Les jeux de guerre des Etats-Unis et de la Corée du Sud enflamment les tensions en Asie

Les exercices militaires conjoints annuels des Etats-Unis et de la Corée du Sud, connus sous le nom de Ulchi-Freedom Guardian (UFG), ont commencé lundi sur fond de tensions croissantes en Asie, alimentées par le renforcement militaire américain dans toute la région. Bien que nominalement dirigés contre la Corée du Nord, ces jeux de guerre consolident l'alliance militaire de Washington et de Séoul alors que les USA se préparent au conflit avec la Chine.

Les exercices militaires impliquent environ 25.000 militaires américains, dont 2.500 venus de l'extérieur de la Corée du Sud, opérant aux côtés de 75.000 soldats sud-coréens. Les Etats-Unis ont 28.500 soldats stationnés en permanence en Corée du Sud où ils réorganisent actuellement leurs bases dans le cadre d’une réorganisation plus large des forces militaires américaines dans la région Asie-Pacifique.

La Corée du Nord a réagi en menaçant de façon militariste de lancer des frappes nucléaires contre la Corée du Sud et les Etats-Unis « s’ils montrent le moindre signe d'agressivité.» Ces menaces inconsidérées et inflammatoires, qui n'ont rien à voir avec la défense du peuple nord-coréen, font directement le jeu de Washington, fournissant un prétexte à leur propre expansion militaire et leurs provocations dans la région.

La Commission d'armistice militaire du Commandement des Nations Unies, menée par les USA, a déclaré qu'elle avait informé l'armée nord-coréenne que les exercices UFG étaient « non-provoquants ». Cette tentative de dépeindre ces jeux de guerre communs comme défensifs et bénins est fausse. Au cours des cinq dernières années en particulier, le gouvernement Obama a maintes fois exploité les exercices avec la Corée du Sud pour faire une démonstration de force menaçante en Asie du Nord-Est.

En novembre dernier, la Corée du Sud et les États-Unis ont formellement adopté une nouvelle stratégie militaire – les plans opérationnels 5015 (OPLAN 5015) – qui est explicitement de caractère offensif. Dans un conflit avec la Corée du Nord, les forces américaines et sud-coréennes lanceraient des frappes préventives sur des cibles clés, comme les installations nucléaires et des raids de « décapitation » pour assassiner de hauts fonctionnaires, parmi eux le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un.

OPLAN 5015 constitue le cadre non seulement des jeux de guerre UFG, mais aussi des exercices Soaring Eagle actuellement menés par l’armée de l’air sud-coréenne, impliquant quelque 60 avions militaires et 530 soldats. Selon le Korea Times, l'armée de l'air s’entraîne à « neutraliser préventivement les menaces de missiles balistiques du Nord en bloquant de manière proactive les missiles et leur voie d'approvisionnement. »

The Korea Times a également noté que les responsables sud-coréens « prêtent une vive attention à la possibilité que Pyongyang procéderait à des provocations militaires » pendant ou après les exercices UFG. En réalité, ces énormes manœuvres, qui partent d’une guerre avec la Corée du Nord, ont toujours exacerbé les tensions dans la péninsule coréenne. Au cours de l'exercice de l'an dernier, les États-Unis ont exploité la situation pour stationner des bombardiers B-2 furtifs à capacité nucléaire sur leurs bases de Guam dans le Pacifique occidental.

Les jeux de guerre actuels sont particulièrement irresponsables en raison des signes d'instabilité croissante à Pyongyang. Séoul a signalé la semaine dernière la défection d'un haut responsable nord-coréen – le numéro deux de son ambassade à Londres. Washington a délibérément cherché à déstabiliser le régime nord-coréen en étranglant son économie grâce à des sanctions punitives et en isolant le pays diplomatiquement.

Les États-Unis renforcent leurs liens de défense avec la Corée du Sud dans le cadre de leur «pivot vers l'Asie » et leur marche à la guerre avec la Chine. Plus tôt ce mois-ci, le gouvernement Obama a approuvé la vente de systèmes GPS militaires à la Corée du Sud pour améliorer la capacité de sa bombe guidée coréenne GPS. Le 14 août, l'agence de presse Yonhap a cité un haut responsable de Séoul disant que la Corée du Sud allait élargir son arsenal de missiles balistiques pour être en mesure de détruire toutes les installations militaires nord-coréennes simultanément.

Le geste le plus significatif, cependant, a été l'annonce le mois dernier que les Etats-Unis allaient stationner leur système THAAD de missiles anti-balistiques en Corée du Sud dans le cadre de leur réseau de missiles anti-balistiques du Pacifique occidental. THAAD, qui peut intercepter et détruire les missiles balistiques, ne vise pas principalement Pyongyang, mais Pékin. Il fait partie des préparatifs américains pour une guerre nucléaire avec la Chine, qui a fait objection au déploiement de THAAD.

Les relations entre Séoul et Pékin se sont dégradées à mesure que la Corée du Sud a été de plus en plus intégrée dans les plans de guerre américains. Les autorités chinoises ont rejoint leurs homologues nord-coréens pour condamner les jeux de guerre des Etats-Unis et de la Corée du Sud. L'agence de presse d’État Xinhua a critiqué « une manœuvre d’intimidation », prévenant qu'elle « entraînerait un cercle vicieux de violence pour la violence » pouvant provoquer des combats.

La semaine dernière, l'armée chinoise a tenu ses propres exercices dans la mer du Japon avec une simulation d’attaque de bombardiers sur une force navale. La possibilité d'un incident mineure ou d'erreur provoquant un conflit plus large a été également mis en évidence la semaine dernière lorsque trois avions militaires chinois ont brièvement pénétré dans une zone couverte par des systèmes d’identification de défense aériens chinois et sud-coréens se chevauchant. L'armée de l'air sud-coréenne a dépêché des chasseurs pour escorter les «intrus» hors de la zone.

Pékin s’inquiète de ce que la Corée du Sud renforce ses liens militaires non seulement avec les États-Unis, mais aussi avec le Japon. Jusqu'à récemment, Séoul avait résisté aux pressions des États-Unis pour une coordination plus étroite avec le Japon, étant donné l’histoire coloniale brutale de Tokyo sur la péninsule coréenne avant 1945. Les États-Unis tiennent à intégrer leurs deux alliés asiatiques du Nord à leurs préparatifs militaires, poussant dans un premier temps à un partage renforcé du renseignement nécessaire à l’intégration des systèmes américains de missiles anti-balistiques, au Japon et en Corée du Sud.

Sous le premier ministre Shinzo Abe le Japon, encouragé par les Etats-Unis, s’est réorienté vers la remilitarisation et une position plus agressive envers la Chine, non seulement quant aux îlots Senkaku/Diaoyu contestés en mer de Chine orientale, mais dans toute la région. Le Japan Times a révélé le week-end dernier que la Chine avait averti le Japon de ne pas envoyer ses forces militaires se joindre aux opérations provocatrices de « liberté de navigation » défiant les revendications territoriales chinoises dans une autre poudrière, la mer de Chine méridionale. Une telle action de la part du Japon constituerait une « ligne rouge », autrement dit cela pourrait conduire à des représailles chinoises.

Cinq ans après que le président Barack Obama a annoncé le « pivot vers l'Asie, » les actions irresponsables de Washington ont conduit à une montée dangereuse des tensions géopolitiques dans toute la région Asie-Pacifique. L'aggravation de la confrontation de longue date dans la péninsule coréenne est juste l'un des déclencheurs potentiels d'une guerre impliquant des puissances nucléaires, qui pourrait rapidement s’étendre à toute la région et au reste du monde.

(Article paru en anglais le 23 août 2016)

 

 

 

 

 

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