Tandis que la rémunération des PDG d’entreprise atteint de nouveaux sommets

Cinquante-et-un millions de foyers américains ne peuvent se permettre un «budget de survie»

Des données récemment publiées ont jeté un éclairage révélateur sur l'état de l'inégalité des revenus en Amérique, une décennie après la Grande Récession de 2008. Tandis que le salaire des PDG atteint des sommets inégalés, près de 51 millions de foyers américains ne peuvent pas se permettre d'acheter des produits de première nécessité comme le logement, la nourriture et les soins de santé. Les chiffres montrent qu'une oligarchie minuscule de super-riches continue de renforcer son emprise sur la société, pendant que de plus en plus de familles luttent pour s'en sortir.

Le New York Times a publié vendredi le classement Equilar 200 des PDG les mieux rémunérés pour 2017. Ce sondage, réalisé chaque année par la firme de consultants en rémunération des cadres Equilar, dresse la liste des primes versées aux PDG des sociétés américaines cotées en bourses ayant un chiffre d'affaires supérieur à 1 milliard de dollars.

Les entrées concernant les 10 PDG les mieux payés en 2017 montrent non seulement d’immenses forfaits de rémunération, mais également d'énormes augmentations en pourcentage par rapport à 2016.

  • No. 1: Hock E. Tan de Broadcom, avec une rémunération totale de 103.211.163 $ – en hausse de 318 % par rapport à 2016.
  • No. 2: Frank J. Bisignano de First Data, avec une rémunération totale de 102.210.396 $ – en hausse de 646 % par rapport à 2016.
  • No. 10: Stephen Kaufer de TripAdvisor, avec une rémunération totale de 43.160.584 $ – en hausse de 3400% par rapport à 2016.

Cette année, pour la première fois, dans le cadre de la loi bancaire Dodd-Frank de 2010, les sociétés américaines cotées en bourse doivent commencer à publier des comparaisons entre la rémunération de leur directeur général et la rémunération médiane des autres salariés. (Les chiffres ne sont pas encore disponibles pour tous les PDG les mieux rémunérés.)

Voici quelques-uns des ratios de rémunération pour 2017:

  • Mindy Grossman, de Weight Watchers International, avec une rémunération totale de 33.371.856 $ américains, a reçu 5908 fois le salaire médian des employés (6013 $).
  • Margaret H. Georgiadis, de Mattel, avec 31.275.289 $ en rémunération totale, a reçu 4987 fois le salaire médian des employés (6271 $).
  • Michael Rapino, de Live Nation Entertainment, dont la rémunération totale a augmenté de 577% pour s’établir à 70.615.760 $, a reçu 2893 fois le salaire médian des employés (24.416 $).

Dans une autre perspective, un travailleur de Walmart gagnant le salaire médian de 19.177 $ au sein de l’entreprise devra travailler pendant plus de 1000 ans pour obtenir les 22,2 millions de dollars que le PDG de la société, Doug McMillon, a reçus en 2017.

Parmi les entreprises qui ont révélé les ratios de rémunération des PDG, la médiane était de 275 à 1, c'est-à-dire que l'employé type devait travailler 275 ans pour obtenir la rémunération annuelle du chef de la direction de son entreprise.

Tandis que la rémunération des PDG continue d'augmenter – les 200 premiers PDG recevant une augmentation moyenne de 14% en 2017, contre 9% en 2016 et 5% en 2015 – 50,8 millions de ménages américains ne peuvent pas se permettre un budget mensuel de base, incluant la nourriture, les soins aux enfants, les soins de santé, le transport et un téléphone intelligent. Les nouvelles données ont été mises à disposition mardi dernier par le projet ALICEde la United Way (Centraide).

Parmi ceux qui luttent pour atteindre un budget mensuel de base, on retrouve 16,1 millions de ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté fédéral officiel, soit 24.300 $ pour une famille de quatre en 2016. Mais aussi 34,7 millions de familles appelées ALICE, ce qui signifie Actif limité, revenu restreint, employé (Asset Limited, Income Constrained, Employed). En d'autres termes, ces ménages comprennent des membres actifs et ne sont pas «officiellement» pauvres, mais ne peuvent pas se permettre les nécessités de base.

Comme le communiqué du projet ALICE le note, «ALICE, ce sont les travailleurs de la petite enfance, les aides-ménagères et les employés de magasin du pays, les hommes et les femmes qui occupent des emplois peu rémunérés». Ce sont les travailleurs des entreprises dont les PDG se classent parmi les 200 premiers dans la catégorie des salaires, entre autres McDonald's, Walgreens, Office Depot et les sociétés de services alimentaires Aramark et Sysco.

Parmi les résultats mis en évidence par l’étude, on retrouve les données suivantes:

  • Les deux tiers de tous les emplois américains dans le pays sont faiblement rémunérés – moins de 20 $ l'heure, ou 40.000 $ par année si le travail est à temps plein.
  • Plus de 30 % des ménages dans chaque État ne peuvent se permettre un «budget de survie» de base. Le pourcentage de ces familles varie de 32% au Dakota du Nord à 49% en Californie, au Nouveau-Mexique et à Hawaï.
  • Les familles qui gagnent plus que le seuil de pauvreté, mais qui peinent à se procurer les produits de première nécessité, sont plus nombreuses que les ménages vivant dans la pauvreté dans les 50 États.
  • La Californie, le Texas et la Floride – respectivement les premier, deuxième et quatrième États les plus peuplés – comptent le plus grand nombre de ménages ALICE au pays.

Également publiée mardi, une étude du Conseil de la Réserve fédérale expose la situation financière précaire à laquelle sont confrontés des millions de travailleurs américains et leurs familles. Le «Rapport sur le bien-être économique des ménages américains en 2017» a révélé que 4 adultes sur 10, s'ils devaient faire face à une dépense imprévue de 400 $, seraient incapables de la couvrir ou paieraient en vendant une possession ou en empruntant de l'argent.

Pour les familles ouvrières, de telles dépenses inattendues pourraient inclure une facture médicale, une réparation automobile, des réparations domiciliaires, le remplacement d'un appareil ménager, des taxes ou des amendes imprévues – et la liste continue. Alors que les PDG au sommet du palmarès ont des avoirs de plusieurs millions cachés dans des fonds obscurs, pour les travailleurs, une urgence imprévue peut signifier se priver de nourriture, être obligé de s'endetter davantage avec des cartes de crédit, de voir ses biens saisis ou d’être expulsé. L'étude a révélé que 3% des locataires ont été expulsés ou déplacés en raison de menace d'expulsion au cours des deux dernières années.

Le rapport a noté qu'un cinquième des adultes non retraités sont pessimistes quant à leurs futures opportunités d'emploi. Un nombre important de travailleurs sont en situation d'emploi précaire, un sixième ayant des horaires de travail irréguliers imposés par leur employeur et un dixième recevant leur horaire de travail moins d'une semaine à l'avance.

L'étude a révélé que plus de la moitié des étudiants de moins de 30 ans ont contracté une dette pour payer leurs études. Ceux qui n'ont pas réussi à obtenir un diplôme et ceux qui ont fréquenté des institutions à but lucratif risquaient davantage d'avoir pris du retard sur leurs paiements. Parmi ceux qui effectuent des paiements sur leurs prêts étudiants, le paiement mensuel typique se situe entre 200 et 300 $, ou 6 à 9% du revenu total pour quelqu'un qui travaille à temps plein à 20 $ l'heure.

Une autre étude de la Réserve fédérale, «La démographie de la richesse», a révélé que les personnes nées dans les années 1980, appartenant à la génération des milléniaux, couraient le plus grand risque de devenir une «génération perdue» en termes d'accumulation de richesse. Ce groupe d'âge est l'un de ceux qui risquent le plus d'être aux prises avec des dettes d'études. Alors que toutes les familles dirigées par une personne née en 1960 ou après n'ont pas réussi à récupérer économiquement depuis la Grande Récession, celles qui sont nées dans les années 1980 sont les moins susceptibles d'avoir retrouvé leur niveau financier d'avant 1980.

Il n'est pas surprenant que le rapport sur le «bien-être économique» ait révélé que moins des deux tiers des adultes non retraités pensaient que leur épargne-retraite était sur la bonne voie. Un quart n'avait aucune épargne-retraite ou aucun régime de pension.

Alors que les politiciens des deux grands partis propatronaux disent qu'il n'y a pas d'argent pour payer des salaires décents, l'éducation, la santé ou la retraite, les sociétés composant l'indice boursier Standard & Poor's 500 reposent sur le plus grand stock de liquidités de l'histoire, avec des estimations variant entre 1800 et 2200 milliards de dollars à la fin de 2017.

Les niveaux obscènes de rémunération accordés aux PDG et la lutte correspondante des familles ouvrières pour payer les factures mensuelles de base ne provoquent aucune réponse sérieuse de la part du Parti démocrate, obsédé par les allégations d’ingérence russe aux élections de 2016.

Les démocrates ont fourni les votes permettant le financement record de 700 milliards de dollars du Pentagone et pour obtenir la confirmation de l'administratrice d’un site de torture secret, Gina Haspel, à la tête de la CIA. Ils ne se sont pas opposés sérieusement à la réduction d'impôt de plusieurs milliers de milliards octroyée par Trump aux entreprises et aux riches. Pendant ce temps, des exigences de travail sont imposées sur Medicaid et les coupons alimentaires, sans pratiquement la moindre opposition du Parti démocrate.

La classe ouvrière doit rompre avec les deux partis de la classe capitaliste et construire un mouvement socialiste de masse pour s'emparer de la richesse de l'élite financière et mettre fin au système de profit. C'est seulement de cette façon qu’il sera possible de répondre aux besoins sociaux essentiels.

(Article paru en anglais le 26 mai 2018)

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