Message menaçant du secrétaire américain à la Défense à l’adresse de la Chine

Le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter a fait monter la tension avec la Chine au sujet de la mer de Chine méridionale durant son voyage aux Philippines la semaine dernière. Le 15 avril, il a défendu à bord du porte-avions USS John C Stennis la présence dans cette mer de cet immense navire de guerre, disant: « Nous avons été ici des décennies et des décennies. » Il a rendu « le comportement chinois » responsable de la confrontation croissante dans ces eaux contestées.

Par ses remarques, Carter déclarait que les États-Unis avaient l'intention de maintenir par la force militaire leur position dominante dans la région Asie-Pacifique, une menace à peine voilée à l’égard de la Chine. La propagande américaine condamne régulièrement la «militarisation» par la Chine de la mer de Chine méridionale, mais l'USS Stennis, son escorte d’attaque navale et ses 90 avions et hélicoptères, sont une force gigantesque comparés à la présence militaire limitée de Pékin sur les îlots de cette zone.

Depuis l’annonce en 2011 du « pivot » ou « rééquilibrage » du gouvernement Obama vers l’Asie, les États-Unis ont envoyé dans cette région leurs armes les plus avancées, y ont renforcé les liens militaires et forgés de nouveaux accords de bases militaires. Carter est arrivé aux Philippines au moment où 8.000 soldats américains et philippins participaient aux manœuvres annuelles conjointes « Balikatan ». « Avec chaque exercice Balikatan et passage du Stennis, avec chaque nouvel exercice multilatéral et chaque nouvel accord de défense, nous ajoutons un nouvel élément au réseau de sécurité de la région », a-t-il dit.

Il n'y a rien de pacifique ou de bénin dans le renforcement des capacités militaires américaines en Asie ou le réseau d'alliances militaires et de partenariats stratégiques dans toute la région. C’est une préparation à une guerre contre la Chine. Le Pentagone est résolu à maintenir une présence militaire importante en mer de Chine méridionale précisément parce que sa stratégie de Combat Air/Mer implique des frappes aériennes et de missiles massives sur la Chine continentale et un blocus naval pour étrangler l'économie chinoise.

L'ancienne colonie américaine des Philippines est idéalement située en bordure de la mer de Chine méridionale. Le mois dernier, les Philippines ont annoncé que les Etats-Unis auraient accès à cinq de leurs bases militaires en vertu de l'Accord sur le renforcement coopératif de Défense (EDCA) récemment conclu, mais Carter a déjà indiqué que le Pentagone aurait besoin d’un accès plus important encore.

Lors d'une conférence de presse conjointe le 14 avril, Carter a annoncé que les Etats-Unis commenceraient leur stationnement aux Philippines par des avions de combat et des troupes des Forces spéciales dont cinq avions d’attaque A-10 Thunderbolt, trois hélicoptères H-60G Pavehawk et un avion de combat MC-130H Talon utilisé pour infiltrer des unités des forces spéciales.

Le Wall Street Journal a qualifié ces mesures d’« avant-garde d'un déploiement majeur dans ce pays d'Asie du Sud-Est alors que Washington et ses alliés montent une réponse coordonnée à la hardiesse de Pékin en mer de Chine méridionale. »

Carter a justifié ce déploiement en disant que les actions de la Chine en mer de Chine méridionale « causaient l'anxiété et augmentaient les tensions régionales. » Il a dit que la présence des États-Unis préparerait le terrain à des patrouilles aériennes conjointes dans la région. Le secrétaire philippin à la Défense Voltaire Gazmin a dit espérer que le renforcement américain dissuaderait « la Chine d’entreprendre des mesures indésirables ».

Carter a aussi annoncé 40 millions de dollars d’aide militaire pour stimuler le partage de renseignement, la surveillance et les patrouilles navales dans le cadre de l’Initiative de sécurité maritime de Washington (425 millions de dollars sur 5 ans), la plus grande partie étant destinée aux Philippines. Il a révélé pour la première fois que les USA et les Philippines avaient déjà effectué deux opérations maritimes conjointes en mer de Chine méridionale depuis mars. Il y eut aussi des patrouilles conjointes avec le Japon.

La marine américaine a mené deux exercices provocateurs de « liberté de navigation » en octobre et janvier – envoyant un destroyer dans la limite territoriale de 12 milles marins des îlots administrés par la Chine en mer de Chine méridionale. Un responsable américain a dit à Reuters la semaine dernière que les patrouilles américaines devenaient de plus en plus agressives: «Elles naviguent dans les 13, 14, 15 milles, sans incursion dans la limite des 12-milles, et les Chinois l’ont remarqué. »

Dans un communiqué le 14 avril, le ministère chinois de la Défense a averti que le plan américain de patrouilles conjointes avec les Philippines « favorisait la militarisation de la région. » Il a décrit le renforcement de l'alliance américano-philippine comme «l'incarnation de la pensée de la guerre froide, et n’était pas propice à la paix et la stabilité en mer de Chine méridionale. » L'armée chinoise défendrait « résolument la souveraineté territoriale et les intérêts maritimes de la Chine ».

Le 15 avril, alors que Carter montait à bord l'USS Stennis, le ministère chinois de la Défense a révélé que le général Fan Changlong, vice-président de la Commission militaire centrale du pays, avait récemment conduit une délégation d'officiers pour visiter les îles Spratly et y observer les travaux de construction. Aucun autre détail n'a été publié.

Carter, qui a visité l'Inde avant d'aller aux Philippines et de continuer vers le Moyen-Orient, a annulé des plans de visite en Chine dans le cadre du voyage en cours. Sa visite asiatique fait partie d'une campagne concertée menée en aval d’une décision de la Cour permanente d'arbitrage dans les prochaines semaines et concernant une contestation judiciaire des Philippines des prétentions maritimes de la Chine en mer de Chine méridionale. Les États-Unis, qui n'ont pas ratifié la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer, ont non seulement soutenu, mais aidé le gouvernement philippin à monter ce dossier.

Sur instigation de Washington, la réunion au Japon des ministres des Affaires étrangères du G7 avait exprimé le 11 avril « une forte opposition à toute action unilatérale d’intimidation, de coercition ou de provocation qui pourrait modifier le statu quo et accroître les tensions. » La déclaration, clairement dirigée contre la Chine, avait provoqué une réponse furieuse de Pékin qui a convoqué tous les diplomates de haut rang des pays du G7 pour leur adresser une protestation formelle.

Les États-Unis et leurs alliés exploiteront immédiatement une décision de la cour internationale, même relative, contre la Chine pour condamner comme "illégales" les activités chinoises en mer de Chine méridionale et justifier une nouvelle escalade des provocations militaires. Tout comme les invasions américaines de l'Afghanistan et de l'Irak n’avaient rien à voir avec une « guerre contre le terrorisme » ou des « armes de destruction massive », les actions irresponsables de Washington en Asie n’ont rien à voir avec la « liberté de navigation ». L'impérialisme américain a de nouveau recours à la force militaire pour assurer sa domination en Asie et dans le monde, malgré le danger croissant d'une guerre catastrophique entre puissances nucléaires.

(Article paru en anglais le 16 avril 2016)

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