La France donne des aides à la Tunisie afin de bloquer les manifestations contre le chômage

Après les manifestations de la semaine dernière contre chômage à travers la Tunisie, le gouvernement français a octroyé 1 milliard d'euros d'aide sur les cinq prochaines années à son ancienne colonie. 

Le gouvernement du Parti socialiste (PS) de François Hollande, qui impose des dizaines de milliards d'euros de coupes sociales contre les travailleurs en France, n'essaie pas de répondre aux besoins sociaux des travailleurs et des chômeurs tunisiens. Conscient de l'exemple de 2011, quand le soulèvement tunisien s'est vite propagé en Egypte, il estime que cette mesure est la seule façon d'éviter un embrasement à l'échelle internationale. 

La semaine dernière, la Tunisie a connu une vague de protestations de masse contre le chômage, qui ont éclaté à Kasserine après qu'un jeune homme, Ridha Yahyaoui, est mort électrocuté le 16 janvier. Il protestait contre le retrait de son nom de la liste des personnes à être recrutées par un comité local de l'éducation. Les manifestations se sont propagées rapidement à travers le pays, les travailleurs et les chômeurs rejoignant le mouvement pour revendiquer des emplois. 

Contre les chômeurs rassemblés devant les bureaux du gouvernement pour réclamer des emplois, le gouvernement tunisien a envoyé l'armée et la police anti-émeutes, qui tiraient des gaz lacrymogènes et des canons à eau. Samedi, le ministère de l'Intérieur a annoncé l'arrestation de 423 personnes à travers le pays pour des actes présumés de violence. Le gouvernement a aussi calomnié les manifestations en les déclarant inspirés par un groupe de l'Etat islamique (EI, Daech) en Libye. 

Aucune des questions qui ont provoqué les soulèvements révolutionnaires de 2011 n'est résolue. L'impérialisme a évité l'arrivée au pouvoir de la classe ouvrière, en s'appuyant sur la bourgeoisie tunisienne, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH), et divers partis pseudo-gauche—notamment le Front populaire, dirigé par le Parti des travailleurs maoiste de Hamma Hammami soutenu par le groupe frère du NPA français, la Ligue de gauche ouvrière. 

Ceux-ci ont insisté pour que le soulèvement s'arrête, afin qu'ils puissent mettre en place un régime démocratique. En fait, le parti au pouvoir, Nidaa Tounes, n'est qu'une version à peine déguisée de l'ancien parti de Ben Ali. 

Alors que le gouvernement tunisien déployait les forces armées et imposait un couvre-feu pour réprimer les manifestations vendredi, Hollande et d'autres responsables français ont rencontré le Premier ministre tunisien Habib Essid à Paris.

Après la rencontre avec Essid, Hollande a annoncé que « la France mettra en oeuvre un plan de soutien à la Tunisie d'un milliard d'euros sur les cinq prochaines années...Un des axes majeurs de ce plan vise à aider les régions défavorisées et la jeunesse, en mettant l'accent sur l'emploi ». 

Selon une déclaration de l'Elysée, « Cinq ans après la révolution, la Tunisie a réussi sa transition démocratique mais reste confrontée à d’importants défis économiques, sociaux et sécuritaires ». L'Elysée a ajouté que Tunis peut compter sur « le soutien de la France ». 

La France dispose de vastes liens économiques avec la Tunisie. Les transnationales françaises et européennes cherchent à utiliser le taux de chômage élevé pour exploiter les travailleurs des anciennes colonies françaises à des salaires très bas ; la classe capitaliste et les syndicats tunisiens servent de contremaîtres. 

Lors de sa visite, Essid s'est entretenu avec le Premier ministre Manuel Valls et le président du Sénat, Gérard Larcher, ainsi qu'avec des représentants du Medef, pour discuter comment faire monter l'investissement français en Tunisie. 

Essid et Valls ont signé un accord qui convertirait en investissement une partie des dettes de la Tunisie détenues par la France. Selon Larcher, le Sénat chercherait aussi à stimuler l'investissement en Tunisie : « Essid ma informé de la stratégie de la Tunisie visant à développer plusieurs secteurs économiques, tels que celui de lautomobile, ce qui permettra de créer des postes demploi au profit des jeunes chômeurs ».

Ce qui se dessine n'est pas la prospérité pour la Tunisie, mais une vaste expansion de l'influence impérialiste dans l'ancienne colonie française. Tout en cherchant à extraire plus de profits en provenance de Tunisie, les puissances impérialistes développent également leur influence militaire sous le couvert de la «guerre contre le terrorisme ». 

Selon le communiqué de l'Elysée, « La Tunisie, comme la France, est menacée et a été gravement atteinte par le terrorisme, parce qu’elle a fait le choix de la démocratie. Nos deux pays sont confrontés à la même menace et c’est ensemble que nous devons remporter la lutte contre ce fléau dans le respect de l’Etat de droit ». 

Le discours de l'Elysée sur la «démocratie» et le respect de l' "Etat de droit" pue l'hypocrisie. En effet, le gouvernement français commence à utiliser en France métropolitaine les mêmes méthodes qu'il avait précédemment réservées à ses colonies. 

Après les attentats du 13 novembre à Paris, le PS a imposé un état d'urgence à la France en vertu des lois créés lors de la guerre d'Algérie, et il a proclamé son intention de les étendre indéfiniment. Cela équivaut à une répudiation de l'Etat de droit et de droits démocratiques fondamentaux, dont l'interdiction des manifestations, le contrôle de la presse, alors que la police dispose à présent de larges pouvoirs extrajudiciaires pour détenir des personnes sans inculpation. 

La crainte à la fois du prolétariat tunisien et de la colère sociale de la classe ouvrière en Europe et en Amérique, en particulier dans les cités françaises avec des populations d'origine maghrébine, suscite une réponse politique commune des classes capitalistes. 

Déjà, lors du soulèvement en Tunisie en 2011, le ministre français des Affaires étrangères d'alors Michèle Alliot-Marie a proposé de renforcer la dictature de Ben Ali avec des policiers français. 

Lors d'une visite à Tunis en octobre, le ministre de la Défense français Jean-Yves Le Drian a proposé de renforcer les liens franco-tunisiens, déclarant que « La sécurité de la Tunisie, c’est aussi la sécurité de la France ». Il a annoncé que la France fournirait 20 millions d'euros d'aide militaire à la Tunisie sur 2016 et 2017. Ceci quadruplerait les dépenses militaires françaises en Tunisie ; leur niveau actuel est de 2,5 millions d'euros par an. 

Washington propose aussi de doubler son aide militaire à la Tunisie, passant de son niveau actuel de 40 millions euros à 99 millions d'euros par an. Ces aides sont en grande partie consacrées à l'équipement, alors que les Français se concentrent plutôt sur la formation. 

Ces mesures soulignent la préoccupation croissante chez les puissances impérialistes à propos de l'intensification de l'opposition sociale de la classe ouvrière. 

Les puissances impérialistes et leurs alliés bourgeois tunisiens se sont avérés incapables de résoudre les questions sociales et démocratiques qui ont conduit à l'insurrection de 2011. Depuis lors, le chômage est passé de 12 à 15 pour cent chez les adultes, tandis que chez les jeunes, le chiffre est de 32 pour cent, passant à 40 pour cent dans les zones rurales. Ces problèmes vont intensifier, car l'économie tunisienne devrait se contracter dans le contexte de la crise mondiale qui s'annonce. 

(Article paru en anglais le 26 janvier 2016)

 

 

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