Au milieu de la menace d’un choc États-Unis-Russie en Syrie

Un avion de l’OTAN frôle l’avion du ministre russe de la défense au-dessus de la Baltique

Au moment même où les États-Unis font monter les tensions avec les forces russes en Syrie à la limite du conflit direct, leur agression imprudente sur la frontière ouest de la Russie augmente le risque d’un conflit militaire en Europe entre les deux puissances nucléaires.

Mercredi, un F-16 de l’OTAN a frôlé un avion russe transportant le ministre de la défense du pays dans l’espace aérien international sur la mer Baltique. Trois jours auparavant, un avion américain avait abattu un avion du gouvernement en Syrie, la première attaque de ce genre depuis le début de la guerre américaine pour le changement de régime en 2011. L’action américaine a incité Moscou, dont les forces armées soutiennent le régime syrien, à annoncer qu’il ciblera désormais les avions américains qui survolent la partie ouest de ce pays. La Russie a également déclaré qu’elle coupera la ligne directe de « déconflixion » qui a été utilisée pour empêcher des affrontements entre les avions américains et russes opérant en Syrie.

Dans l’incident de mercredi, un avion de combat de l’alliance militaire dominée par les États-Unis s’est approché de l’avion russe alors qu’il se rendait à Kaliningrad, une enclave à l’ouest de la Russie sur la mer Baltique entre la Lituanie et la Pologne, où le ministre de la Défense Sergeï Shoïgu devait rencontrer des responsables militaires russes. Un avion de chasse Su-27 qui l’escortait a bloqué le chemin de l’avion de l’OTAN et a incliné ses ailes pour montrer ses armes, après quoi l’avion intrus de l’OTAN s’est éloigné.

Cette action hautement provocatrice de l’OTAN n’a été que le dernier exemple de rencontres de plus en plus fréquentes entre les avions de guerre américains, et de l’OTAN, et ceux des Russes dans la région baltique, en particulier à proximité de Kaliningrad. Cette ville est l’avant-poste militaire occidental le plus important de la Russie. Lundi, un avion d’espionnage américain RC-135 volant vers la frontière russe a fait ce que Moscou a appelé un « virage provocateur » vers un avion Su-27 de la flotte de la Baltique qui avait décollé d’urgence pour une mission d’interception.

Dans un communiqué publié mercredi, l’OTAN a reconnu l’incident impliquant l’avion de Shoïgu et le fait qu’il s’est produit dans un espace aérien neutre. Loin de présenter des excuses, cependant, l’alliance occidentale a déclaré qu’elle avait agi de manière appropriée, ce qui impliquait qu’elle était libre d’agir d’une manière similaire à l’avenir.

Après avoir atterri à Kaliningrad, Shoïgu a accusé l’Occident de mettre en danger la sécurité mondiale en disant : « Certains pays cherchent à utiliser la force militaire comme outil pour atteindre des objectifs géopolitiques. »

Les rencontres dangereuses entre les avions de guerre de l’OTAN et russes sont pratiquement quotidiennes, en particulier dans la région balte. L’ensemble de la zone a été transformé en un camp armé suite à l’offensive de l’OTAN lancée le long de la frontière occidentale de la Russie après le coup d’État soutenu par les États-Unis et l’Allemagne en février 2014 qui a renversé le gouvernement pro-russe élu et a installé un régime férocement anti-Russe, d’ultra-droite, à Kiev.

Lundi, le ministère de la défense de la Lituanie a annoncé qu’au cours de la semaine précédente, l’OTAN avait intercepté 32 avions militaires russes s’approchant de l’espace aérien allié au-dessus de la mer Baltique. Entre le 12 et le 18 juin, a-t-il déclaré, l’OTAN et les avions alliés avaient décollé d’urgence neuf fois pour escorter des chasseurs et bombardiers russes. Les interceptions visaient des vols militaires russes vers et depuis Kaliningrad.

N’importe quel incident pourrait entraîner une un échange de tirs ou une collision, que ce soit intentionnel ou accidentel, ce qui pourrait déclencher rapidement une guerre à grande échelle entre les puissances nucléaires, ce qui risque de mener à l’incinération de la planète.

Washington accentue la confrontation avec la Russie dans le cadre de sa stratégie consistant à enlever l’entrave que représente Moscou à sa suprématie sur le Moyen-Orient et l’Asie centrale riches en pétrole et à sa domination sur le continent eurasien, ce qu’il considère essentiel pour pouvoir s’opposer à son plus grand rival pour la domination mondiale, la Chine.

La série actuelle de rencontres aériennes entre la Russie et l’OTAN en Europe de l’Est et dans les pays baltes survient au milieu d’une série de jeux de guerre et d’exercices militaires de grande ampleur le long du flanc oriental de l’OTAN. Elles impliquent des dizaines de milliers de soldats provenant de pays à la fois dans et en dehors de l’alliance militaire, ainsi que des avions, des chars, des navires et pratiquement tout l’attirail de guerre.

Pendant la majeure partie du mois de juin, l’armée américaine organise sa série annuelle d’entraînements militaires d’été avec des alliés locaux dans la région baltique appelée Sabre Strike.

Plus tôt ce mois, l’OTAN a tenu son exercice annuel BALTOPS (Opérations baltes) en Pologne et en Allemagne, déployant 6000 soldats de 14 pays, dont la Belgique, le Danemark, l’Estonie, la France, l’Allemagne, la Lettonie, les Pays-Bas, la Norvège, la Pologne, le Royaume-Uni, les États-Unis, la Finlande et la Suède. Quelque 50 navires et sous-marins et plus de 50 avions ont été mobilisés, y compris des bombardiers B-1 et B-52.

Le tabloïd britannique The Sun de Rupert Murdoch a publié un reportage photographique sur le terrain d’un exercice de prise militaire d’une plage à Ustka, en Pologne, sur la mer Baltique, où le journal a écrit avec enthousiasme : « Des soldats et des véhicules se sont précipités à terre en même temps que des avions passaient en trombe par-dessus dans une manifestation de force terrifiante. » L’article a cité l’amiral de la Marine américaine Christopher Grady qui a déclaré : « Ce que nous voulons faire, c’est de nous entraîner et de démontrer la capacité de réaliser le contrôle de la mer et la projection de puissance à la fois en mer et depuis la mer ».

Un autre exercice dirigé contre la Russie, appelé « Noble Jump 17 », a eu lieu ce mois-ci à Circu, en Roumanie. Conçu pour tester le Groupe de travail conjoint de Haute disponibilité de l’OTAN, il a rassemblé des troupes du Royaume-Uni, des États-Unis, de la Roumanie, des Pays-Bas, de l’Albanie, de l’Espagne, de la Pologne et de la Norvège.

En plus de la série sans fin de jeux de guerre et d’exercices militaires, un total de quatre groupes de combat impliquant 6000 soldats sont déployés dans les pays baltes et en Pologne, constituant un déploiement permanent de fait, en violation de l’Acte Fondateur sur les relations entre l’OTAN et la Russie signé il y a 20 ans. En outre, une brigade distincte de 10 000 soldats est installée en Roumanie et une brigade de chars est déployée par les États-Unis en Pologne, elle comprendra à terme 10 000 soldats.

Le régime du président Vladimir Poutine n’a pas de réponse viable ou progressiste à l’offensive des puissances impérialistes, dirigée par les États-Unis. Il représente l’oligarchie capitaliste qui a amassé sa richesse initiale en pillant la propriété de l’État privatisée après la dissolution de l’Union soviétique en 1991 par la bureaucratie stalinienne. Il combine ses propres aventures militaires, entreprises comme une réponse défensive à l’agression occidentale, avec des plaidoyers pour un accord avec Washington et les puissances européennes – un mélange réactionnaire basé sur un nationalisme russe violent et une hostilité à tous les efforts pour unifier la classe ouvrière en Europe et au-delà.

L’automne dernier, en réponse aux provocations des États-Unis et de l’OTAN, la Russie a déployé des missiles balistiques nucléaires à Kaliningrad. Au cours du week-end, au milieu du renforcement actuel de l’OTAN sur ses frontières, elle a organisé le premier des deux exercices militaires prévus avec des navires de guerre chinois dans la mer Baltique. Une deuxième manifestation de force est prévue pour la fin de juillet, suite à la visite du président américain Donald Trump en Pologne avant le sommet du G20 à Hambourg en Allemagne.

Mardi, un jour avant la menace de l’OTAN contre l’avion de Shoïgu, Trump a rencontré le président ukrainien Petro Poroshenko à la Maison Blanche. Quelques heures avant l’apparition conjointe des deux dirigeants, le secrétaire du Trésor américain Steven Mnuchin a annoncé que Washington avait imposé de nouvelles sanctions à la Russie pour sa prétendue agression en Ukraine.

La mesure a ajouté 38 personnes et organisations supplémentaires à la liste des personnes visées précédemment pour des représailles, portant le total à 160 individus et 400 entreprises. Les actifs de ceux qui sont nouvellement sanctionnés seront gelés et ils seront interdits de faire des affaires avec des citoyens et des sociétés américaines ou d’obtenir des financements aux États-Unis. La liste de 38 comprend deux fonctionnaires du gouvernement russe de niveau inférieur et plusieurs personnes proches de Poutine.

Alors que Trump a minimisé l’importance de sa rencontre avec Poroshenko et n’a rien dit au sujet du rôle de la Russie en Ukraine, le chef du gouvernement fantoche américain a été accueilli en héros au Pentagone, et le secrétaire de la défense et ancien général des Marines James Mattis s’est engagé au plein soutien américain et a dénoncé les menaces à la « souveraineté » ukrainienne et au « droit international » et à l'« ordre international ». Un porte-parole du Pentagone a déclaré que les États-Unis n’avaient pas exclu l’option de fournir au gouvernement de Kiev des armes mortelles pour lutter contre les séparatistes pro-russes dans l’est de l’Ukraine.

En réponse aux nouvelles sanctions, le vice-ministre russe des affaires étrangères, Sergey Ryabkov, a déclaré mercredi qu’il annulait une réunion prévue vendredi avec le sous-secrétaire d’État américain aux affaires politiques, Thomas Shannon junior, à Saint-Pétersbourg. Le secrétaire du Kremlin à la presse, Dmitri Peskov, a déclaré que si les États-Unis continuaient à imposer de nouvelles sanctions à la Russie, Moscou répondrait « en rendant la situation réciproque » et imposerait des sanctions aux États-Unis. Il a déclaré qu’une « longue liste de sanctions possibles » était en préparation.

(Article paru en anglais le 22 juin 2017)

Loading