Un amiral américain doit « imaginer l’inimaginable » : la guerre totale avec la Corée du Nord

Les commentaires mardi de l’amiral Harry Harris, commandant du commandement US du Pacific (PACOM), soulignent l’état avancé des préparatifs américains pour une guerre avec la Corée du Nord. En prononçant un discours à Singapour, Harris a balayé les avertissements de divers analystes stratégiques et commentateurs militaires selon lesquels un conflit sur la péninsule coréenne coûterait des millions de vies et serait donc impensable.

« Beaucoup de gens ont pensé que les options militaires étaient inimaginables en ce qui concerne la Corée du Nord », a déclaré Harris à l’Institut international d’études stratégiques. « Mes amis, je dois imaginer l’inimaginable », a-t-il déclaré. Cette remarque émanant de Harris, qui est en première ligne des préparatifs d’une attaque militaire américaine contre la Corée du Nord, est la dernière menace en date contre Pyongyang.”

Le discours de Harris suit l’appel la semaine dernière du secrétaire américain à la défense James Mattis aux forces armées américaines à se tenir prêt afin « d’assurer des options militaires que notre président peut employer [contre la Corée du Nord] si nécessaire ». La semaine précédente, le président Trump a exhorté ses chefs de l’armée et du renseignement à fournir des options militaires « à un rythme beaucoup plus rapide ».

La Marine américaine est actuellement engagée dans des exercices conjoints à grande échelle avec des navires de la marine sud-coréenne dans les eaux au large de la péninsule coréenne. Plus de 40 navires de guerre y participent, dont l’USS Ronald Reagan, un porte-avions à propulsion nucléaire, ainsi que sa flotille de destroyers et un croiseur. Deux sous-marins à propulsion nucléaire – l’USS Michigan et l’USS Tucson – ont récemment amarré en Corée du Sud et sont dans la région.

Ces manœuvres navales ne sont que les derniers d’une série d’exercices militaires conjoints et de provocations qui ont fortement accru les tensions sur la péninsule coréenne. Dans une autre indication des préparatifs à la guerre, l’armée américaine en Corée du Sud va s’entraîner la semaine prochaine à l’évacuation massive des non-combattants américains en cas de conflit. Si l’exercice est décrit comme « de routine », cela intervient à un moment où Trump et ses hauts responsables ont déclaré que le temps est compté avant que « l’option militaire » soit utilisée.

Dans son discours d’hier, l’amiral Harris a déclaré : « Combiner des ogives nucléaires avec des missiles balistiques entre les mains d’un chef lunatique, Kim Jong Un, est une recette pour un désastre. »

En réalité, cette description et ce danger sont plus applicables à Trump, qui contrôle l’arsenal nucléaire le plus vaste et le plus sophistiqué au monde et qui a menacé la Corée du Nord de « destruction totale ».

Les dirigeants de Pyongyang ont toutes les raisons de croire que le pays fait face à une attaque militaire imminente des États-Unis et de leurs alliés et de se préparer en conséquence. Lundi, l’ambassadeur nord-coréen à l’ONU, Kim In Ryong, a averti que la guerre nucléaire « pourrait éclater à n’importe quel moment » et a exhorté les alliés des Américains à ne pas y prendre part s’ils voulaient éviter des représailles.

Kim a déclaré à un comité de désarmement de l’ONU que son pays était le seul État menacé par une « menace nucléaire aussi extrême et directe » des États-Unis et qu’il ne mettrait son arsenal nucléaire sur la table des négociations que si cette menace était levée. Il a également accusé le gouvernement américain d’essayer de mettre en place une « opération secrète visant à faire disparaître notre direction suprême ».

Ce dernier commentaire est une référence aux « équipes de décapitation » formées par les États-Unis et la Corée du Sud dans le cadre de l’OPLAN 5015 pour assassiner les principaux dirigeants nord-coréens. Les médias sud-coréens ont rapporté qu’une telle unité se trouve à bord de l’USS Michigan, qui participe aux exercices conjoints.

L’amiral Harris a également intensifié la pression sur la Russie et la Chine pour imposer des sanctions plus sévères à la Corée du Nord pour l’obliger à se plier aux demandes américaines d’abandonner ses programmes nucléaires et de missiles. Pékin et Moscou ont déjà acccepté ces sanctions sévères dans la dernière résolution de l’ONU qui interdit les principales exportations nord-coréennes, y compris le charbon, le minerai de fer et d’autres minéraux, et limite la vente de produits pétroliers à Pyongyang.

Les derniers chiffres du commerce chinois, publiés vendredi dernier, montrent une baisse de 37,9 % des importations en provenance de Corée du Nord en septembre, la septième baisse mensuelle consécutive et une baisse de 6,7 % des exportations chinoises vers la Corée du Nord. Lundi, la Russie a confirmé qu’elle avait interdit les importations nord-coréennes de zinc, d’argent, de cuivre et de nickel, suspendu la coopération scientifique et technique et interdit l’exportation d’hélicoptères et de navires.

Néanmoins, Harris a déclaré que le monde et la région s’attendaient et avaient besoin à ce que la Chine fasse plus. La dépendance commerciale de la Corée du Nord vis-à-vis de la Chine signifiait que « Pékin a une influence exponentielle sur Pyongyang plus que quiconque, ce qui fait de la Chine la clé d’un règlement pacifique dans la péninsule coréenne ». Harris a dit qu’il restait à savoir si la Russie serait coopérative ou non.

Le désaveu de Trump la semaine dernière de l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran montre clairement que Washington n’a aucune intention de négocier de bonne foi avec la Corée du Nord. Le seul « règlement pacifique » que Trump envisage est la capitulation complète de Pyongyang à une série interminable de demandes américaines visant à affaiblir et faire tomber le régime.

Les remarques de Harris démontrent à nouveau que l’opposition entre les États-Unis et la Corée du Nord est une des composantes d’une stratégie plus large visant la Chine, la Russie et toute puissance qui menace l’hégémonie mondiale de l’impérialisme américain.

Harris a de nouveau exigé que la Chine cesse ses « actions provocatrices » dans les mers de Chine méridionale et orientale. En réalité, ce sont les États-Unis qui ont grandement accentué les tensions dans ces eaux disputées. Harris a été au premier rang en demandant des opérations conflictuelles de « liberté de navigation » qui impliquent l’envoi de navires de guerre américains pour contester les prétentions territoriales chinoises.

Ayant délibérément intensifié le conflit avec la Corée du Nord, le gouvernement Trump a créé une situation extrêmement dangereuse où une méprise ou une erreur de calcul pourrait précipiter un affrontement armé catastrophique sur péninsule coréenne qui pourrait rapidement impliquer de grandes puissances comme la Chine et la Russie.

(Article paru en anglais le 18 octobre 2017)

Loading