Après une attaque au gaz douteuse, les États-Unis poussent à la guerre en Syrie

Mardi, l’administration Trump a accusé le régime syrien de Bachar el-Assad d'avoir mené une attaque au gaz sur la ville de Khan Cheikhoun dans la province d’Idlib, contrôlée par les rebelles, afin de pousser à une nouvelle escalade du conflit militaire au Moyen-Orient.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, un organe de suivi lié à l'opposition syrienne, 58 personnes dont 11 enfants de moins de huit ans, ont été tuées lors d'une attaque tôt le matin.

Les rebelles, qui contrôlent la région, ont accusé le gouvernement d'avoir utilisé des armes chimiques. Les sources gouvernementales ont répondu qu'il y avait eu une explosion dans une usine d'armes dirigée par le Front al-Nosra, un groupe islamiste qui a une forte présence dans la région et qui a déjà lancé des attaques avec des armes chimiques.

Le gouvernement syrien a publié une déclaration pour nier toute implication, et la Russie a confirmé qu'elle n'avait lancé aucune attaque aérienne dans la région.

Selon le porte-parole du ministère de la Défense russe, Igor Konashenkov, les forces aériennes syriennes ont frappé une usine de munitions à l'est de la ville, où les rebelles produisaient des obus remplis de gaz toxique, destiné aux combats en Irak. Il a ajouté que les militants islamistes avaient utilisé des armes similaires l'année dernière, pendant les combats dans la ville d'Alep.

Les circonstances de l'attaque sont très peu claires et douteuses. À la fin de la semaine dernière, les responsables de l'Administration Trump, dont le secrétaire d'État Rex Tillerson et l'ambassadeur des Nations Unies Niki Hayley, ont déclaré que la principale priorité de Washington en Syrie n'était pas de renverser Assad, mais de faire la guerre contre l'État islamique (EI).

Les principaux républicains et démocrates ont violemment attaqué cette déclaration. Selon le sénateur John McCain, se détourner du but d'un « changement de régime » serait une « recette pour plus de guerre, plus de terreur, plus de réfugiés et plus d'instabilité ».

Après l'attaque mardi, le ton était tout à fait différent. L'Administration Trump et les médias n'ont pas tardé à déclarer qu'Assad était responsable.

« L’attaque chimique d'aujourd'hui en Syrie contre des innocents, dont des femmes et des enfants, est répréhensible et ne peut être ignorée par le monde civilisé », a déclaré la Maison-Blanche. « Ces actions odieuses du régime de Bachar el-Assad sont une conséquence de la faiblesse et de l’irrésolution de l'administration passée. Le président Obama a déclaré en 2012 qu'il établirait une ‘ligne rouge’ contre l'utilisation d'armes chimiques, puis n'a rien fait ».

C'était une critique explicite d'Obama, qui a incité la guerre civile syrienne en 2011, pour n'avoir pas décidé d'intervenir directement en 2013 pour renverser Assad. À l'époque, Obama était sur le point de lancer toute l'armée américaine contre le régime, suite à une campagne de propagande mensongère sur une prétendue attaque au sarin, le 21 août 2013 sur Gouta, à l'est de Damas. Il a dû de se retirer en raison des divisions au sein du renseignement sur le bien-fondé d'une guerre en Syrie, ainsi que l’opposition populaire profonde aux États-Unis à un autre agression impérialiste.

Les puissances occidentales, dirigées par Washington, ont lancé maintes accusations non vérifiées d'utilisation d'armes chimiques en Syrie pour menacer Assad. L'attaque contre Ghouta, qui aurait fait 1.000 morts, était la plus infâme. Aucune preuve concrète établissant la responsabilité des forces d'Assad à l'atrocité n'a été présentée par le gouvernement américain.

Plus tard, un article du journaliste Seymour Hersh a révélé que Washington avait délibérément ignoré des informations selon lesquelles al Nosra fabriquait des gaz toxiques, dont le sarin, en vrac.

Trump et Tillerson ne cachent pas leur intention d'intensifier la guerre au Moyen-Orient. Les propos de la semaine dernière de Tillerson et de Hayley ne signifiaient en aucun cas que Washington ne compte plus affirmer son hégémonie sur la région et ses ressources pétrolières. Ils reconnaissaient seulement que les rebelles soutenus par Washington sont en désordre, après avoir été chassés d'Alep en décembre par les militaires d’Assad avec le soutien de l’aviation russe.

Il y a deux semaines, Tillerson a déclaré lors d'une réunion de la coalition anti-EI que Washington se préparait à des occupations à long terme de l’Irak et de la Syrie. Il a proposé de créer des « zones intermédiaires de stabilité » que dirigeraient des politiciens protégés par l'armée américaine, c'est-à-dire des zones sécuritaires pour des milices pro-américaines hostiles à Assad.

Le danger d'un assaut direct dirigé par les États-Unis sur le régime syrien ne peut être sous-estimé. L'attaque au gaz fournirait un prétexte.

Le secrétaire à la presse de la Maison-Blanche, Sean Spicer, a annoncé mardi : « Je pense que le président l’a clairement indiqué par le passé et qu'il e répétera aujourd'hui : il n'est pas là pour télégraphier ce que nous allons faire. Mais soyez assurés que je pense qu'il a parlé avec son équipe de sécurité nationale ce matin, et que nous continuerons à discuter ».

La réaction de Tillerson aux événements de mardi souligne qu'une telle attaque viserait non seulement Assad, mais aussi les principaux rivaux régionaux de Washington au Moyen-Orient. Le secrétaire d'État a dénoncé Assad pour sa «barbarie brutale et sans vergogne», avant d'ajouter que la Russie et l'Iran avaient une « responsabilité morale ».

La semaine dernière, le général Joseph Votel, chef du commandement central des États-Unis, a déclaré à un comité de la Chambre des Représentants que l'Iran « pose la plus grande menace à long terme pour la sécurité dans cette partie du monde ».

Depuis l'inauguration de Trump, la guerre lancée par Obama en Syrie et en Irak s'est intensifiée. Trump a laissé les mains libres aux commandants pour lancer des frappes aériennes et d'autres attaques, tout en renforçant leurs troupes sur le terrain et en leur accordant la permission d'agir plus près du front. Le résultat a été une augmentation dévastatrice des pertes civiles dans les deux pays, la mort de centaines de civils à Mossoul en Irak, et des centaines d'autres pertes lors de frappes aériennes dans le nord de la Syrie.

Trump veut également limiter les informations que publie le Pentagone sur ses opérations au Moyen-Orient. « Afin de maintenir la surprise tactique, assurer la sécurité opérationnelle et protéger nos forces, la coalition n'annoncera ou ne confirmera pas systématiquement des informations sur les capacités et la taille de nos forces, ou les emplacements ou le mouvement des forces entre l'intérieur et l'extérieur de l'Irak et de la Syrie » a déclaré Eric Pahon, porte-parole du Pentagone.

Le conflit syrien devient de plus en plus explosif, alors que les rivaux impérialistes de Washington avancent plus agressivement leurs propres intérêts. Un jour avant l'attaque au gaz, le Conseil de l'Union européenne (UE) a adopté une nouvelle stratégie syrienne qui prévoit le renversement et l’élimination d'Assad et une « transition politique » en Syrie. Federica Mogherini, haute représentante de l'UE, a été l'une des premières à dénoncer Assad.

Le président français, François Hollande, et le ministre britannique des Affaires étrangères, Boris Johnson, ont insisté qu'Assad était responsable de l'attaque au gaz. Des soldats britanniques et français sont déjà présents en Syrie, et l'Allemagne, qui avance ses propres ambitions impérialistes au Moyen-Orient et en Afrique, parle ouvertement de la nécessité de confronter les États-Unis après l'élection de Trump.

Les travailleurs autour du monde doivent rejeter avec mépris la colère feinte de Trump, Hollande et d'autres politiciens impérialistes sur le massacre de civils. Comme le démontre le bain de sang à Mossoul, l'impérialisme massacre des civils innocents sans scrupule si cela correspond à ses propres objectifs. Ce dernier quart de siècle, les guerres sans fin menées par Washington a coûté la vie à des millions de personnes et a forcé des dizaines de millions d'autres à fuir leurs foyers.

La seule façon de mettre fin au conflit en Syrie et en Irak est de construire un mouvement antiguerre international en lutte contre le système social qui est à l'origine des guerres : le capitalisme.

(Article paru d’abord en anglais le 5 avril 2017)

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