Trudeau défend la vente de 15 milliards $ d’armes par le Canada au régime despotique saoudien

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau continue à justifier la vente d'armes de 15 milliards $ à l'Arabie saoudite, alors même que de nouvelles informations révèlent le caractère meurtrier de l'équipement militaire qu’Ottawa envoie vers Riyad.

Un reportage récent de la CBC, basé sur des documents qu'elle a obtenus, décrit pour la première fois l'entente conclue entre le Canada et l'Arabie saoudite qu'un accord de confidentialité dissimulait auparavant du public.

L'entente de 15 milliards de dollars a d'abord été approuvée par l'ancien gouvernement conservateur en 2014, mais a été initiée par les libéraux qui ont signé les permis de vente. Ainsi, l'affirmation de Trudeau et de son ex-ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, selon lesquels l'entente avait été finalisée avec le gouvernement précédent, était mensongère. Par la suite, on apprenait que les conservateurs avaient seulement signé des permis pour autoriser la communication de détails techniques sur les véhicules blindés légers (VBL) qui devaient être vendus. La livraison pouvait seulement aller de l'avant après que Dion eut signé des permis affirmant que la vente était conforme aux politiques canadiennes en matière de droits de l'Homme et de contrôle de l'armement.

Tout comme Dion, qui a frauduleusement affirmé qu'il n'y avait «pas de risque raisonnable que l'équipement militaire soit utilisé contre la population civile», Trudeau a récemment informé la Chambre des communes que «les permis ne sont approuvés que si les exportations sont conformes à nos politiques étrangères et de défense, y compris les droits de l’homme».

Alors que Trudeau vantait les «nouveaux processus de transparence et de responsabilité sur les contrats internationaux», son gouvernement refuse de publier les détails d'une enquête récente par des employés de Global Affairs Canada concernant des allégations que les véhicules blindés légers étaient utilisés par le régime saoudien dans un conflit militaire de longue date contre la population chiite d’Al-Qatif, un centre de résistance populaire au régime saoudien.

Même si l'ambassade saoudienne au Canada a affirmé publiquement que Riyad utilisait des armes canadiennes pour réprimer ses citoyens à Qatif, la ministre des Affaires étrangères Chrystia Freeland a déclaré que le rapport de Global Affairs n’a pas établi «de preuves concluantes que des véhicules canadiens avaient été utilisés pour commettre des violations des droits de l’homme». Freeland a refusé de rendre les résultats de l'enquête publics, craignant justement qu'ils alimentent l'opposition dans la population et menacent la continuation de l'entente lucrative.

Autant les libéraux que les conservateurs ont exploité l'absence de détails concernant l'entente pour mentir au public sur les capacités des véhicules vendus. Alors que l'ancien premier ministre Stephen Harper les a décrits de façon absurde comme des «camions», Trudeau ne les a pas moins malhonnêtement nommés des «jeeps».

Les documents obtenus par CBC démontrent que l'entente de 2014, à la connaissance de Harper autant que de Trudeau, entérinait la vente de 928 nouveaux VBL 6s, dont 119 possédant des canons «d'assaut lourds» de 105 millimètres. 119 véhicules supplémentaires sont configurés en tant que véhicules «anti-tank» et 119 autres sont décrits comme des véhicules de «tir d'appui direct», équipés d’un canon automatique de 30 millimètres monté sur tourelle. Les véhicules restants incluent des ambulances, des postes de commande mobiles, des transports VIP et des véhicules de secours munis d’une grue. Près de 40% – 354 du total – sont des véhicules de transport de troupes standards.

D'après la CBC, les documents révèlent également que le contrat contient bien plus que la vente de véhicules. Il inclut également «un programme d'appui de 14 ans impliquant des munitions, de l’“entraînement de personnel au Canada et en Europe” et l'entretien “intégré”, avec une équipe de gestion de flotte dans 13 ateliers situés en Arabie saoudite.» L'entraînement d’équipes saoudiennes qui vont utiliser les mitrailleuses doit prendre place en France.

L'appui déterminé du Canada envers le régime meurtrier saoudien fait partie de ses efforts pour poursuivre ses intérêts impérialistes à travers le Moyen-Orient. En Syrie, le Canada donne son appui aux rebelles appuyés par les États-Unis dans une guerre pour le changement de régime contre Bashar al-Assad. Trudeau s'était empressé d’applaudir la frappe de missiles téméraire des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne contre la Syrie, répétant les affirmations non prouvées selon lesquelles Assad avait utilisé des armes chimiques.

Les ambitions impérialistes du Canada sont liées au maintien de l'hégémonie des États-Unis au Moyen-Orient. C'est pourquoi le gouvernement Trudeau appuie entièrement Washington dans sa tentative de construire une alliance anti-iranienne en collaboration étroite avec ses alliés régionaux, Israël et l'Arabie saoudite, dans le cadre de préparatifs avancés pour une guerre contre Téhéran. En Syrie, les rebelles alliés des États-Unis s’étaient emparés de zones stratégiquement importantes dans l’est de la Syrie afin d'empêcher que l'Iran établisse un corridor terrestre vers Damas. Et Israël est encouragé par Washington dans ses frappes aériennes contre du personnel militaire iranien qui menacent de déclencher une guerre plus vaste.

La dynastie saoudienne est le pilier principal de la politique impérialiste américaine pour l'hégémonie dans le monde arabe et – en plus d'autres émirats réactionnaires sunnites et Israël – a été massivement financée et armée pour combattre l'influence de l’Iran au Moyen-Orient. La guerre génocidaire d'Arabie saoudite au Yémen a causé la mort de dizaines de milliers de civiles et dévasté le pays.

Malgré le fait que le massacre de milliers de civils innocents et le blocus imposé par l'Arabie saoudite contre le Yémen – qui vise à causer la famine parmi sa population et les rebelles Houthi – ont été largement condamnés comme un crime majeur contre les droits de l'homme, le gouvernement Trudeau maintient l'entente.

Il ne peut y avoir aucun doute que les armes vendues à l'Arabie saoudite seront utilisées dans la guerre de Riyad contre le Yémen, l'un des pays les plus pauvres au monde.

L'appui du Canada pour la dictature saoudienne brutale est appuyé par toute l'élite politique. Pendant la campagne électorale de 2015, alors que le dirigeant du Nouveau Parti démocratique Thomas Mulcair faisait semblant d'être outré par l'entente afin de faire cyniquement appel aux sentiments antiguerre, le syndicat Unifor a vite fait de le remettre à sa place en demandant que les sociaux-démocrates canadiens évitent de soulever le sujet de la vente d'armes à l’Arabie saoudite pour le restant de la campagne. Le NPD, qui a appuyé chaque intervention militaire de l’impérialisme canadien depuis le bombardement de la Yougoslavie, a vite fait d’obtempérer.

La vente d'armes à l’Arabie saoudite fournit un exemple de plus du fait que, tout comme ses prédécesseurs conservateurs, Trudeau et les libéraux sont déterminés à promouvoir les intérêts impérialistes du Canada à travers le renforcement du partenariat militaire et stratégique entre Ottawa et l'impérialisme américain. Les politiques du gouvernement Trudeau, qui a promis d’augmenter de 70% les dépenses militaires durant la prochaine décennie, mettent en place les conditions pour plus de destruction au Moyen-Orient et au-delà.

Les Forces armées du Canada sont déjà pleinement impliquées avec l’armée des États-Unis au Moyen-Orient. En plus d'appuyer les forces djihadistes en Syrie contre Assad, le gouvernement libéral a triplé le déploiement de Forces spéciales canadiennes en Irak afin de participer au maintien d'un gouvernement pro-occidental après des années de guerre menée par les États-Unis. Le Canada a également joué un rôle majeur dans l'opération de changement de régime de 2011 en Libye, qui a provoqué la mort de milliers de personnes et transformé le pays en ruines.

Ottawa est un allié étroit d'Israël dans sa répression contre les Palestiniens sans défense. Trudeau a récupéré le flambeau des mains de Harper en ce qui concerne la politique vis-à-vis Israël, appuyant la construction de colonies israéliennes en terre palestinienne. Le gouvernement libéral collabore également étroitement avec la dictature égyptienne d'Abdel Fattah al-Sisi, dont le régime a massacré et emprisonné des milliers de dissidents politiques.

(Article paru en anglais le 2 mai 2018)

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