Frappe aérienne américaine sur les forces pro-Assad en Syrie

Des avions de combat américains ont lancé une attaque contre les forces pro-gouvernementales dans le sud-est de la Syrie, près des frontières avec l’Irak et la Jordanie. C’est la première fois que l’armée américaine a visé des forces fidèles au président Bachar al-Assad depuis l’attaque aux missiles de croisière du 6 avril contre la base aérienne al-Shayrat.

Selon la version américaine des événements, les combattants ont violé une zone désignée hors conflit en avançant à moins de 30 km de la base al-Tanf, où les forces spéciales américaines et britanniques ont pris en charge l’entraînement de militants sunnites depuis plus d’un an. Cette action militaire est en flagrante violation du droit international puisque les forces occidentales n’ont pas été invitées sur le territoire syrien par le gouvernement Assad.

Les actions des forces pro-gouvernementales « ont constitué une menace » pour les forces partenaires, a déclaré la coalition dirigée par les États-Unis dans un communiqué.

Les forces impliquées semblent être un groupe paramilitaire aligné sur Assad. L’armée syrienne a signalé que six personnes ont été tuées et trois blessées dans l’attaque, selon l’agence de presse Al Masdar.

Selon la déclaration de la coalition dirigée par les États-Unis, les avions américains ont attaqué un char, un bulldozer et des combattants, après avoir effectué une « démonstration de force » en volant au-dessus de la zone et en tirant un coup de semonce.

Mais contrairement à la version américaine des événements, un analyste politique basé à Damas, Alaa Ibrahim, a déclaré à RT que, selon les sources militaires syriennes, le groupe paramilitaire n’a jamais reçu d’avertissement avant la frappe.

Il n’y avait aucune indication que les combattants pro-gouvernementaux représentaient une menace immédiate pour les troupes américaines. La déclaration militaire américaine a simplement noté que les combattants syriens étaient en train de construire des positions de combat lorsque l’avion a frappé. Il a ajouté qu’ils avaient affronté la milice du groupe Maghawir al-Thawra, qui est soutenu par le Pentagone, anciennement connu sous le nom de la Nouvelle armée syrienne.

La réalité est que les forces islamistes formées par les États-Unis font partie de son opération de changement de régime contre Damas, que Washington poursuivit depuis qu’elle a fomenté la guerre civile syrienne en 2011. Sa décision d’attaquer les forces pro-gouvernementales souligne l’accroissement des tensions alors que les deux parties du conflit se précipitent pour s’emparer des territoires de l’État islamique dans l’est du pays afin de renforcer leur position dans la lutte pour le contrôle de la Syrie.

Washington a rapidement intensifié son intervention en Syrie depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump en janvier. La frappe jeudi marque la deuxième fois en moins de six semaines que Washington a directement ciblé les forces d’Assad, suite à l’attaque de missile de croisière du 6 avril contre la base aérienne d’al-Shayrat en représailles pour l’attaque présumée aux armes chimiques par le régime d’Assad à Khan Sheikhoun deux jours plus tôt.

Le nombre de forces terrestres opérant dans le pays a été plus que doublé et Trump a laissé les coudées franches à l’armée en assouplissant les règles d’engagement pour les frappes aériennes, ce qui a entraîné une augmentation des pertes civiles. Lors de cette dernière atrocité, au moins 40 civils ont été tués et beaucoup plus blessés par une attaque aérienne suspectée d’avoir été menée par la coalition américaine à Deir ez-Zor.

L’escalade aux États-Unis entraîne la menace d’un affrontement direct avec la Russie dotée d’arme nucléaire, qui est intervenue dans le conflit en Syrie en 2015 pour soutenir son seul allié dans la région du Moyen-Orient. Bien que les responsables américains aient soutenu qu’ils avaient contacté les Russes avant la frappe aérienne hier, cela ne contredit pas le fait que Washington et Moscou ont des objectifs diamétralement opposés en Syrie.

Washington est dans une alliance tacite avec l’État islamique dans la mesure où le groupe jihadiste continue d’attaquer les zones contrôlées par le gouvernement. Alors que les États-Unis accordaient une attention particulière à la prétendue « menace » posée par les combattants pro-gouvernementaux près d’al-Tanf jeudi, l’État islamique a lancé une offensive importante dans la région centrale, capturant un village et tuant des dizaines de soldats syriens.

Les responsables américains ne se sont pas inquiétés des reportages faisant état de décapitations et d’amputations de femmes et d’enfants par l’État islamique dans les villages capturés principalement chiites. Au moins 52 personnes, dont 11 femmes et 17 enfants appartenant à la branche ismaélienne de l’Islam chiite, ont été tuées au cours des violences dans la province de Hama. L’attaque a eu lieu près de l’autoroute reliant Damas à la ville nord d’Alep, d’où les forces pro-Assad avaient repoussées les islamistes soutenus par les Américains en décembre dernier.

Rami Razzouk, un médecin légiste de l’hôpital national de Salamiyeh, a déclaré à l’AP que neuf des enfants ont été battus à mort avec des objets lourds et deux d’entre eux « n’avaient plus de membres donc il fallait les transporter dans des couvertures. »

Il n’y a pas eu d’information selon laquelle des frappes aériennes étaient lancées pour freiner l’avance de la milice islamiste dans la région par la coalition internationale qui prétends lutter contre l’État islamique.

Cela ne devrait pas surprendre. Au cours du bombardement de la Libye en 2011 pour évincer le régime de Kadhafi, l’impérialisme américain a soutenu les forces extrémistes islamistes, dont beaucoup d’entre eux ont ensuite été redirigés, avec l’aide de la CIA, en Syrie pour servir de fer de lance aux forces rebelles qui combattaient Assad. Certains d’entre eux se sont joints aux éléments sunnites révoltés en Irak pour former l’État islamique, ces derniers avaient été radicalisés par l’action de Washington qui a délibérément attisé les tensions sectaires après l’invasion américaine illégale de 2003.

En pointant les rivalités croissantes entre l’impérialisme américain et les autres puissances impliquées en Syrie, le Financial Times a rapporté plus tôt cette semaine que l’accord de cessez-le-feu conclu à Astana le 4 mai qui comprenait un accord pour arrêter les combats dans quatre zones de « désescalade », est apprécié par tous les antagonistes comme un mécanisme pour accélérer la partition du pays. Une zone tampon dans le sud près de la frontière jordanienne, qui comprendrait la base d’al-Tanf à partir de laquelle les forces spéciales américaines et britanniques forment des rebelles islamistes, pourrait servir de base pour une poussée par les forces à la solde des Américains afin de couper les lignes d’approvisionnement iraniennes par l’est de la Syrie. Un diplomate a déclaré au Financial Times que « la course est maintenant d’obtenir la plus grande part. »

Les Forces démocratiques syriennes (FDS) soutenues par les États-Unis et dominées par les unités de protection du peuple kurde (YPG), progressent vers la capitale de l’État islamique à Raqqa. L’autorisation par le gouvernement Trump de fournir des armes lourdes aux FDS la semaine dernière, contre les objections acharnées de la Turquie (qui fait partie de l’OTAN) vise à préparer le lancement d’une offensive totale pour reprendre la ville dans les prochaines semaines. Les conséquences d’un tel assaut pour la population civile seront désastreuses, comme on peut le voir dans la ville irakienne de Mossoul, où des milliers de civils ont été massacrés par les frappes aériennes indiscriminées et les pilonnages de l’armée irakienne.

La frappe américaine de jeudi contre les forces pro-Assad rendra encore moins probable que des progrès significatifs soient réalisés lors du sixième cycle de négociations de paix en cours, qui a débuté à Genève mardi. Déjà à la veille des négociations, dans un effort visant à compromettre l’initiative des Nations unies, le département d’État américain a publié des allégations choquantes et non vérifiées au sujet d’un crématoire géré par le régime d’Assad à la prison de Sednaya, près de Damas.

Des discussions sur une future constitution pour le pays ont échoué jeudi alors que les groupes d’opposition ont demandé des éclaircissements sur une proposition qui aurait impliqué une commission de l’ONU, sous la direction de l’envoi des Nations Unies en Syrie Staffan di Mistura, de chapeauter un processus de transition suite à un accord de paix.

(Article paru en anglais le 19 mai 2017)

 

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