Les États-Unis fournissent des missiles sol-air aux islamistes syriens

Une milice islamiste soutenue par les États-Unis dans le sud de la Syrie a été fournie en missiles sol-air portatifs, les fameux « manpads ». Ces armes sont capables d’abattre les avions du gouvernement syrien ainsi que les avions de guerre russes, qui ont joué un rôle de premier plan en fournissant un soutien aérien à l’armée syrienne contre les « rebelles » liés à Al-Qaïda.

Le groupe, le Front Ansar al-Islam, a exposé les armes, des missiles SA-7 Strela-2, dans une vidéo qu’il a postée dimanche, affirmant qu’il en avait « un bon nombre » en sa possession. La vidéo, produite par un réseau de propagande de l’opposition syrienne basée à Dubaï, montre les islamistes en train de sortir les manpads de leur caisson, les assembler et les tester.

« Nous, dans le Front Ansar al-Islam, avons équipé plusieurs points de défense aérienne pour contrer toute tentative des avions de guerre syriens ou des hélicoptères, qui bombardent des cibles dans la province de Quneitra. Nous avons un bon nombre de ces missiles », a déclaré l’un des islamistes dans la vidéo, selon une traduction publiée par le site Web Middle East Eye.

Un deuxième individu qui s’identifie comme Abu Bilal explique au journaliste que : « Nous, le Front Ansar al-Islam et les factions de la ASL, envoyons du matériel et des soldats vers Tal al-Hara, Mashara, Sandaniya et Jabata. Et dans les prochains jours, vous entendrez de bonnes nouvelles de Quneitra et ses environs ».

L’envoie de ces missiles antiaériens portables vers la Syrie marque une escalade majeure de la guerre soutenue par les États-Unis pour le changement de régime qui a dévasté le pays depuis cinq ans, entraînant la mort de quelque 300 000 Syriens.

En septembre, des responsables américains ont déclaré à l’agence de presse Reuters que, après l’échec d’une brève cessation des hostilités négociée par les américains et les russes, et suite à la reprise des combats autour de la ville d’Alep, au nord de la Syrie, Washington pourrait recourir à un « plan B » donnant le feu vert à l’Arabie saoudite et au Qatar d’envoyer les missiles antiaériens portables aux islamistes syriens. À l’époque, cependant, le Département d’État et les porte-parole officiels de l’administration ont nié l’information.

Il est impossible de dire si la livraison des manpads a été ordonnée par la Maison Blanche d’Obama, la CIA, le Pentagone ou une autre faction au sein du vaste appareil militaire et de renseignement américain. Ce qui est clair, cependant, c’est que ces armes sont destinées à établir de nouveaux « faits sur le terrain » en Syrie avant qu’un gouvernement Trump ne prenne ses fonctions en janvier.

La pression pour une escalade des États-Unis en Syrie est montée depuis que Trump a donné une interview au Wall Street Journal le 11 novembre dans laquelle le président nouvellement élu a remis en question les opérations de la CIA et du Pentagone pour armer les soi-disant « rebelles modérés » en Syrie, en disant « Nous ne savons pas qui sont ces gens ».

Dans une déclaration décousue et incohérente au Journal, Trump a dit qu’il avait « une vue en opposition à beaucoup de gens en ce qui concerne la Syrie », ajoutant : « Mon attitude était que vous combattez la Syrie, la Syrie se bat contre l’État islamique, et il faut se débarrasser de l’État islamique. La Russie s’aligne totalement sur la Syrie, et maintenant il y a l’Iran, qui devient puissant, à cause de nous, et qui s’aligne sur la Syrie ».

La déclaration a déclenché des alarmes au sein de l’establishment politique américain, dont les couches prédominantes sont engagées dans une stratégie d’escalade de la confrontation avec la Russie dans le but d’affirmer militairement l’hégémonie américaine sur le Moyen-Orient et, plus largement, la masse continentale eurasienne.

Le New York Times a répondu avec un éditorial « Le danger de prendre des gants avec la Russie », dans lequel il a accusé Trump d’agir comme « l’apologiste de Poutine » et a insisté, « Puisque M. Trump a refusé de critiquer le Kremlin, il est important que M. Obama trouve la solution, avant qu’il ne quitte ses fonctions, de savoir comment punir la Russie […] ».

Il semblerait que le fait d’envoyer des missiles sol-air en Syrie, ce qui soulève la perspective que des forces appuyées par les américains abattent des avions russes et déclenchent un conflit beaucoup plus large et plus dangereux, fasse partie de cette « punition ».

Pour l’instant, Trump n’a pas énoncé de politique claire en ce qui concerne le conflit en Syrie, en dehors des vœux pendant la campagne électorale de vouloir « étriper l’État islamique ». En même temps, cependant, beaucoup de ceux dans son entourage, y compris son vice-président Mike Pence et son candidat pour devenir le directeur de la CIA, Mike Pompeo, ont fortement préconisé une intervention militaire directe des États-Unis contre le gouvernement syrien de Bashar al-Assad.

Le groupe qui a reçu ces armes antiaériennes, Ansar al-Islam, alors que Washington l’a apparemment compté comme faisant partie de l’opposition « modérée » en Syrie, était auparavant désigné comme une organisation terroriste par les États-Unis, les Nations Unies, et nombre d’autres pays, en raison de ses liens avec le réseau d’Al-Qaïda.

Il avait d’abord émergé comme un groupe armé à la suite de l’invasion américaine de l’Irak en 2003, se battant contre les troupes d’occupation américaines et plus tard les forces du régime imposé par les États-Unis à Bagdad. Avec la fomentation de la guerre pour le changement de régime en Syrie, il a envoyé ses membres dans ce pays pour lutter contre le gouvernement d’Assad, gagnant ainsi le soutien américain.

Il y a deux ans, la majorité des dirigeants du groupe annonçait son adhésion à l’État islamique, qui est censé être l’objectif principal de l’intervention militaire de Washington en cours en Irak et en Syrie. Certains éléments, comprenant apparemment ceux qui sont maintenant armés de manpads, ont rejeté la fusion, malgré leur idéologie et leurs objectifs partagés.

Auparavant, les autorités américaines avaient mis en garde contre la fourniture de telles armes aux « rebelles » syriens de peur qu’elles ne terminent entre les mains des combattants affiliés à Al-Qaïda et pourraient être utilisées non seulement contre les avions de guerre syriens et russes, mais aussi contre les avions de lignes occidentaux. Dans le passé, les armes acheminées aux soi-disant « rebelles modérés » par la CIA sont tombées rapidement entre les mains du Front Al Nosra, l’affilié syrien d’Al Qaïda. Il semble maintenant que de telles préoccupations soient écartées et que les missiles ont été fournis directement aux forces liées à Al-Qaïda.

L’introduction de ces armes dans le conflit en Syrie en violation flagrante du droit international est révélatrice du désespoir grandissant au sein des cercles dirigeants américains face à la débâcle de leur opération de changement de régime. Les forces gouvernementales syriennes ont fait des avancées progressives ces derniers jours à l’est d’Alep, le dernier bastion des islamistes soutenus par les États-Unis, reprenant au moins un tiers de la zone précédemment occupée par ces forces.

L’hystérie croissante a trouvé une expression consommée dans un discours prononcé lundi aux Nations Unies par l’ambassadrice des États-Unis auprès de l’ONU, Samantha Power, le plus grand porte-drapeau de l’impérialisme des « droits de l’homme ». Power a lu les noms d’une douzaine de commandants militaires syriens accusés d’avoir attaqué des civils ou d’avoir supervisé la torture dans les prisons syriennes, avertissant : « Ceux qui sont derrière de telles attaques doivent savoir que nous, dans la communauté internationale, surveillons leurs actions et documentons leurs abus et qu’un jour on les tiendra pour responsables ».

Power n’a fait aucune mention des crimes de guerre commis par les « rebelles » soutenus par les États-Unis, qui font également l’objet d’une enquête de la Cour pénale internationale, ni du récent reportage sur une enquête de cette même Cour sur les tortures pratiquées par l’armée américaine et la CIA en Afghanistan et dans les « sites noirs » partout dans le monde sur une dizaine d’années. On pourrait facilement dresser la liste d’une douzaine de commandants américains qui ont mené des attaques conduisant au massacre de civils, depuis les sièges brutaux de la ville irakienne de Falloujah en 2004 jusqu’à l’assaut contre l’hôpital de Médecins sans frontières à Kunduz, en Afghanistan, il y a tout juste un an.

Alors même que Power s’exprimait, un reportage en provenance de Syrie indiquait que des avions de guerre américains ont bombardé une usine de coton dans le village de Salhiyeh dans le nord-est du pays, tuant 10 civils, dont des enfants. Parmi les morts, trois travailleurs de l’usine, une famille de six personnes qui s’étaient réfugiés là-bas après avoir fui une offensive soutenue par les États-Unis dans la région, et un passant. Selon des estimations indépendantes, le nombre de civils tués par les frappes aériennes américaines dans le pays dépasse largement les 1000.

(article paru en anglais le 23 novembre 2016)

 

 

 

 

 

 

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