Perspectives

La confrontation à venir de Trump avec la Chine

Le président élu des États-Unis, Donald Trump, s’apprête à intensifier de manière dramatique la confrontation de Washington avec Pékin, sur le plan diplomatique, économique et militaire, par des mesures inconsidérées qui risquent la guerre commerciale et la guerre. Ses menaces économiques belliqueuses contre la Chine pendant la campagne électorale ont été suivies par une série de tweets provocateurs qui ont exacerbé les tensions avec Pékin au sujet de certaines des poudrières les plus dangereux du monde – Taïwan, la péninsule coréenne et la mer de Chine méridionale.

L’attitude anti-Chine belliqueuse de Trump est liée au conflit intense au sein de l’appareil d’État américain et de l’establishment politique sur la direction future de la politique étrangère et militaire. Après avoir connu des débâcles en Syrie, en Irak, en Libye et en Afghanistan, la question qui fait rage dans les milieux dirigeants est de savoir utiliser la puissance militaire résiduelle de l’Amérique pour assurer son hégémonie mondiale, et de savoir contre lequel de ses principaux rivaux, la Russie ou la Chine, il faut diriger cette puissance en priorité.

Une faction exploite des allégations non étayées que le piratage russe aurait influencé le résultat de l’élection présidentielle en faveur de Trump pour gonfler considérablement la menace posée par Moscou et saper la position du président élu. Trump, cependant, parle au nom d’une couche des élites patronale, politique et militaire qui considèrent la montée de l’économie chinoise à la deuxième place mondiale comme un danger plus grand pour les intérêts américains.

Pendant qu’il se préparait à rencontrer les hauts fonctionnaires des services de renseignement américains hier, Trump a une fois de plus minimisé les allégations de piratage russe et a plutôt déplacé l’attention vers la Chine. « La Chine a, assez récemment, piraté 20 millions de noms d’agent gouvernementaux », a-t-il dit au New York Times, se référant à la violation alléguée des ordinateurs du US Office of Personnel Management (Bureau américain de la gestion du personnel) il y a deux ans. « Comment se fait-il que personne n’en parle ? C’est une chasse aux sorcières politiques. »

Malgré l’intensité des luttes intestines, les divisions sont tactiques. Le chauvinisme de « l’Amérique d’abord » de Trump montre clairement que son gouvernement ne tolérera aucun défi à la puissance américaine par aucun rival, y compris la Russie.

Trump a déjà annoncé son intention, dès le premier jour de son mandat, de mettre un terme à la participation américaine au Partenariat Trans-Pacifique (TPP), l’arme économique principale du gouvernement Obama dans son « pivot vers l’Asie », pour subordonner la Chine aux intérêts américains. L’objectif derrière l’abandon du TPP est de le remplacer par des mesures commerciales beaucoup plus agressives. Trump a menacé de désigner la Chine comme un manipulateur de devises et d’imposer des droits de douane allant jusqu’à 45 pour cent sur les produits chinois.

Trump a nommé tout un gang de faucons anti-Chine et de nationalistes économiques pour mettre en œuvre sa politique commerciale, dont le secrétaire au commerce Wilbur Ross, Robert Lighthizer comme représentant américain au commerce extérieur, ainsi que Peter Navarro à la tête d’un nouveau Conseil national du commerce à la Maison Blanche. L’actuel secrétaire américaine au Commerce Penny Pritzker a dit au Financial Times hier que les hauts fonctionnaires chinois lui ont dit que Pékin prendrait des représailles contre les droits de douane américains. Elle a averti qu’il y avait « une ligne fine entre l’intransigeance et une guerre commerciale ».

Les menaces de guerre commerciale de Trump sont une tentative désespérée d’inverser le déclin économique de l’Amérique. Les idéologues comme Ross, Navarro et Lighthizer accusent la Chine de commerce déloyal et de voler des emplois américains. La part de la Chine dans les exportations mondiales de biens a triplé depuis qu’elle a rejoint l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, tandis que la part des États-Unis a baissé de 30 pour cent. Ce changement dramatique est néanmoins imputable à l’émergence de la Chine comme la plus grande plaque tournante manufacturière du monde, surtout pour les multinationales mondiales, dont de nombreuses grandes sociétés américaines.

Tout en accusant Beijing d’avoir violé les règles commerciales, Trump est prêt à engager des mesures punitives contre la Chine, qu’elles soient ou non conformes au cadre de l’OMC. L’éruption d’une guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine se répercuterait dans l’ensemble de l’économie mondiale, entraînant d’autres pays ayant des intérêts en Chine et portant un coup sévère au commerce mondial. N’ayant plus les moyens économiques de déterminer les règles du commerce international, les États-Unis ont déjà entamé un renforcement militaire dramatique en Asie pour affirmer leur domination, même si cela mène à la guerre avec la Chine.

Trump et ses conseillers n’ont pas critiqué l’objectif du « pivot » d’Obama, mais plutôt son inefficacité. Ils préconisent des méthodes plus agressives. Trump a promis d’augmenter l’armée américaine de 90 000 hommes et les commandes de la marine de 40 navires pour atteindre à terme 350 navires. L’expansion navale est avant tout dirigée contre la Chine, avec Rudy Giuliani, le conseiller de Trump, se vantant en novembre : « À 350, la Chine ne peut pas nous tenir tête dans le Pacifique. »

Trump a déjà précisé que la Corée du Nord sera une priorité de l’agenda de la politique étrangère. Plus tôt cette semaine, il a répondu à une annonce par la Corée du Nord qu’elle s’apprêtait à tester un missile balistique intercontinental capable d’atteindre l’Amérique continentale en déclarant sans ambages : « Ça ne se produira pas ». Il a enchaîné avec un deuxième tweet critiquant la Chine pour son manque « d’aide sur la Corée du Nord », c’est-à-dire son refus d’intimider économiquement Pyongyang pour qu’il réponde aux exigences américaines de démantèlement de son arsenal nucléaire. En menaçant une action non spécifiée contre la Corée du Nord, Trump met également en garde l’unique allié de Pyongyang, la Chine.

Plus fondamentalement, Trump a menacé d’éliminer toute la base des relations sino-américaines depuis 1979 ; la politique d’une seule Chine selon laquelle Washington a reconnu Pékin comme le seul et légitime gouvernement de toute la Chine, y compris Taïwan. Il a fait enrager le régime chinois quand il a reçu un appel téléphonique du président taïwanais Tsai Ing-wen le mois dernier, le premier contact direct entre les dirigeants américains et taïwanais depuis près de quatre décennies.

En même temps qu’il a déclaré qu’il ne se sentirait pas lié par la politique d’une seule Chine, Trump a attaqué à Pékin non seulement sur le commerce et la Corée du Nord, mais aussi pour « la construction d’une forteresse massive au milieu de la mer de Chine méridionale, chose qu’ils ne devraient pas faire. » Sa remarque signale qu’il affrontera la Chine de manière plus agressive en mer de Chine méridionale, où le gouvernement Obama a déjà risqué des affrontements navals en envoyant des navires de guerre américains dans les eaux territoriales revendiquées par la Chine pendant les opérations dites de liberté de navigation.

S’il y a un doute qu’il se prépare à la guerre, le tweet de Trump avant Noël, selon lequel les États-Unis devaient « renforcer considérablement et étendre leur capacité [d’armements] nucléaire » est un avertissement effrayant de ses intentions téméraires et militaristes. La logique de la guerre commerciale que Trump et ses conseillers prônent est la glissade inexorable vers la guerre entre les puissances dotées d’armes nucléaires. La seule force sociale capable de freiner la marche à la guerre est la classe ouvrière internationale, unifiée sur la base d’une perspective socialiste pour mettre fin à l’ordre social qui engendre la guerre – le capitalisme et sa division dépassée du monde en États-Nations rivaux.

(Article paru en anglais le 7 janvier 2017)

Loading