Cameron et Hollande font de la propagande anti-immigrée pour s’opposer à un Brexit

Le premier ministre britannique David Cameron a commencé sa campagne en faveur du référendum du 23 juin sur un maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union européenne (UE) aux côtés du président français François Hollande à Amiens jeudi dernier. Il l’a fait en attisant les préjugés anti-immigrés.

Le 34e sommet franco-britannique était un événement fortement orchestré ; Hollande s’est mis à côté de Cameron et a dit qu’en cas de sortie de la Grande-Bretagne de l’UE (Brexit), « je ne veux pas vous faire peur, je veux juste dire la vérité. Il y aura des conséquences si la Grande-Bretagne quitte l’UE. » Celles-ci portaient sur le « marché unique, sur la circulation des biens et des personnes, et sur les relations qui concernent les personnes, » Hollande a dit en menaçant qu’un Brexit aurait un impact sur « la façon dont nous traitons la situation en matière d’immigration. »

Il répondait à une question sur les commentaires d’Emmanuel Macron, le ministre français de l’Économie, qu’un Brexit pourrait mettre fin à l’accord frontalier en place à Calais entre la France et le Royaume-Uni. Plus tôt ce jour-là, Macron avait dit au Financial Times, « Si les électeurs britanniques choisissaient de quitter l’UE, l’énergie collective serait dépensée pour défaire les liens existants, pas pour en créer de nouveaux. Ce n’est pas alarmiste. Nous devons expliquer comment ces liens seront détricotés. »

Il a ajouté : « Le jour où cette relation se dénouera, les migrants ne seront plus à Calais et le passeport financier fonctionnera moins bien. Notre volonté n’est pas de réviser le traité du Touquet, mais il serait menacé dans un tel contexte. »

Le Traité du Touquet a été signé en 2003 par le ministre de l’Intérieur travailliste d’alors, David Blunkett, et son homologue français Nicolas Sarkozy. Dans le cadre du traité bilatéral, la police française des frontières opère des contrôles d’immigration au port de Douvres et le Royaume-Uni contrôle l’immigration à Calais et Dunkerque.

Cela a laissé les migrants coincés, incapables de passer au Royaume-Uni, et a conduit à la mise en place de camps de réfugiés à Calais et Dunkerque où des milliers de personnes fuyant les pays déchirés par la guerre comme l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie et le Pakistan sont contraints de vivre dans des conditions atroces. La semaine dernière, la police antiémeute a été envoyée dans le camp de Calais et on a commencé sa démolition.

En juillet dernier, Cameron avait dit qu’une « myriade de gens traverse la Méditerranée » pour chercher une vie meilleure en Grande-Bretagne. Plus tôt ce mois-ci, il a affirmé qu’un Brexit conduirait à ce que les réfugiés quittent Calais pour s’installer dans le Kent, dans le sud de l’Angleterre.

En France, Cameron a dit : « Il est très important que les gens sachent que s’ils viennent à Calais ce n’est pas une salle d’attente pour entrer au Royaume-Uni, que nous avons des frontières solides. Ensemble, nous tenons ces frontières à Calais, et il est très important que les gens le comprennent. »

Cameron a annoncé de nouvelles initiatives visant à réprimer les réfugiés et les demandeurs d’asile en France, en précisant que le Royaume-Uni allait investir 17 millions de livres « dans l’infrastructure prioritaire de sécurité à Calais afin d’aider le travail de la police française. »

Le secrétaire d’État français aux Affaires européennes, Harlem Désir, a déclaré que la contribution financière du Royaume-Uni serait augmentée à 60 millions d’euros et verrait « les migrants expulsés de Calais » et relocalisés dans plus d’une centaine de centres à travers la France.

Le Royaume-Uni financera également des opérations conjointes avec la France pour « faire retourner les migrants n’ayant pas besoin de protection dans leur pays d’origine », a déclaré Cameron.

Les campagnes du « rester » et du « sortir » représentent des sections aussi réactionnaires l’une que l’autre de l’élite dirigeante britannique; elles sont toutes deux en faveur d’une répression plus impitoyable de l’immigration, mais diffèrent sur la façon (étroite ou distante) dont la Grande-Bretagne devrait adapter sa stratégie commerciale et d’investissement à l’Europe.

David Davis MP, porte-parole conservateur de Grassroots Out, une alliance multipartite de droite pour une sortie de l’UE, a dénoncé les déclarations de Cameron, Hollande et Macron comme des « fanfaronnades », ajoutant, « La simple vérité est que si nous quittons l’UE, nous reprendrons le contrôle de nos frontières et nous déciderons qui entre et qui n’entre pas. »

Davis a averti que « Si les Français commencent à mettre des immigrants illégaux dans un train ou un ferry et les envoient à la Grande-Bretagne, nous les renverront directement en France. »

Le député conservateur Bernard Jenkin a dit que le sommet avait prouvé que la « propagande » avait été « fournie par d’autres gouvernements européens à la demande du premier ministre pour tenter d’effrayer les gens à ne pas voter pour une sortie. »

Il a été soutenu par Boris Johnson, le maire de Londres et principal rival de Cameron pour le leadership conservateur, qui a dit du premier ministre, « Il faut se demander : pourquoi cette intervention maintenant? » Un autre eurosceptique, le député conservateur James Cleverley, a qualifié les déclarations du sommet d’Amiens à propos de Calais de « projet Effroi (édition internationale). »

Le sommet démontre non seulement les programmes réactionnaires des fractions concurrentes « rester » et « sortir » de la bourgeoisie britannique, mais aussi la ruée vers la droite des principaux pouvoirs de l’UE.

Le sommet se tenait au moment où le président du Conseil européen, Donald Tusk, disait depuis Athènes: « Tous les migrants économiques illégaux potentiels, partout où vous êtes. Ne venez pas en Europe... La Grèce ou tout autre pays européen ne sera plus un pays de transit. »

Alors que Cameron, Hollande et Tusk dépeignent les réfugiés et l’asile comme un fardeau intolérable que la société ne peut porter, il y a des quantités illimitées de liquidités facilement disponibles pour le financement de nouveaux conflits militaires. Utilisant une fois de plus la « menace terroriste », Cameron a annoncé à Amiens qu’un montant supplémentaire de 1,5 milliard de livres serait investi par le Royaume-Uni et la France dans la « prochaine génération » de véhicules aériens sans pilote [drones].

Le sommet a reçu une réponse fortement polarisée des journaux britanniques, selon le camp du « rester » ou du « sortir » qu’ils soutiennent.

L’organe officieux du parti conservateur, le Daily Telegraph, dans lequel Johnson écrit régulièrement, a commenté dans son éditorial que les déclarations de Macron étaient « une menace vide et contre-productive. » Le journal écrit que le traité du Touquet « est un traité bilatéral et ne dépend pas de l’appartenance à l’UE », ajoutant que « Le projet Effroi, qui comporte les arguments les plus hystériques pour que la Grande-Bretagne reste dans l’UE, est hors de contrôle. »

Le Daily Express a dénoncé ainsi le président français: « les menaces de Hollande » étaient « mieux adaptées à un film de gangsters à faible budget qu’à un sommet diplomatique ». Le journal a commenté: « Il ne pourrait jamais être de notre intérêt de poursuivre notre engagement dans une union politique dirigée par des gens qui étalent un tel mépris pour notre nation. »

Le Financial Times, au nom de la campagne du « rester », a trouvé que l’intervention de Macron était « une intervention bienvenue de la France sur le Brexit. »

Il poursuit: « La campagne du ‘sortir’ n’a pas tardé à traiter M. Macron d’alarmiste. Le ministre français a simplement mis en évidence les incertitudes sur la migration si la Grande-Bretagne quittait l’UE. »

(Article paru d’abord en anglais le 5 mars 2016) 

Voir aussi :

Pour un boycott actif du referendum sur le Brexit ! [2 mars 2016]

 

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