La décision de la CPA ouvre la voie à une confrontation des États-Unis avec la Chine

La Cour permanente d’arbitrage de la Haye (CPA) a rendu mardi une décision radicale et hautement politique en faveur de l’action en justice des Philippines, soutenue par les États-Unis, contre les revendications territoriales chinoises en mer de Chine du Sud. Cette décision ouvre la voie à une escalade spectaculaire des tensions en Asie au moment où les États-Unis et leurs alliés amplifient leur déploiement militaire dans la région et leurs opérations navales provocantes autour des îlots contrôlés par la Chine.

La plainte des Philippines, préparée avec le soutien des États-Unis, est composée de 15 mémoires, que le tribunal a confirmés, à quelques exceptions près. La Chine a refusé d’accepter la compétence du tribunal ou la légitimité de la plainte. Une déclaration du ministère chinois des Affaires étrangères a jugé hier que « la décision était nulle et non avenue » et ne serait ni acceptée ni reconnue par la Chine.

Les principaux éléments de la décision de 479 pages, qui a été rendue en vertu de la Convention sur le droit de la mer (UNCLOS) des Nations Unies, étaient les suivantes :

Tout d’abord, la cour a déclaré qu’il n’y avait pas « de fondement juridique » aux « revendications historiques » de longue date de la Chine sur une grande partie de la mer de Chine méridionale, ses îlots, récifs et atolls. Le caractère artificiel de la décision était souligné par le fait que le tribunal avait rendu nulles les revendications de la Chine sans réellement se prononcer sur la souveraineté de ces différentes structures terrestres, ce qu’il n’est pas habilité à faire.

Ensuite, il a jugé qu’aucune des structures terrestres des îles Spratly ne constituait des îles au sens de la Convention et par conséquent n’entraînaient pas de Zone économique exclusive (ZEE) de 200 miles nautiques. En conséquence, toutes les îles Spratleys sont considérées soit comme des « rochers », qui produisent une zone territoriale de 12 milles marins, ou des espaces terrestres visibles à marée basse sans aucune zone territoriale.

Finalement, en limitant les droits générés par les îlots contrôlés par la Chine, le tribunal a élargi l’échelle des revendications des Philippines à une ZEE et déclaré que diverses activités chinoises avaient violé la souveraineté des Philippines. Il a également statué que la récupération de terres par la Chine en mer de Chine méridionale avait causé un « préjudice grave » à l’environnement, « aggravé » le conflit avec les Philippines et était « incompatible avec les obligations d’un État pendant la procédure de règlement du différend. »

En stigmatisant les actions de la Chine comme « illégales, » la décision du tribunal ouvre la voie pour que Washington et ses alliés intensifient la diabolisation de Beijing, l’accusant d’agir contrairement à l’« ordre » existant « fondé sur des règles internationales ». Ce système est celui où l’impérialisme américain domine, fixe les règles pour les autres et les bafoue à volonté. Contrairement à la Chine, les États-Unis n’ont pas ratifié la Convention, ce qui est l’une des raisons pour lesquelles ils ont utilisé un substitut — leur ancienne colonie des Philippines — pour saisir la CPA.

Mardi, dans des remarques destinées à la Chine, le Département d’État américain a mis en garde contre les « déclarations ou actes de provocation » par les plaignants en réponse à la décision, et leur a demandé de se conformer à la décision du tribunal. En réalité, c’est l’Administration Obama qui a intensifié les tensions en mer de Chine du Sud ces cinq dernières années en déclarant qu’il avait un « intérêt national »à la préservation de la « liberté de navigation ».

L’intervention américaine dans des conflits régionaux jusque là de faible portée en mer de Chine méridionale cherche à enfoncer un coin entre la Chine et ses voisins d’Asie du Sud-Est. Ceci fait partie de la stratégie globale des États-Unis dans cette région, le « pivot vers l’Asie », visant à isoler la Chine diplomatiquement, à affaiblir son poids économique et à préparer la guerre par le renforcement des capacités militaires américaines et la consolidation d’alliances dans toute la région.

L’armée américaine a renforcé sa présence dans et autour de la mer de Chine méridionale, y compris par le biais d’un nouvel accord sur des bases militaires aux Philippines. La marine a mené trois opérations « liberté de navigation » (FONOPS) depuis octobre, envoyant des destroyers dans la limite de 12 milles marins des îlots contestés. Le fait que ces opérations aient été effectuées avant la décision de la CPA sur la légitimité des revendications chinoises souligne le mépris de Washington pour le droit international.

Un éditorial mardi du Wall Street Journal, intitulé « Verdict sur la mer de Chine méridionale », appelle à une réponse beaucoup plus belliqueuse et proclame que la « décision de l’ONU ne signifiera rien si les nations libres ne la font pas appliquer. » Tout en soutenant du bout des lèvres un règlement négocié, le journal déclare que les États-Unis sont « la seule autorité d’exécution réelle » et appelle à plus de FONOPS et à une militarisation accrue de la région.

« Avec le verdict de La Haye, » explique le Journal, « ces opérations devraient augmenter en fréquence et en portée. Des patrouilles de l’Australie et d’autres aideraient aussi... Aucune décision d’un tribunal de l’ONU ne peut être une victoire pour l’ordre libéral fondé sur des règles, si les États libéraux refusent de défendre cet ordre. Cela exige plus de libre-échange, des marines plus importantes et un engagement renouvelé de Washington de protéger ses amis, ses intérêts et ses principes dans le monde. »

Ce qui est le moteur de cette confrontation irresponsable des États-Unis avec la Chine dans cette région ne sont pas des préoccupations au sujet de revendications maritimes chinoises, mais le déclin historique de l’Amérique dans les conditions d’une crise économique mondiale qui s’aggrave. « La liberté de navigation » est tout simplement le plus récent prétexte de Washington — comme les armes de destruction massive et la guerre contre le terrorisme — servant à justifier les préparatifs de nouvelles guerres plus catastrophiques encore. Les États-Unis ne souhaitent pas protéger les droits territoriaux des Philippines où d’autres plaignants, mais maintenir leur propre contrôle naval sur les eaux stratégiques voisines de la Chine continentale et de bases militaires clés du pays.

La sentence de La Haye souligne la faillite politique du régime du Parti communiste chinois (PCC) à Beijing. Sa direction qui représente les intérêts des oligarques milliardaires qui se sont enrichis suite à la restauration capitaliste, est incapable de faire appel à la classe ouvrière, en Chine ou à l’étranger, la seule force sociale capable de mettre fin à la campagne de guerre des États-Unis. L’attisement du nationalisme par Beijing ne fait que séparer les travailleurs chinois de leurs homologues du monde entier, tandis que son développement militaire, y compris ses activités en mer de Chine méridionale, font directement le jeu de l’impérialisme américain et de ses alliés en justifiant ses propres préparatifs de guerre.

Quelques jours avant la sentence de la CPA, le Pentagone a dépêché le porte-avions USS Ronald Reagan en mer de Chine méridionale avec son groupe d’attaque de destroyers et de croiseurs et une gamme complète d’avions de guerre. Plusieurs destroyers américains ont déjà navigué dans les eaux stratégiques près des îlots contrôlés par la Chine. L’accroissement des tensions augmente le risque qu’un incident mineur ou un accident ne déclenche un conflit échappant à tout contrôle entre les deux puissances nucléaires.

(Article paru d’abord en anglais le 13 juillet 2016)

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