Les États-Unis accusent la Russie de “crime de guerre”, le risque d’un affrontement américano-russe s’intensifie en Syrie

Les diplomates américains et alliés ont attaqué la Russie lors d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies dimanche, accusant Moscou de façon provocatrice de « crimes de guerre » en Syrie et démontrant qu’ils étaient prêts à risquer une confrontation militaire directe avec cette puissance disposant de l’arme nucléaire.

La réunion d’urgence du Conseil de sécurité a été convoquée par les membres permanents dont les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, dans le but explicite de faire des allégations non fondées de crimes de guerre contre la Russie.

Se référant à l’attaque d’un convoi d’aide de l’ONU lundi dernier, l’ambassadeur américain à l’ONU Samantha Power a déclaré à la réunion, « Ce que la Russie fait et sponsorise n’est pas du contre-terrorisme, c’est de la barbarie ».

Elle a ensuite dit que le gouvernement syrien, qui a commencé une offensive jeudi pour reprendre les secteurs d’Alep tenus par les rebelles, a bombardé sans distinction des zones résidentielles avec le soutien russe. « Au lieu de poursuivre la paix, la Russie et Assad font la guerre. Au lieu d’aider à l’acheminement d’une aide de premiers secours pour les civils, la Russie et Assad bombardent les convois humanitaires, les hôpitaux, et les premiers intervenants humanitaires qui tentent désespérément de garder les gens en vie », selon Power.

Le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson est allé encore plus loin, en disant dans une interview sur la BBC dimanche que la Russie devrait être le sujet d’une enquête pour crimes de guerre.

Les gesticulations éplorées des États-Unis et des politiciens britanniques sur les allégations de violations des droits de l’homme sont tout à fait hypocrites. En vérité, l’a rupture du cessez-le-feu d’une semaine au début de la semaine dernière a été déclenchée par le bombardement délibéré des positions de l’armée syrienne par des avions américains, des positions qui étaient bien connues des forces de la coalition. L’attaque a permis aux combattants de l’État islamique de prendre le contrôle de la zone. En outre, les « rebelles » soutenus par les États-Unis, qui sont dominés par le Front al-Nosra, l’ancienne filiale syrienne d’Al-Qaïda, ont systématiquement violé les termes du cessez-le-feu à plusieurs reprises. L’attaque ultérieure sur le convoi d’aide aurait pu être commise par ces forces, qui ont été accusées d’empêcher les civils à s’enfuir.

L’ambassadeur russe à l’ONU Vitaly Churkin a déclaré que parvenir à un accord de paix en Syrie était « presque impossible » en raison de l’appui continu de Washington pour al-Nosra. « Ils sont armés de chars, pistolets mitrailleurs, artillerie, lance-roquettes multiples […] des dizaines et des dizaines d’unités, y compris des armes lourdes […] Bien sûr, ils n’ont pas pu avoir fait cet équipement eux-mêmes. Ils ont reçu tout cela et ce matériel leurs est toujours expédié grâce aux bailleurs de fonds occidentaux généreux, avec les États-Unis qui vraisemblablement ferment les yeux », a commenté Churkin lors de la réunion du Conseil de sécurité. Il a poursuivi en accusant al-Nosra d’avoir bloqué l’aide humanitaire à Alep et lancé des attaques aveugles sur les zones tenues par le gouvernement.

Les affrontements se sont intensifiés dans tout le pays dimanche. Entre 26 et 43 civils ont été tués dans des raids de bombardement sur l’est d’Alep, qui est contrôlé par les forces anti-Assad dominées par al-Nosra. Pendant ce temps, les rebelles ont bombardé Masyaf contrôlé par le gouvernement pour une deuxième journée consécutive.

Il devient de plus en plus évident que Washington et ses alliés n’ont jamais considéré la trêve comme un moyen de mettre fin à ce conflit de cinq ans. Au lieu de cela, ils ont accepté l’accord, le temps de ravitailler leurs forces par procuration, qui subissaient une pression croissante des troupes d’Assad, avec le soutien de combattants iraniens et du Hezbollah, et de préparer une intensification massive de la guerre pour un changement de régime à Damas.

Cela a été rendu évident dimanche, quand une déclaration signée par une grande collection de groupes rebelles, dont beaucoup sont soutenus par les États-Unis, a rejeté tous pourparlers pour mettre fin à la guerre. « Les négociations dans les conditions actuelles ne sont plus utiles et sont dénuées de sens », affirme la déclaration.

Dans une démonstration publique du fait qu’ils n’accepteraient rien de moins que la capitulation totale du gouvernement Assad conformément à leurs plans pour un changement de régime, Samantha Power et les ambassadeurs français et britannique à l’ONU ont quitté la salle du Conseil de sécurité au moment où l’ambassadeur syrien tenait la parole.

L’objectif transparent de la dénonciation agressive de la Russie est de fournir un prétexte frauduleux pour la guerre. De l’affirmation selon laquelle le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi se préparait à massacrer des civils à Benghazi en mars 2011, aux allégations que les forces gouvernementales syriennes avaient lancé une attaque au gaz toxique en août 2013 et maintenant les allégations non fondées de « crimes de guerre » contre la population civile par la Russie, Washington et ses alliés ont systématiquement exploité de telle propagande sur les droits de l’Homme pour légitimer une vaste escalade de la violence militaire à travers le Moyen-Orient.

Les médias contrôlés par le grand patronat ont passé à la vitesse supérieure dans leurs efforts pour diaboliser la Russie et dépeindre les États-Unis comme un spectateur moralement outragé. Les articles et reportages de télévision citent régulièrement l’attaque sur le convoi d’aide, qu’ils attribuent à la Russie et au gouvernement syrien sans aucune preuve tangible, comme la cause de la rupture du cessez-le-feu.

Le New York Times a publié un autre billet de propagande samedi intitulé, « Du paradis à l’enfer : comment un convoi d’aide en Syrie a été anéanti » dans lequel les auteurs Anne Barnard et Somini Sengupta tiennent quasiment sans détour la Russie comme responsable. Sur la base de conversations avec des sources anonymes, y compris certaines alignées sur les rebelles pro-américains et anti-Assad, le Times a proclamé, « Dans leur ensemble, les interviews et autres documents indiquent qu’il y a eu une attaque prolongée et coordonnée menée par des avions russes ou syriens, probablement les deux ».

Puis, des reportages sont apparu dimanche alléguant que des bombes à sous-munitions, du phosphore blanc, des armes chimiques et des bombes barils ont été déployés contre les quartiers d’Alep.

La guerre pour le changement de régime en Syrie incitée par les États-Unis a déjà coûté la vie à près de un demi-million de personnes, forcé plus de la moitié de la population du pays à quitter leurs foyers et d’avantage déstabilisé toute la région.

La diabolisation de la Russie prépare le terrain pour une guerre qui entraînerait rapidement les grandes puissances dans un conflit régional et mondial. Cela a été souligné par les remarques du général Joseph Dunford au Congrès la semaine dernière. Interrogé par le sénateur républicain Roger Wicker à savoir si l’armée pourrait prendre des mesures décisives pour imposer une zone d’exclusion aérienne, Dunford a répondu : « Pour l’instant, pour que nous puissions contrôler tout l’espace aérien en Syrie, cela nous obligerait à déclarer la guerre à la Syrie et la Russie. C’est une décision assez fondamentale qui n’est certainement pas de mon ressort ».

La hiérarchie militaire du Pentagone n’a jamais soutenu l’accord de cessez-le-feu et n’a pas eu l’intention de le respecter. Comme Dunford l’a franchement admis aux sénateurs, « La Russie est la menace la plus importante pour nos intérêts nationaux ».

En dépit de la reconnaissance ouverte qu’une zone d’exclusion aérienne signifierait la guerre, cette politique incendiaire trouve un soutien croissant, y compris du ministre des affaires étrangères John Kerry. En août, les États-Unis ont soutenu une incursion turque dans le nord de la Syrie pour évincer les rebelles kurdes de la région frontalière. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a promis d’établir une zone dite sûre à travers une grande partie du nord de la Syrie. Cela impliquerait la présence permanente de troupes d’un État membre de l’OTAN en Syrie, créant ainsi une autre poudrière avec la Russie ».

La marche téméraire de Washington vers la guerre au Moyen-Orient se heurte à l' intransigeance croissante de ses adversaires à Damas et Moscou. Prenant la parole lors du débat de l’Assemblée générale de l’ONU la semaine dernière, le ministre syrien des Affaires étrangères Walid Muallem a qualifié le bombardement américain de l’avant-poste de l’armée syrienne, qui a tué plus de 60 soldats et blessé plus de 100 autres, d’acte délibéré. Damas « met toute la responsabilité de l’agression sur les États-Unis », a-t-il poursuivi, avant d’ajouter : « Cette agression ignoble prouve que les États-Unis et leurs alliés sont complices de l’État islamique et d’autres groupes terroristes ».

Muallem a également dénoncé l’incursion de la Turquie sur des tons véhéments, déclarant que l’opération soutenue par les Américains était une violation flagrante de la souveraineté syrienne.

Dans un long entretien accordé à la télévision russe samedi, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a averti que le Kremlin était de plus en plus réticent à faire des compromis face à des actes de provocation de Washington. Lavrov a accusé qu’aucun progrès n’a été fait pour séparer le Front al-Nosra et d’autres forces djihadistes de la soi-disant opposition modérée. À moins que Washington ne prenne des mesures pour ce faire, « nos soupçons que tout cela est fait pour soulager al-Nosra vont être renforcés », a-t-il déclaré.

Réitérant les commentaires encore plus explicite qu’il a fait jeudi, le ministre des Affaires étrangères a poursuivi : « Si tout se résume à demander de nouveau aux forces aériennes de la Syrie et de la Russie de prendre des mesures unilatérales, telles que « Donnez-nous encore trois ou quatre jours et après nous allons persuader tous les groupes de l’opposition que cela est grave et qu’il faut couper les liens avec le Front al-Nosra », de tels discours ne seront plus pris au sérieux par nous. »

(Article paru en anglais le 26 septembre 2016)

 

 

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