Les combats en Syrie s’intensifient alors qu’une escalade militaire se dessine de plus en plus sous Trump

Le gouvernement syrien et son principal allié, la Russie, ont lancé une nouvelle offensive contre les milices islamistes appuyées par les États-Unis et ses alliés régionaux dans le secteur assiégé d’Alep-Est et dans les gouvernorats d’Idlib et d’Hama dans le nord-ouest de la Syrie.

Des avions et hélicoptères syriens ont effectué des attaques aériennes contre Alep-Est, où la Russie avait suspendu toutes ses opérations aériennes le mois dernier. Pendant ce temps, la Russie a confirmé qu’elle avait effectué des bombardements et des frappes de missiles pour la première fois depuis la flotte de guerre qu’elle a positionnée le long des côtes syriennes dans la partie est de la Méditerranée. Le ministère de la Défense russe a affirmé que ses forces avaient frappé l’État islamique (ÉI) et le Front Al-Nusra, qui est affilié à Al-Qaïda, dans les campagnes d’Idlib et d’Hama.

Le département d’État des États-Unis a réagi de manière hystérique à la reprise de l’offensive, accusant la Russie d’effectuer des frappes aériennes en «violation du droit international», dans des conditions où les États-Unis effectuent des frappes similaires, sans l’autorisation des Nations Unies ou du gouvernement syrien, pour sa campagne anti-ÉI en Syrie, ainsi que pour son offensive en Irak contre la ville de Mossoul. La porte-parole du département d’État a également accusé les Russes «de bloquer les secours et l’approvisionnement de nourriture dans Alep-Est». Lorsqu’elle a été questionnée, elle a toutefois été incapable de nommer un quelconque acte de la part de la Russie qui aurait bloqué une telle aide.

De nombreux reportages provenant d’Alep-Est indiquent qu’il y a eu des manifestations citoyennes dénonçant les milices islamistes qui accaparent les réserves de nourriture, et revendiquant qu’elles quittent la ville. Dans certains cas, il y a eu des confrontations violentes quand des civils ont tenté d’accéder aux entrepôts de nourriture des «rebelles». La monopolisation de la nourriture et de l’équipement pour les vendre aux habitants des zones qu’elles occupent à des prix exorbitants est une pratique courante des milices islamistes appuyées par les États-Unis. On a aussi rapporté que des combattants ayant des liens à Al-Qaïda auraient abattu des civils qui tentaient de fuir la zone assiégée d’Alep. Il va sans dire qu’aucun de ces crimes n’a suscité de protestation de la part du département d’État américain.

La nature incendiaire de la rhétorique des États-Unis est un reflet de la situation de plus en plus désespérée à laquelle font face les milices islamistes qui ont servi de force par procuration à Washington pendant les cinq années de guerre de changement de régime qui ont laissé la Syrie en ruines. La défaite des éléments affiliés à Al-Qaïda à Alep priverait les rebelles de leur dernier bastion urbain en Syrie.

Un même niveau d’hystérie politique a été dirigé contre la possibilité d’un rapprochement entre une administration Trump et le gouvernement russe du président Vladimir Poutine, y compris au niveau des opérations militaires contre l’ÉI en Syrie et en Irak.

En réponse au rapport de la conversation téléphonique entre Trump et Poutine, qui, d’après une déclaration du Kremlin, incluait une entente sur la «nécessité de collaborer dans la lutte contre l’ennemi numéro 1 ; le terrorisme international et l’extrémisme», il y eut de multiples condamnations de Trump de la part des principaux médias et des républicains.

Le Washington Post a publié un éditorial mercredi accusant Trump d’avoir «presque donné le feu vert à Poutine pour des atrocités». Cette ligne éditoriale a répété plusieurs critiques similaires faites dans un éditorial du 13 novembre dans le New York Times intitulé «Le danger de la complaisance envers la Russie» qui accusait le président élu républicain «de montrer trop peu de soucis par rapport au défi stratégique majeur que pose la Russie» et l’accusait d’avoir «été jusqu’à maintenant l’apologiste de M. Poutine».

De façon similaire, le sénateur républicain de l’Arizona John McCain, également président de la Commission des services armés du Sénat américain, a publié une déclaration mardi dénonçant toute amélioration des relations avec Moscou. «Au minimum, le prix d’une autre “remise à zéro” serait une complicité dans le massacre du peuple syrien commis par Poutine et Assad», a dit McCain.

Pendant ce temps, la Chambre des représentants a adopté mardi par acclamation de nouvelles sanctions importantes contre la Syrie et quiconque entretiendrait des relations commerciales avec le pays. De plus, la loi requiert que le président américain présente un rapport sur la possibilité d’établir une «zone d’exclusion aérienne ou une zone sécurisée sur une partie ou la totalité de la Syrie», un acte qui, d’après les commandants de l’armée des États-Unis, entrainerait une confrontation armée avec la Russie.

Le même jour, la Chambre a voté à 419 contre 1 pour une nouvelle autorisation d’une durée de 10 années de la Loi sur les sanctions contre l’Iran, ou ISA, une loi d’abord adoptée en 1996 pour punir ceux qui entretiendraient des relations commerciales avec l’industrie énergétique de l’Iran, supposément pour bloquer le programme de développement d’armes nucléaires dont est accusé Téhéran. La volonté de réimposer cette mesure, même après négociations d’une entente internationale sur le programme nucléaire de l’Iran, est conforme aux dénonciations que faisait Trump de cette entente et les indications durant sa campagne présidentielle qu’il s’y opposerait.

Les inquiétudes dont fait part l’élite dirigeante américaine concernant le supposé danger de «complaisance» envers la Russie posé par la rhétorique lors de la campagne de Trump ou l’abandon de la guerre de changement de régime de Washington en Syrie est réfuté par la politique de ceux qu’il a recruté pour sa transition et qui pourraient occuper des postes importants de son administration.

L’ancien maire de New York, Rudy Giuliani, qui a été nommé le choix numéro un comme secrétaire d’État, a suggéré lors d’un discours devant une audience patronale lundi que toute «remise à zéro» avec Moscou serait atteinte par la confrontation militaire. «La Russie pense qu’elle est un compétiteur militaire, quand elle ne l’est vraiment pas», a dit Giuliani. «C’est notre manque de volonté sous Obama de même menacer d’utiliser notre armée qui rend la Russie si puissante.»

Stephen Hadley, l’ancien conseiller en matière de sécurité nationale pour George W. Bush, qui serait actuellement considéré au poste de secrétaire de la Défense, a plusieurs fois réclamé des frappes de missiles Tomahawk contre la Syrie, une arme produite par l’entreprise d’armement Raytheon, où il a siégé au conseil d’administration.

Plusieurs sources proches du Pentagone ont exprimé un optimisme par rapport à l’entrée de l’administration Trump qui va entreprendre de développer massivement l’armée américaine.

Le Navy Times soulignait mardi que la promesse du président élu de construire une flotte navale de 350 navires dans un article intitulé «Donald Trump souhaite entreprendre la plus importante construction navale militaire depuis des décennies». La flotte de la Marine est constituée actuellement de 272 navires.

L’Army Times, pour sa part, a publié un article mardi intitulé «On peut anticiper une armée plus grosse et agressive sous Trump».

L’article citait l’ancien général quatre étoiles Barry McCaffrey prédisant que malgré les critiques de l’OTAN faites par Trump, il s’attendait à voir une mobilisation majeure des forces américaines, pas seulement dans le Pacifique, mais également en Europe de l’Est.

«Il faut avoir une capacité de combat militaire qui est perçue par les Russes et les Coréens du Nord, entre autres, comme étant en mesure et ayant la volonté de les confronter dans une bataille aérienne, terrestre et maritime», a-t-il dit.

McCaffrey a ajouté qu’il y avait un «appui majeur pour Trump pendant la campagne de la part des forces armées de la base», en partie à cause de ses critiques des «règles d’engagement» restrictives.

Cet article a également cité le sénateur républicain de l’Alabama Jeff Sessions, un partisan réputé de Trump qui est également cité comme étant parmi les premiers choix au poste de secrétaire de la Défense, disant que Trump «propose une augmentation de l’armée».

«Nous avons environ 480.000 soldats. Il propose que l’armée soit maintenue à 540.000 soldats», a dit Sessions.

En bref, peu importe ce que prétendait la rhétorique de campagne de Trump sur un rapprochement avec la Russie ou la cessation de l’intervention américaine en Syrie, tout indique que la nouvelle administration se prépare à une campagne encore plus agressive et dangereuse d’agression militaire américaine mondiale.

(Article paru d’abord en anglais le 17 novembre 2016)

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