Trump exclut des négociations avec la Corée du Nord

Dans ce qui revient à un camouflet public, le président américain Donald Trump a tweeté hier que son secrétaire d’État, Rex Tillerson, « perdait son temps à négocier avec Little Rocket Man [l’homme à la petite fusée]» – le terme injurieux du président pour le chef nord-coréen Kim Jong-un. En écartant définitivement tout accord avec Pyongyang il intensifie les tensions déjà élevées et aggrave le risque de guerre.

Le tweet de Trump a non seulement miné son secrétaire d’État. Il a également été un coup provocateur contre les dirigeants chinois, y compris le président Xi Jinping, avec qui Tillerson venait de tenir des pourparlers. Pékin et Moscou œuvrent à la reprise des négociations avec la Corée du Nord sur la base d’un supposé double gel : les États-Unis et la Corée du Sud mettraient fin à des exercices militaires conjoints et en retour la Corée du Nord arrêterait les essais de missiles et d’armes nucléaires.

Alors que la Maison Blanche a rejeté à maintes reprises la proposition chinoise, Tillerson a suggéré samedi que les États-Unis étaient ouverts à des pourparlers avec la Corée du Nord et en sondaient la possibilité. « Nous sondons, alors restez à l’écoute », a-t-il déclaré aux journalistes qui voyagent avec lui. « Nous demandons : Voudriez-vous discuter ? Nous avons des lignes de communication vers Pyongyang. Nous ne sommes pas dans une situation obscure. »

Après être sorti de sa rencontre avec Xi, Tillerson a déclaré qu’il était crucial que les tensions soient réduites. « Toute la situation est un peu surchauffée en ce moment », a-t-il déclaré. « Si la Corée du Nord cessait de tirer ses missiles, cela calmerait beaucoup les choses. » Lorsqu’on lui a demandé si cela s’appliquait à Trump, qui a menacé la Corée du Nord à l’ONU de « destruction totale », Tillerson a répondu : « Je pense que tout le monde voudrait que cela se calme. »

Heather Nauert, porte-parole du département d’État des États-Unis, a immédiatement minimisé les remarques de Tillerson, affirmant que la Corée du Nord « n’avait montré aucune indication quant à leur intérêt pour ou le fait qu’ils soient prêts à discuter de la dénucléarisation ». L’administration Trump insiste sur le fait que le seul accord acceptable pour les États-Unis serait que la Corée du Nord démonte complètement son arsenal et ses installations nucléaires et abandonne ses programmes nucléaires et de missiles.

Dans ses commentaires, Tillerson a clairement indiqué que les États-Unis n’accepteraient pas un accord similaire à celui de 2015 avec l’Iran et exigeraient des conditions beaucoup plus dures. « Nous n’allons pas construire un accord nucléaire en Corée du Nord aussi fragile que celui de l’Iran », a-t-il déclaré.

Le tweet de Trump hier a été un autre avertissement brutal selon lequel rien de moins que la capitulation abjecte du régime de Pyongyang aux demandes des États-Unis mettrait fin à la guerre. « Économise ton énergie Rex, nous allons faire ce qu’il faut faire », a-t-il ajouté. Plus tard hier, Trump a lancé un autre tweet grossier et ignorant, déclarant : « Être sympa avec Rocket Man ne fonctionne pas depuis 25 ans, pourquoi est-ce que ça fonctionnerait maintenant ? Clinton a échoué, Bush a échoué, Obama a échoué. Moi, je n’échouerai pas. »

Kim Jong-un, bien sûr, n’est au pouvoir que depuis 2011, lorsque son père Kim Jong-il est décédé. En ce qui concerne les supposés échecs de Clinton, Bush et Obama, les trois présidents américains ont pris une position menaçante et provocatrice envers la Corée du Nord. Clinton et Bush ont bien saboté efficacement les accords conclus avec Pyongyang en 1994 et 2007 en n’en respectant pas les termes.

La seule différence entre Trump et ses prédécesseurs c’est qu’il menace ouvertement d’une guerre catastrophique contre la Corée du Nord qui pourrait causer des millions de morts et entraîner un conflit mondial. Les menaces belliqueuses et téméraires de Trump sont responsables de la situation précaire dans laquelle se trouve la péninsule coréenne, où un incident relativement mineur, accidentel ou délibéré, pourrait déclencher un conflit de grande ampleur.

Le régime de Pyongyang ne peut que conclure qu’il doit se préparer à une attaque américaine imminente et que tout mouvement vers des négociations serait inutile. Tout accord avec Washington ne mènerait qu’à d’autres demandes et, en tout cas, n’empêcherait pas l’agression militaire américaine, comme l’ont démontré les meurtres du dirigeant irakien Saddam Hussein et du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.

Le fait que Trump ait contredit Tillerson quand ce dernier était à Beijing souligne le fait que la confrontation américaine avec la Corée du Nord vise également la Chine, que Washington considère comme le principal obstacle à sa domination en Asie et dans le monde. Xi et la direction chinoise doivent supposer du fait des tweets de Trump que toute entente conclue avec Tillerson sur la Corée du Nord est sans valeur.

Tillerson était en Chine pour préparer une visite de Trump en novembre.

Pékin a non seulement accepté des sanctions punitives de l’ONU contre la Corée du Nord, mais en a imposé certaines lui-même. Juste quelques jours avant la visite de Tillerson, le ministère chinois du Commerce a annoncé de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord, donnant aux entreprises nord-coréennes et aux particuliers situés en Chine, ainsi qu’aux sociétés conjointes chinoises et nord-coréennes en dehors de la Corée du Nord, à peine 120 jours de délai pour fermer. Les tweets de Trump compromettent toute collaboration entre la Chine et les États-Unis.

Un article publié dans le Washington Post samedi a révélé que Trump a signé un décret secret pour s’engager dans un large éventail d’activités agressives contre la Corée du Nord peu de temps après avoir procédé à une révision de la politique en mars. Selon un haut fonctionnaire de l’administration, ce décret a chargé les diplomates de faire pression sur tous les pays pour qu’ils coupent les liens avec Pyongyang et pour que le Trésor des États-Unis prépare une escalade des sanctions. Il a également autorisé les militaires à utiliser leurs capacités de cyberguerre contre la Corée du Nord.

Ayant échoué à faire accepter par l’intimidation les demandes américaines à la Corée du Nord, Trump se prépare à lancer une guerre d’anéantissement. Il procède à une provocation militaire après l’autre pour inciter Pyongyang à mener des actions qui pourraient être exploitées comme prétexte. Au cours des deux dernières semaines, l’armée américaine a effectué deux missions de bombardiers stratégiques B1 près de la Corée du Nord. La première a participé à un exercice à tirs réels en Corée du Sud. La seconde a impliqué le vol le plus au nord le long du littoral nord-coréen de ce siècle.

Le Pentagone a annoncé la semaine dernière, après avoir tenu des entretiens avec le conseiller de la sécurité nationale de Corée du Sud, Chung Eui-yong, que l’armée américaine enverrait plus

d'« actifs stratégiques » en Corée du Sud sur la base de rotation. Le terme « actifs stratégiques » couvre une gamme de matériel militaire, y compris des bombardiers, des sous-marins et des navires de guerre capables d’emporter des armes nucléaires.

(Article paru en anglais le 2 octobre 2017)

 

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