AFRICOM envisage deux années de guerre, ou plus, en Somalie

Le Pentagone a proposé des plans opérationnels à la Maison Blanche qui prévoient au moins deux ans d’opérations de combat en Somalie contre le groupe militant Al-Shabaab. Les plans coïncident avec la campagne accélérée de frappes aériennes de l’AFRICOM en Somalie, qui a porté à 32 le nombre de frappes aériennes en 2017, soit plus du double du nombre réalisé l’année précédente. En novembre, l’AFRICOM a bombardé un prétendu camp d’entraînement des Al-Shabaab, tuant plus de 100 personnes.

Cette annonce marque une nouvelle escalade de l’offensive militaire de Washington en Somalie, qui a été accélérée depuis l’inauguration de Trump, dont le déploiement de 500 membres des forces spéciales.

Selon des responsables anonymes cités par le New York Times, la proposition du Pentagone cherche à retarder l’examen de sa campagne militaire en Somalie pendant 24 mois et à mener son rapport en interne, sans supervision de la part d’agences extérieures telles que le Congrès ou le Département d’État.

Les nouvelles règles d’engagement approuvées par Trump en mars codifient essentiellement une plus grande marge de manœuvre accordées aux commandants d’AFRICOM, leur donnant une autonomie complète et une immunité pour mener une guerre totale.

La proposition du Pentagone intervient également après que de nouvelles règles, signées par Trump en octobre, ont désigné la Somalie comme étant sujet au programme du Pentagone « d’opérations antiterroristes en dehors des zones de guerre conventionnelles ».

Dans un pays déjà ravagé par des décennies de guerre impérialiste américaine, la déclaration d’AFRICOM selon laquelle il va mener une offensive militaire à durée indéfinie dans la Corne de l’Afrique promet une nouvelle catastrophe sociale pour la population somalienne.

Le fait que Trump accorde à l’armée américaine une autonomie quasi totale dans la conduite de son offensive en Somalie, a provoqué le tollé d’une partie des responsables de la politique étrangère, qui craignent que la stratégie militaire de Trump en Somalie, où tous les coups sont permis, n’ait un effet négatif sur la stratégie impérialiste de Washington et ses intérêts capitalistes dans la région.

Luke Hartig, un directeur de premier plan du contre-terrorisme au Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche pendant l’administration Obama, a déclaré au New York Times : « Tout peut arriver dans l’espace de 24 mois, en particulier dans le monde du contre-terrorisme et quand on parle d’une situation instable sur le terrain, c’est ce que nous avons en Somalie avec des problèmes de formation du gouvernement et des problèmes de famine. »

Soulignant le mépris du gouvernement Trump pour la population somalienne, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Marc Raimondi, a déclaré : « Nous ne diffuserons pas nos politiques en matière de cibles aux terroristes qui nous menacent, mais nous dirons en général que nos politiques antiterroristes continuent à refléter nos valeurs en tant que nation. »

Invoquant cyniquement une inquiétude pour la population somalienne, qui a subi une perte de vies incalculable ainsi que la destruction de leur société engendrée par plus de deux décennies d’offensive impérialiste de Washington contre le pays, Raimondi a affirmé que l’armée américaine a pris soin de protéger les civils contre son bombardement.

« Les États-Unis continueront à prendre des précautions extraordinaires pour atténuer les pertes civiles, tout en répondant à la nécessité militaire de vaincre notre ennemi », a affirmé Raimondi.

Mardi, les « précautions extraordinaires » de Washington ont été révélés comme mensonges lorsque des responsables du renseignement somalien ont rapporté que les États-Unis avaient attaqué par missile tiré depuis un drone un minibus près du village de Mubarak dans la région de Lower Shabelle, à environ 60 km au sud de Mogadiscio. Dans une déclaration aux médias, AFRICOM a affirmé que le bus transportait des militants qui avaient l’intention de se rendre à Mogadiscio pour mener une attaque.

Les minibus sont un mode de transport courant pour la population, et même si on ignore si le véhicule transportait des civils, une attaque de drones menée dans ou autour des centres de population concentrés contredit les affirmations d’AFRICOM visant à atténuer les pertes civiles.

L’affirmation hypocrite par Washington de s’inquiéter pour la population somalienne est davantage démasquée par le raid du 25 août sur le village somalien de Bariire, dans le sud de la Somalie, mené par des commandos d’élite américains en tête, avec l’appui de l’armée somalienne.

En novembre, le Daily Beast, s’appuyant sur plusieurs récits de témoins oculaires, a rapporté que des commandos américains avaient perpétré un massacre, tuant 10 civils, dont un enfant.

L’armée somalienne a d’abord affirmé que les personnes tuées étaient des militants d’Al-Shabaab, mais ont été contraints de rétracter cette version officielle lorsque des centaines de résidents de la ville voisine d’Afgoye ont envahi les rues et exigé que les auteurs du massacre soient traduits en justice.

Dans le cadre de son enquête, le Daily Beast a découvert que le gouvernement somalien avait versé 60 000 dollars à chacune des familles des victimes.

Tout en niant complètement que les forces américaines étaient responsables des massacres, l’AFRICOM a admis que « [l]'Armée nationale somalienne menait une opération dans la zone avec les forces américaines dans un rôle de soutien. »

Un résident de Bariire, Abdullahi Elmi, a déclaré au Daily Beast que lui et un ami, Goomey Hassan, s’étaient cachés après avoir entendu des coups de feu près de la maison d’Elmi. Quelques instants plus tard, les deux hommes ont été tenus en joue par des soldats de l’armée nationale somalienne et placés en état d’arrestation.

Après que les soldats ont fouillé la maison d’Elmi, les deux amis ont été forcés de se rendre sur les lieux du massacre. Elmi a vu les corps des autres résidents, y compris un ami qui saignait abondamment d’une blessure par balle qui criait à l’aide. Elmi et Hassan ont raconté que les soldats les avaient jetés à terre, leurs visages plaqués au sol par les bottes de soldats américains appuyées sur leurs têtes.

Suite au reportage du Daily Beast, le chef de l’AFRICOM, Thomas Waldhauser, a demandé au Service des enquêtes criminelles de la marine de mener une enquête pour étouffer l’affaire.

Sous le prétexte frauduleux de la guerre contre le terrorisme, Washington poursuit par la force militaire une tentative d’affirmer sa domination géostratégique sur la Corne de l’Afrique qui domine les eaux maritimes par où passe le trafic pétrolier mondial du Moyen-Orient à travers la mer Rouge.

La Chine est maintenant un obstacle majeur à la domination impérialiste des États-Unis, elle a considérablement accru son influence économique dans presque toutes les nations et industries du continent africain.

L’initiative du Pentagone d’intensifier son offensive militaire dans la Corne de l’Afrique a l’air d’une tentative désespérée. L’inauguration récente par Pékin d’une base navale à Djibouti a incité Washington à amplifier son offensive militaire dans la région menaçant de déclencher une guerre plus large entre de grandes puissances.

(Article paru en anglais le 16 décembre 2017)

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