Les «gilets jaunes» de Commercy tiennent leur 2e assemblée populaire

Le 21 décembre, des reporters du WSWS ont pu assister à la 2e assemblée populaire des «gilets jaunes» de Commercy. Plus d’une centaine de travailleurs, indépendants, commerçants et chômeurs s’y sont rassemblés pour débattre des perspectives pour la lutte contre Macron.

Cette assemblée organisée par les travailleurs contre toute la classe politique et tous les appareils syndicaux est une expérience d’une importance capitale pour les travailleurs du monde entier. Elle indique comment les travailleurs et des forces populaires qui leur sont alliées peuvent prendre en main leurs propres luttes. Si de pareilles assemblées se généralisaient dans la France et l’Europe, en présence d’une avant-garde luttant pour une perspective révolutionnaire, elles pourraient servir à terme d’organes ouvriers auxquels transférer le pouvoir.

Loin de l’image de «gilets jaunes» ignorants et casseurs véhiculée par les médias, l’assemblée a organisé trois heures de discussion politique intense sur deux sujets: l’analyse des annonces de Macron, et la perspective pour un transfert du pouvoir au peuple.

La réunion a d’abord visionné une vidéo qui démontait la promesse de Macron d’augmenter les revenus des smicards. Vu que cette mesure est temporaire, réalisée via l’augmentation de la prime d’activité, et financée par la dette et la baisse des dépenses sur les services publics, elle n’apporte pas satisfaction. En même temps, Macron élimine toujours l’ISF et accorde des dizaines de milliards aux entreprises via le CICE. Cette analyse a recueilli un large soutien.

Il s’est ensuivi une discussion initiale de problèmes posés au stade actuel du mouvement, tels la décision d’aller ou non à Paris manifester, et d’envoyer ou non des «cahiers de doléances» à l’État. Les «gilets jaunes» ont aussi critiqué la casse par Macron des droits proclamés par la constitution de 1946, après la Libération. A travers la proposition d’un «Référendum d’Initiative Citoyenne» (RIC), ils ont revendiqué le droit d’imposer et d’abroger des lois, de destituer des responsables et de modifier la constitution indépendamment de l’Assemblée nationale.

Une proposition d’un syndicaliste solidaire du mouvement de pénaliser par des taxes des importations venues de loin a recueilli des critiques de ceux qui faisaient remarquer que vu les coûts, on ne peut pas simplement «acheter français».

Ensuite la discussion a abordé le thème du transfert du pouvoir au peuple. Un animateur a soulevé divers exemples de gouvernements régionaux, tels que la Commune de Paris en 1871; la région du Chiapas au Mexique; et le territoire kurde en Syrie, transformé en «Rojava» (Kurdistan occidental) autonome à l’aune de la guerre menée par l’OTAN pour écraser le régime syrien. D’autres ont cité des exemples tels que la résistance dans le Limousin pendant l’Occupation nazie.

Ceci a soulevé l’objection qu’il serait difficile de fonder une prise du pouvoir en France, où l’État joue un rôle central dans le financement des services publics, sur des exemples de luttes où des guerilléros tentent d’exister plus ou moins indépendamment de l’appareil d’État.

Alexandre Lantier du Parti de l’égalité socialiste (PES) a souligné l’importance de l’assemblée et l’enthousiasme des travailleurs du monde entier pour la lutte menée par les «gilets jaunes» pour l’égalité sociale et contre la répression et Macron. Il a relevé la nécessité de mobiliser largement les travailleurs en France et au-delà en lutte, tout en rejetant toute tentative de récupération par l’élite dirigeante. Il a dit qu’en se fondant sur un programme socialiste, un mouvement international des travailleurs pourrait prendre le contrôle de l’économie et prendre le pouvoir.

Cette intervention a provoqué de nombreux retours, pour demander si une lutte internationale est nécessaire, et si une perspective socialiste existe aujourd’hui à part dans les décombres du PS bourgeois et réactionnaire. Plusieurs ont appelé à acheter des mets chez des fermiers bio. Ceci a provoqué une réaction d’une mère célibataire, qui a dit qu’elle mange du périmé parce qu’elle n’a pas les ressources pour subventionner les fermiers qui vendient du bio.

Des membres du PES ont continué à discuter avec des membres de l’assemblée et à recueillir des entrevues après la fin de la réunion.

Adam, l’un des animateurs, a dit: «J’ai été très engagé dans la campagne présidentielle, et tout de suite après ça, j’ai eu une grosse déception parce que je savais que le néolibéralisme arrivait. Alors quand le mouvement des gilets jaunes est né, apolitique, vraiment là on va avoir un espace d’expression, je me suis dit que j’irais à Commercy élargir le débat. … J’ai eu une grosse déception, je me suis dit les élections, ça ne marche pas, qu’est-ce que je peux faire au quotidien?»

Il a ajouté, «Au nom de l’économie capitaliste, on laisse des gens de côté. Ce n’est pas normal, on a un système social solidaire, mais on se rend compte en fait qu’il ne l’est pas tellement, parce que c’est le profit qui est en avant.

Martine a déclaré qu’elle a rejoint le mouveent parce que «Il y a beaucoup de pauvres qui vivent mal, et les ressources sont très faibles. … Moi-même j’ai des enfants métissés, et ils me demandent, Maman pourquoi la France est comme ça? Il faut que je sois forte pour leur dire non, il faut se battre, il être fort, il faut avoir des valeurs et les garder.»

Elle a souligné l’importance d’un soutien international pour les «gilets jaunes» et son opposition aux guerres néocoloniales françaises en Afrique. Les ravailleurs, a-t-elle dit, «en ont marre de travailler comme des esclaves là-bas dans les pays étrangers. A l’étranger c’est pire même. Il y a des pays africains que je connais où on se tue à la machete, c’est vraiment honteux de vivre comme ça. Et tout ça c’est à cause de la France, c’est des affaires de pétrole tout ça.»

Madame Laurent a dit au WSWS qu’elle était deveu «gilet jaune» parce que «J’ai trois enfants à charge. Je fais comment, moi, pour vivre avec 600 euros par mois? Je suis en instance de divorce, mon mari me paie 100 euros de pension alimentaire, il faut que je me débrouille avec 600 euros. Je fais comment? On a l’aide de personne, on est envoyé bouler de tout le monde. … On se fait envoyer bouler de Pôle emploi, vous n’avez pas de voiture donc vous ne pouvez pas faire ci, ou ça. Le problème c’est que c’est un cercle vicieux.»

Elle a ajouté, «A Noël il n’y a rien à la maison, il n’y a pas de sapin, il n’y a pas de décoration, il n’y a rien. Mes meubles c’est de l’occasion, ou c’est donné ou c’est prêté parce que je n’ai rien. Mais ça on s’en fout.» Interrogée pour savoir si un parti politique ou un syndicat avait fourni de l’aide, elle a répondu: «Non, aucune.» Ensuite elle a ajouté, «Si toutes les femmes se mettaient dehors dans la rue, face aux flics, peut-être qu’ils bougeraient.»

Elle a aussi dit soutenir la revedication d’assemblées populaires à travers le monde: «Si ça pouvait aider tout le monde, le monde entier, pourquoi pas? Il faut que ce soit tout le monde, parce que de toute façon, la politique, c’est tous des pourris. Il n’y en a pas un pour relever l’autre.» Elle a ajouté, «Il faut des assemblées populaires, de gens normaux. Ils feraient des référendums, dès qu’il s’agit d’une question plus ou moins importante, que les gens puissent dire oui ou non.»

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