Les États-Unis intensifient leur guerre économique illégale contre le peuple iranien

Washington a lancé hier la deuxième phase, beaucoup plus pénalisante, de ses sanctions économiques unilatérales et illégales contre l’Iran.

Les nouvelles sanctions visent explicitement plus de 700 cibles : des banques, des entreprises, l’ensemble de la flotte d’Iran Air, compagnie publique, et divers responsables et hommes d’affaires. Elles ont pour but d’étouffer toutes les exportations d’énergie de l’Iran et de l’écarter du système bancaire mondial, de manière à faire effondre son économie. Les industries du transport maritime, de la construction navale et de l’assurance des navires sont également visées.

Au début du mois d’août, trois mois après que le président américain Donald Trump ait renié l’engagement de Washington dans l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran et insisté pour que l’Iran se soumette à un nouvel accord « made in USA », les États-Unis ont imposé des sanctions au secteur automobile iranien, son commerce d’or et de métaux de base qui sont essentiels à la production industrielle, et ses achats de dollars.

Lors d’une conférence de presse lundi matin, le secrétaire d’État américain Mike Pompeo s’est vanté du fait que les sanctions actuellement en vigueur sont « les plus sévères », plus globales et punitives que celles imposées par l’administration Obama et ses alliés européens à l’Iran entre 2011 et 2015.

« Le régime iranien a le choix », a déclaré l’ancien directeur de la CIA et le tristement célèbre faucon de guerre contre Iran. « Soit Il peut faire demi tour en abandonnant son plan d’action hors-la-loi et se comporter comme un pays normal, soit il peut témoigner de l’effondrement de son économie. »

Pompeo a promis que les États-Unis poursuivraient leur campagne de « pression maximale » jusqu’à ce que Téhéran se soumette aux 12 demandes du gouvernement Trump émises en mai dernier. Celles-ci comprennent : renoncer à perpétuité à un programme nucléaire civil souverain ; mettre fin à son intervention militaire en faveur du régime syrien d’Assad ; abandonner essentiellement son programme de missiles balistiques ; et mettre fin à tout soutien au Hezbollah, au Hamas et aux autres groupes désignés comme « terroristes » par les États-Unis.

Dans l’ensemble, ces demandes constituent un ultimatum selon lequel l’Iran doit se désarmer et se mettre à la merci de l’impérialisme américain et de ses alliés dans la région.

Pompeo a dénoncé Téhéran pour avoir parrainé la terreur internationale et d’autres activités « malveillantes ». De telles accusations ne sont pas nouvelles. Elles ont été lancées, sous une forme ou une autre, par chaque gouvernement américain, démocrate ou républicain, depuis que la révolution iranienne de 1979 a renversé la dictature monarchique du Shah, soutenue par les États-Unis. Et elles ont été amplifiées au cours des deux dernières décennies à mesure que les États-Unis ont mené et fomenté une série de guerres prédatrices à travers le Grand Moyen-Orient, de l’Afghanistan à la Libye, qui ont rasé des sociétés entières.

Depuis des années, le gouvernement et les médias américains décrivent l’Iran comme un agresseur. À cet égard, Pompeo n’a pas déçu hier. Mais ce sont les États-Unis qui ont menacé l’Iran d’attaques militaires à maintes reprises, ont envahi les voisins de l’Iran, l’Irak et l’Afghanistan, et qui, à commencer par Israël et l’Arabie saoudite, ont armé ses États clients jusqu’aux dents et les ont encouragés dans leur belligérance envers l’Iran.

Il y a à peine trois semaines, Pompeo était à Riyad pour conseiller le régime absolutiste saoudien sur la manière de traiter l’indignation internationale suscitée par le meurtre brutal du journaliste saoudien dissident Jamal Khashoggi. Depuis lors, Riyad, avec le soutien logistique des États-Unis, a intensifié sa guerre féroce au Yémen, faisant en sorte que la plus grande crise humanitaire du monde décrite par l’ONU s’aggrave.

Selon un article paru samedi dans le Washington Post, le commandement central du Pentagone fait pression pour que des forces militaires supplémentaires soient déployées au Moyen-Orient afin d’appuyer la campagne de « pression maximale » du gouvernement Trump contre l’Iran.

L’unilatéralisme et la criminalité américains

Lors de la conférence de presse de lundi, Pompeo a annoncé que huit pays – la Chine, l’Inde, le Japon, Taïwan, la Corée du Sud, la Grèce, l’Italie et la Turquie – avaient bénéficié d’une « dérogation » temporaire pouvant aller jusqu’à six mois concernant l’embargo mondial imposé par Washington à l’importation de pétrole iranien.

Ce faisant, Pompeo a souligné que les États-Unis étaient résolus à réduire à zéro les exportations d’énergie iraniennes dans un proche avenir et que ceux qui bénéficiaient de « dérogations » avaient déjà réduit leurs importations de pétrole iranien et s’étaient engagées à procéder à de nouvelles réductions. Ils ont également accepté de placer l’argent qu’ils auraient payé à l’Iran sur des comptes séquestres dont Téhéran pourrait y accéder uniquement pour l’achat d’un nombre limité d’articles « humanitaires ».

Pompeo a affirmé que les dérogations avaient été accordées pour éviter une flambée des prix mondiaux du pétrole et que certains pays dotés de raffineries calibrées pour le brut iranien ont besoin de plus de temps pour trouver d’autres sources de pétrole.

Le secrétaire d’État américain a été assisté à la conférence de presse hier par le secrétaire au Trésor, Steve Mnuchin. Cela est dû au fait que l’axe central de la guerre économique américaine contre l’Iran dépend de sa domination du système financier mondial et de sa capacité à manier l’arme des sanctions secondaires, menaçant les entreprises et les banques impliquées dans le commerce avec l’Iran, ou celles ne faisant que traiter avec des tiers, d’exclusion du marché américain, d’amendes massives et d’autres pénalités.

Pompeo et Mnuchin se sont vantés du fait que plus d’une centaine d’entreprises avaient fui l’Iran de peur des sanctions américaines, et qu’une vingtaine de pays ont cessé d’importer du pétrole iranien et qu’avant même que l’embargo américain ne soit officiellement instauré, les exportations de pétrole iranien avaient chuté de plus d’un million de barils par jour, ou environ 40 pour cent.

Pompeo a également déclaré qu’une dérogation aux sanctions devait être accordée aux agences impliquées dans la réaffectation de deux installations nucléaires iraniennes afin de les mettre en conformité avec l’accord nucléaire iranien, ou Plan d’action global commun (JCPOA).

Tous les autres signataires de cet accord – la Russie, la Chine, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et l’Union européenne – insistent sur le fait que l’Iran a rempli toutes ses obligations dans le cadre du JCPOA. Il en va de même pour l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’organe de l’ONU chargé de vérifier le respect des obligations iraniennes.

La Russie a promis d’aider l’Iran à enfreindre les sanctions américaines et, bien qu’elle soit l’un des principaux exportateurs de pétrole au monde, aurait accepté d’acheter du pétrole iranien en roubles que Téhéran utiliserait ensuite pour acheter des produits russes.

Notant que la Russie est elle-même la cible des sanctions économiques américaines, le ministre russe de l’Énergie, Alexander Novak, a déclaré vendredi au Financial Times : « Nous ne reconnaissons pas les sanctions introduites unilatéralement sans les Nations Unies, nous considérons ces méthodes comme illégales en elles-mêmes. »

Les puissances européennes, qui ont joué un rôle crucial dans la campagne du gouvernement Obama contre l’Iran, s’engagent également à défendre le JCPOA et à contester les sanctions unilatérales des États-Unis.

L’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne s’offusquent du fait que le gouvernement Trump a fait dérailler ce qui avait été une ruée des entreprises européennes vers l’Iran pour exploiter des opportunités commerciales lucratives. Elles craignent les conséquences économiques et géopolitiques catastrophiques d’une nouvelle guerre provoquée par le conflit au Proche-Orient et estiment que, dans un contexte d’intensification de la guerre commerciale mondiale et de concurrence stratégique, elles doivent s’opposer à l’unilatéralisme de Washington, notamment son recours à des sanctions secondaires, afin de poursuivre leurs propres intérêts et intrigues impérialistes.

L’Union européenne est en train de mettre en place un Special Purpose Vehicle (SPV), mécanisme permettant d’effectuer des échanges commerciaux avec l’Iran, en dehors du système financier dominé par les États-Unis, et a invité d’autres pays, notamment la Russie et la Chine, à y participer. Cependant, le SPV est encore loin d’être opérationnel, à cause de l’inquiétude des puissances européennes quant aux implications d’un tel affrontement ouvert avec Washington.

Les responsables du gouvernement Trump, quant à eux, n’ont pas de scrupules à menacer leurs rivaux européens de sanctions agressives à l’égard de toutes entités impliquées dans une quelconque transaction future par le SPV.

L’Iran s’engage à mobiliser son économie de « résistance »

Le régime nationaliste bourgeois iranien s’est engagé à résister à la guerre économique américaine contre l’Iran, notant que l’Iran a été soumis à diverses sanctions américaines depuis 39 ans.

De grandes foules ont pris part à des manifestations dimanche marquant l’anniversaire du lancement en 1979 de l’occupation estudiantine de l’ambassade américaine, une action entreprise pour protester contre la décision du président américain Jimmy Carter d’autoriser le Shah déchu à se rendre aux États-Unis, et les intrigues de la CIA contre les opposants anti-impérialistes en Iran. De nombreux participants portaient des pancartes improvisées se moquant de Trump et jurant de défier les menaces américaines.

Même les reportages des médias occidentaux ont mis en avant la colère populaire palpable contre la campagne américaine visant à appauvrir encore plus le peuple iranien – notamment en les privant d’accès à des médicaments essentiels – et les prétentions absurdes de Trump et Pompeo à être du côté du « peuple » contre le régime bourgeois-religieux iranien.

Cela dit, il ne fait aucun doute que le régime iranien est en proie à une crise à mesure qu’il cherche à manœuvrer entre un impérialisme américain rapace et en crise profonde, et une classe ouvrière de plus en plus militante, mécontente des années d’austérité et du recul depuis des décennies des acquis sociaux limités que les mollahs avaient introduit pour consolider leur pouvoir au début des années 1980, tout en réprimant impitoyablement toutes les organisations de gauche de la classe ouvrière.

Le président iranien Rouhani, avec le soutien du guide suprême, l’ayatollah Khamenei, a cherché un rapprochement avec les puissances impérialistes américaine et européennes dans le cadre de l’accord sur le nucléaire iranien, ceci afin de renforcer leur position face à la classe ouvrière, tout en faisant adopter des réformes néolibérales.

Mais le boom de l’investissement européen n’a pas répondu aux attentes, puis a brusquement pris fin lorsque Trump a annoncé que les États-Unis se retiraient du JCPOA et « réimposaient » les sanctions. Depuis lors, l’économie iranienne est en chute libre et la monnaie iranienne a perdu environ 70 pour cent de sa valeur.

Sur le plan intérieur, les dirigeants de la République islamique ont répondu en redoublant d’appels à « l’unité nationale », qualifiant de déloyal l’opposition croissante de la classe ouvrière à la pauvreté et aux inégalités sociales. Au niveau international, Téhéran se fie aux puissances impérialistes européennes et vante l’Iran comme étant de meilleur garant de l’ordre mondial par rapport aux États-Unis, dirigés par Trump. Il oscille entre la lutte contre la menace d’une action militaire américaine avec une fierté des capacités militaires de l’Iran et le fait qu’il est prêt, si Washington annule les sanctions, à négocier un accord complémentaire au JCPOA.

« Il ne s’agit pas forcément d’une administration différente », a déclaré le ministre des Affaires étrangères iranien Javad Zarif a USA Today ce week-end, « mais il nécessite une approche différente » pour expliquer ce qui serait nécessaire pour Téhéran de reprendre les pourparlers avec Washington.

Les intentions criminelles du gouvernement Trump à l’égard de l’Iran – sa répudiation du JCPOA et le déclenchement de la guerre économique contre l’Iran – marque une nouvelle étape dans l’effondrement des relations entre États au niveau mondial. Cela a placé Washington et Téhéran sur le chemin de l’affrontement, menaçant de déclencher une guerre dans tout le Moyen-Orient et exacerbant énormément les tensions entre les grandes puissances et entre les pays impérialistes.

(Article paru en anglais le 6 novembre 2018)

Loading