Washington accuse l’aviation russe d’avoir attaqué les forces soutenues par les États-Unis en Syrie

Washington a accusé mercredi la Russie de cibler des combattants de l’opposition soutenus par les États-Unis dans le nord de la Syrie par des frappes aériennes effectuées un jour plus tôt. Le lieutenant-général Steven Townsend, commandant des forces américaines en Syrie et en Irak, a déclaré lors d’une conférence de presse que des avions russes ciblaient les Forces démocratiques syriennes (SDF), une coalition de combattants kurdes et arabes qui bénéficient du soutien américain.

Townsend a noté que la Russie a immédiatement arrêté les frappes quand ils ont été informés par les États-Unis. Les forces spéciales américaines, imbriquées avec les combattants arabes et kurdes qui avancent sur le bastion de l’État islamique de Raqqa, étaient à seulement 3 km du lieu touché par les frappes alléguées.

Le ministère russe de la défense a rapidement rejeté les allégations de Townsend, annonçant dans une déclaration que : « Aucune attaque aérienne sur les régions spécifiées par le côté américain n’a été menée par les forces aériennes russes ou syriennes. »

Quelle que soit la vérité de ces dernières affirmations, le potentiel que des incidents similaires se produisent va en grandissant. Le président Donald Trump devrait dévoiler une vaste escalade de l’implication militaire américaine en Syrie et en Irak, y compris la création éventuelle de « zones sûres » qui nécessiteraient une intervention militaire importante pour les faire respecter.

Townsend a ajouté lors de la conférence de presse qu’il avait soumis des recommandations au gouvernement Trump quant à la manière de combattre l’État islamique (ÉI), mais a refusé de les divulguer.

La région du nord de la Syrie, où les frappes aériennes présumées ont eu lieu, est de plus en plus encombrée d’avions et de troupes de pays qui ont des objectifs concurrents et souvent conflictuels. Le lieu cité par Townsend est proche de la ville d’al-Baab, que les forces turques ont pris à l’ÉI le mois dernier. L’incursion turque dans le Nord de la Syrie, amorcée en août dernier sous un prétexte de combattre l’ÉI, vise avant tout à empêcher les YPG (unités de protection du peuple) kurdes soutenues par les États-Unis d’étendre leur contrôle territorial dans une zone proche de la frontière turque.

Les avions russes appuient le régime syrien de Bachar al-Assad alors qu’il cherche à cibler le territoire de l’ÉI. Mercredi, les forces gouvernementales et leurs alliés, soutenus par les frappes aériennes russes, ont avancé dans la ville historique de Palmyra, qui a été détenue par l’État islamique depuis décembre.

Les forces pro-gouvernementales ont également avancé dans la région contrôlée par les Kurdes et leurs alliés arabes du Sud, aboutissant à des combats près d’al-Baab. Comme le général Herbert Carlisle, chef de l’US Air Combat Command (Commandement de combat aérien des États-Unis), a récemment déclaré : « À mesure que nous continuons à faire pression sur l’ÉI et leur prendre du territoire, la situation devient plus complexe. »

L’Armée syrienne libre (ASL), une coalition qui a collaboré avec l’armée turque pendant ses opérations en Syrie, a déclaré mardi qu’elle allait attaquer les forces gouvernementales depuis ses positions à al-Baab. L’ASL a également juré de s’affronter aux Forces démocratiques syriennes (SDF) dominé par les Kurdes. Les troupes turques et l’ASL sont maintenant encerclées par les troupes gouvernementales et les combattants de SDF à l’est, les empêchant d’avancer sur Raqqa comme la Turquie l’avait promis. Ankara s’oppose aux YPG kurdes, qu’il désigne comme une organisation terroriste, menant l’offensive sur Raqqa.

La responsabilité principale de l’excitation du conflit explosif en Syrie, qui pourrait rapidement se transformer en un affrontement direct entre les puissances dotées d’armes nucléaires, incombe à l’impérialisme américain. Le gouvernement Obama a lancé une opération de changement de régime en 2011 en soutenant les extrémistes islamistes pour renverser le régime d’Assad, qu’il considérait comme un obstacle à la projection des intérêts géostratégiques des États-Unis dans le Moyen-Orient riche en énergie. Le conflit a coûté la vie à environ un demi-million de personnes et en a obligé des millions de fuir leurs foyers.

La Russie a rejoint le conflit à l’automne de 2015 pour soutenir Assad, le plus proche allié de Moscou dans la région. Sa puissance aérienne a permis aux forces pro-gouvernementales de mettre en déroute les milices soutenues par les États-Unis, composés principalement du Front al-Nosra, l’ancienne filiale d’Al-Qaïda en Syrie, à Alep. L’offensive a coûté la vie à des centaines de civils.

La défaite a été un revers majeur pour l’impérialisme américain, qui a été largement mis à l’écart dans deux séries de pourparlers de paix tenues dans la capitale kazakhe d’Astana en janvier et février. Les négociations de paix sponsorisées par l’ONU entre le gouvernement et les représentants de l’opposition se tiennent en ce moment à Genève, et une autre série de discussions, menée par la Russie, l’Iran et la Turquie, est prévue pour Astana le 14 mars.

Les médias américains et l’establishment politique continuent à chercher à exploiter les reportages d’atrocités commises par les forces d’Assad afin d’intensifier la pression pour son renvoi. Mardi, Washington et Moscou se sont affrontés au Conseil de sécurité de l’ONU sur une résolution proposant une nouvelle série de sanctions contre Damas sur son utilisation de bombes à gaz de chlore lors de l’offensive d’Alep. La Russie s’est jointe à la Chine en opposant son veto à la résolution proposée par la Grande-Bretagne et la France et approuvée par les États-Unis.

« C’est une triste journée pour le Conseil de sécurité », a commenté l’ambassadrice américaine aux Nations Unies, Nikki Haley. « Quand les membres [du Conseil] commencent à faire des excuses pour d’autres États membres tuant leur propre peuple, le monde est certainement un endroit plus dangereux. »

La pose de Haley en gardienne morale de la paix mondiale est nauséabonde. Au moment où le Conseil de sécurité se réunissait, les forces irakiennes continuaient à livrer leur assaut brutal contre la ville de Mossoul avec l’appui aérien et l’artillerie américains. L’offensive visant à reprendre Mossoul occidental à l’État islamique a laissé plus de 750 000 civils bloqués dans la ville avec pratiquement aucune voie d’évacuation. Les frappes aériennes irakiennes et américaines ont tué un nombre inconnu de civils, mais même l’ONU a reconnu que plus de la moitié des morts à Mossoul étaient des non-combattants. Des reportages d’organisations d’aide humanitaire ont accusé les forces irakiennes, dont beaucoup ont été formées par les américains, de violations des droits de l’homme et de crimes de guerre, y compris des exécutions sommaires de villageois.

L’impérialisme américain, qui a mené de guerres pratiquement ininterrompues au Moyen-Orient au cours du dernier quart de siècle, est responsable de morts et de destructions à grande échelle. Le bilan estimé de la guerre illégale en Irak en 2003 a été évalué à un million de morts, tandis que la guerre aérienne en Libye en 2011 pour renverser le régime de Kadhafi a tué des dizaines de milliers et déstabilisé le pays, permettant ainsi aux groupes extrémistes islamiques de se développer.

Des enquêteurs des Nations Unies ont déclaré dans un rapport publié mercredi que les deux parties au conflit syrien ont commis des crimes de guerre. Il a accusé le gouvernement de cibler délibérément un convoi d’aide de l’ONU à Alep en septembre dernier, en commençant par larguer des bombes barils, avant de tirer des roquettes depuis des avions. L’armée de l’air syrienne aurait alors ouvert le feu de mitrailleuses sur les survivants. L’attaque a tué 14 travailleurs de l’humanitaire.

Cette constatation est contraire à une précédente enquête de l’ONU en décembre, qui a déclaré qu’il n’était pas possible d’attribuer la responsabilité à l’attaque. Le régime d’Assad a toujours nié son implication, citant plutôt la responsabilité des rebelles. Des enquêteurs de l’ONU ont déclaré qu’ils pouvaient faire porter la responsabilité au gouvernement syrien après avoir visionné des images satellitaires de la région.

Le rapport prétendait également que le bombardement russe et syrien d’Alep, qui comprenait l’utilisation de munitions non guidées, a tué 300 personnes au cours des quatre premiers jours de l’offensive de septembre dernier, dont 96 enfants. Il a accusé des avions russes de s’être joints à l’armée de l’air syrienne pour attaquer des hôpitaux, des centres de distribution d’eau et d’autres installations, mais n’avait pas les preuves pour accuser la Russie d’être impliqué dans aucun des crimes de guerre décrits dans le rapport.

L’enquête a également critiqué les rebelles soutenus par les États-Unis pour leurs bombardements aveugles de zones résidentielles de l’ouest d’Alep, entraînant des dizaines de victimes. Les rebelles ont également bloqué les tentatives de civils dans les zones sous leur contrôle de fuir les combats, en les utilisant comme boucliers humains contre les attaques gouvernementales. Les groupes rebelles ont favorisé leurs partisans lors de la distribution de vivres et d’autres fournitures d’aide et ont lancé une attaque contre une zone résidentielle kurde de Sheikh Maqsoud, les deux actes étant décrits par l’ONU comme des crimes de guerre.

(Article paru en anglais le 2 mars 2017)

 

 

 

 

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