la Libye et du Mali à l'Ukraine, en passant par la Syrie et l'Irak, Hollande a annoncé lors de sa conférence de presse de rentrée hier une escalade de la guerre en Syrie. La France agirait avec ses alliés de l'OTAN pour mener des frappes aériennes contre l'Etat islamique (EI) et renverser le président syrien, Bachar al-Assad.

Ceci ne fera qu'intensifier les souffrances qui ont transformé plus de quinze millions de Syriens et d'Irakiens en réfugiés, et qui pousseront encore davantage de personnes à fuir leur foyers. Hollande a annoncé que la France organiserait immédiatement des vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie, afin de sélectionner des cibles pour des frappes aériennes françaises. 

Si l'EI sert de prétexte à l’intervention française, le but assumé de cette guerre est toutefois de « neutraliser » Assad, selon l'expression consacrée de l'Elysée, et d'installer un régime syrien peuplé de milices islamistes réactionnaires à la botte de l'OTAN. Hollande a insisté pour dire que le départ d'Assad du pouvoir était « nécessaire » et que les « rebelles syriens [devaient] jouer leur rôle » dans le gouvernement qui lui succéderait. 

L'offensive prônée par Hollande jouit du soutien d'autres puissances de l'OTAN. Quelques heures après la conférence de Hollande, le premier ministre britannique David Cameron s'est adressé aux Communes pour annoncer que des drones britanniques avaient assassiné sans procès deux citoyens britanniques qui combattaient auprès de l'EI en Syrie. Il a également indiqué qu'il pourrait revenir au parlement dans les semaines à venir afin d'obtenir l'autorisation pour des offensives plus larges. 

Hollande a justifié cette politique en mettant la crise des réfugiés en Europe sur le compte d'Assad, qui a « tiré sur son propre peuple ». Ce n'est qu'un mensonge grossier, d'abord parce que les réfugiés affluent de nombreux pays dévastés par des guerres impérialistes, pas seulement la Syrie. Parmi eux, l'Afghanistan occupé par l'OTAN depuis 2001, l'Irak dévasté par l'invasion américaine de 2003, la Libye détruite par une guerre de l'OTAN en 2011 et l'Ukraine divisée par la guerre civile provoquée par l'installation d'un régime proeuropéen lors d'un putsch à Kiev en 2014. 

Avant tout, ce sont les puissances impérialistes de l'OTAN et non pas le régime d'Assad qui ont déclenché le bain de sang en Syrie. Reprenant la stratégie qu'ils avaient utilisée pour renverser le régime de Kadhafi en Libye, les Etats-Unis et leurs alliés européens et moyen-orientaux ont fourni un soutien financier et militaire à une insurrection islamiste réactionnaire. C'est sur ce conflit sanglant que Hollande propose à présent de bâtir sa stratégie. 

Il envisage des négociations avec les monarchies du Golfe persique, la Russie, et l'Iran afin d'obtenir leur consentement au renversement d'Assad. En réponse à une question sur le risque qu'une guerre de l'OTAN pour renverser Assad entraînerait un conflit avec la Russie, qui a jusqu'ici défendu Assad, Hollande a observé que la Russie n'était pas un « soutien indéfectible » d'Assad. 

Lors d'un discours vendredi à Vladivostok, Poutine avait laissé entendre que Moscou pourrait considérer un « processus politique » en Syrie, où Assad permettrait des élections législatives anticipées auxquelles participeraient l'opposition islamiste. 

Hollande a laissé entrevoir un vaste marchandage entre les puissances impérialistes de l'OTAN et la Russie. Il a proposé de négocier avec Moscou non seulement le renversement d'Assad, mais aussi des accords d'autonomie selon lesquels l'Ukraine orientale prorusse accepterait l'autorité du régime proeuropéen de Kiev installé lors du coup de février 2014. En contrepartie, la France apporterait son soutien à une levée des sanctions financières internationales imposées à la Russie. 

Le but de cette stratégie est de renforcer le contrôle de l'OTAN sur le Moyen Orient, y compris celui de la France sur ses anciennes colonies telles que la Syrie, et non d'aider les réfugiés, que Paris compte bloquer en dehors de l'Europe. 350.000 migrants sont arrivés en Europe en 2015. Cependant, Hollande a dit que la France n'accueillerait en tout que 24.000 réfugiés, dans le cadre d'un dispositif de l'Union européenne qui accueillerait 120.000 réfugiés sur deux ans. 

Hollande a souligné l'importance des « centres d'enregistrement », en clair des camps de concentration, construits par l'UE en Italie, en Grèce, et en Hongrie afin d'emprisonner et de trier les migrants en les privant d'accès au droit d'asile et aux protections de la législation de ces pays. Le but final, comme le démontrent les chiffres cités par Hollande, serait manifestement de rejeter la vaste majorité des demandeurs d'asile en dehors de l'UE. 

Les journalistes qui commentaient l'intervention de Hollande à la télévision ont applaudi cette politique, en insistant pour dire que Hollande démontrait ainsi sa capacité de se projeter en « chef de guerre », comme lorsqu'il a lancé la guerre au Mali ou ordonné des frappes aériennes contre l'EI en Irak. 

L'usage de ce sobriquet barbare par les commentateurs témoigne de la dégénérescence grotesque des médias et de l'élite politique en Europe. Les journalistes désignent ainsi le fait que Hollande évite toute discussion sérieuse de sa politique intérieure, où l'austérité et le chômage rencontrent une opposition massive, pour se donner des airs de chef en lançant sans hésitation des frappes militaires. Ses cibles étant généralement des pays faibles, qui ne peuvent pas rendre la pareille, cela a été un moyen peu coûteux de rallier le soutien des médias et de l'élite dirigeante. 

Comme ses prédécesseurs, Hollande a pu compter sur le soutien des sections aisées des classes moyennes qui contrôlent non seulement les postes clé dans les médias, mais aussi les appareils syndicaux et la prétendue « gauche radicale » qui gravite autour du Parti socialiste. 

La seule initiative majeure en politique intérieure que Hollande ait discutée était une réforme réactionnaire du Code du Travail qu'il a appelé de ses vœux. Cette réforme permettrait aux patrons de négocier avec les syndicats des accords au niveau de l'entreprise ou de la branche, qui dérogeraient à la loi. Ainsi, chaque patron pourrait contourner le Code du Travail et imposer des durées et des conditions de travail contraires à la loi en s'achetant quelques syndicalistes complaisants. 

La suppression de l'opposition à la guerre et à l'austérité qui existe dans la classe ouvrière par ces forces sociales, si elle passe généralement inaperçue, comme toile de fond de la politique bourgeoise en France et à travers l'Europe, pose néanmoins d'énormes dangers. Ce qui est posé est une escalade des interventions de l'OTAN et des conflits sectaires à travers le Moyen-Orient, alors que la crise des réfugiés a démontré l’énorme coût humain de ces ingérences impérialistes.

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