Selon les médias sociaux, les travailleurs du groupe national sidérurgique iranien (INSIG) en grève ont protesté dimanche à Ahvaz, devant le siège du gouvernement de la province du Khuzestan, dans le sud-ouest de l'Iran.
Depuis le 10 novembre, près de 4000 sidérurgistes sont en grève dans l'immense complexe sidérurgique de l'INSIG à Ahvaz, la huitième ville d'Iran. Ils exigent le paiement de deux mois de salaire rétroactif, l'amélioration de la sécurité sur le lieu de travail et de nouveaux investissements afin que les chaînes de production fermées puissent être restaurées.
La police antiémeute aurait attaqué la manifestation de dimanche, lorsque les métallurgistes en grève ont tenté de traverser un pont pour manifester dans le centre d'Ahvaz.
La grève actuelle est la troisième grève des travailleurs de l'INSIG cette année. En juin, plus de 60 travailleurs ont été arrêtés et emprisonnés par les forces de sécurité. Plusieurs d'entre eux ont été battus en prison et se sont vu refuser un traitement médical. Ils n'ont été libérés qu'après que les grévistes de l'INISG ont intensifié leurs protestations et obtenu le soutien d'autres travailleurs.
Les autorités iraniennes ont presque totalement occulté les rapports sur la lutte des travailleurs de l'INSIG. Mais l'Agence iranienne d'information sur le travail (INLA), qui est favorable au gouvernement, a publié un rapport sur la grève il y a deux semaines. Elle a déclaré que les travailleurs étaient furieux que la banque publique Melli Iran, qui a pris le contrôle des quatre aciéries de l'INSIG en mai dernier, n'ait pas commandé les matières premières nécessaires à la production, mettant en danger des milliers d'emplois.
Le rapport de l'INLA cite les commentaires de plusieurs manifestants, dont un travailleur qui a dit: «Les fonctionnaires continuent de faire des promesses, mais ils n'agissent pas». «Même si l'employeur paie nos arriérés de salaires d'un seul coup, dit un autre, nous ne mettrons pas fin à nos manifestations tant que les matières premières ne seront pas fournies pour l'exploitation de l'usine».
L'INSIG a été privatisé en 2010, dans le cadre d'une campagne de privatisation qui s'est poursuivie sous les administrations iraniennes successives, qu'elles soient dirigées par des partisans de la ligne dure comme Mahmoud Ahmadinejad, des «réformistes» comme Mohammad Khatami ou le président actuel Hassan Rouhani.
En 2010, le complexe sidérurgique a été acheté par Mahafarid Amir Khosravi, qui, avec une fortune de plus d'un milliard de dollars américains, aurait été l'homme le plus riche d'Iran à l'époque. Cependant, Khosravi a rapidement été impliqué dans une fraude bancaire massive et a été exécuté en 2014.
La grève à l'INSIG fait partie d'une vague croissante de luttes ouvrières à travers l'Iran contre les salaires impayés et la pauvreté, la privatisation et les inégalités sociales endémiques. Fin décembre 2017 et les premiers jours de cette année, l'Iran a été secoué par des manifestations de masse contre des années d'austérité et de chômage de masse. Les protestations – que les autorités ont brutalement réprimées au prétexte fallacieux qu'elles avaient été incitées par Washington, Londres et Riyad – ont été particulièrement prononcées dans les villes et villages régionaux qui avaient jusqu'alors fourni une base populaire au régime religieux bourgeois iranien.
Depuis lors, les contradictions de classe n'ont fait que s'aggraver, alors que les dirigeants iraniens tentent de manœuvrer entre les grandes puissances impérialistes rivales et une classe ouvrière de plus en plus militante.
Dans un acte équivalant à une déclaration de guerre, Washington a imposé unilatéralement un embargo illégal sur toutes les exportations d'énergie iraniennes et a exclu Téhéran du système bancaire mondial, afin de paralyser le reste de son commerce. L'objectif publiquement déclaré de Trump et de la cabale des faucons anti-iraniens au sommet de son gouvernement est de détruire l'économie iranienne, afin de contraindre Téhéran à accepter une domination américaine débridée sur le Moyen-Orient.
Depuis le printemps dernier, la monnaie iranienne, le rial, a perdu plus de la moitié de sa valeur, ce qui s'est traduit par de fortes hausses de prix, dont le fardeau a été particulièrement lourd pour les couches les plus pauvres de la population.
Les grévistes de l'INSIG ont exprimé leur solidarité avec quatre mille travailleurs de la sucrerie de Haft Tappeh à Shush, une ville du Khuzestan à cent kilomètres au sud d'Ahvaz.
Les travailleurs de Haft Tappeh sont en grève depuis le 4 novembre pour exiger le paiement de quatre mois de salaire impayé, le maintien des rentes pour les travailleurs retraités, une sécurité d'emploi accrue et «l'annulation de la privatisation». Ils ont organisé de nombreuses manifestations à Shush au cours des trois dernières semaines et se sont également rendus à Ahvaz pour demander réparation.
La semaine dernière, les forces de sécurité ont arrêté plus de 15 travailleurs et un journaliste qui couvrait leur manifestation. Selon les médias, tous les travailleurs, sauf un, ont depuis été libérés sous caution.
Jusqu'à présent, les travailleurs du secteur du sucre n'ont été payés que pour un seul des quatre mois qui leur étaient dus.
Comme dans le cas des métallurgistes d'Ahvaz, les conditions de travail des travailleurs de la raffinerie de sucre de Haft Tappeh se sont détériorées après la privatisation de l'entreprise il y a deux ans.
L'étincelle qui a déclenché leur grève a été les informations selon lesquelles l'un des propriétaires de l'entreprise avait fui le pays et un autre avait été arrêté.
Le chef de l'Organisation officielle de privatisation de l'Iran, Mir Ali Ashraf Pouri-Hosseini, a depuis déclaré que plusieurs membres du conseil d'administration de Haft Tappeh ont été arrêtés «pour des problèmes avec les opérations de change (devises étrangères) et autres ambiguïtés». En août, M. Pouri-Hosseini s'est vanté que la privatisation en Iran avait connu une croissance de 100 % au cours des cinq premiers mois de l'exercice 2018-19.
Les travailleurs de Haft Tappeh exigent que le gouvernement reprenne le contrôle de la raffinerie de sucre. Dans une déclaration du 22 novembre, le syndicat des travailleurs de la canne à sucre de Haft Tappeh s'est plaint que la BBC n'a même pas mentionné ce qu'elle considère comme sa principale revendication, «la révocation de la privatisation».
Ces dernières semaines ont également été marquées par des protestations constantes de la part des enseignants. En octobre, des milliers d'enseignants ont participé à plusieurs jours de grèves sur les salaires de «misère», et les 13 et 14 novembre, le Conseil de coordination des organisations professionnelles d'enseignants d'Iran a organisé des occupations dans plusieurs régions du pays. Les protestations semblent avoir été particulièrement vives dans les régions à majorité kurde du pays.
En plus d'exiger des augmentations de salaire, les manifestations des enseignants ont condamné l'introduction des frais de scolarité, qu'ils ont dénoncée comme une forme de privatisation et une violation de la constitution du pays, et la libération des enseignants arrêtés ayant participé aux manifestations précédentes.
En août, Mohammad Habibi, dirigeant de l'Association iranienne des enseignants de Téhéran (AIBT-Téhéran), a été condamné à dix ans et demi de prison et 74 coups de fouet. Habibi avait été arrêté par les forces de sécurité après avoir participé à une manifestation pacifique en mai dernier.
(Article paru en anglais le 26 novembre 2018)