Des travailleurs mexicains et américains s’échangent des déclarations de soutien alors que la grève de Matamoros s'intensifie

De plus vastes complexes industriels à Matamoros, au Mexique, devaient être mis à l’arrêt mercredi dans ce qui constitue la plus importante grève sur le continent nord-américain des dernières années.

Lundi, 70.000 travailleurs avaient déjà quitté leur emploi, fermé 45 usines et répudié le syndicat favorable aux entreprises, qui réclame toujours le retour des travailleurs à leurs postes. Ce nombre devrait croître – un signe supplémentaire que l'une des sections les plus exploitées de la classe ouvrière internationale, les travailleurs mexicains d’«ateliers de misère», salue la nouvelle année avec une puissante démonstration de force de la classe ouvrière.

«Frère ouvrier, si tu as le courage de commencer, aie le courage de réussir. Grève générale le mercredi 16 janvier.»

Les travailleurs de l'industrie des «maquiladoras» de Matamoros, qui gagnent seulement 9 dollars par jour, réclament des augmentations massives, des primes, la fin des conditions de travail dangereuses et éreintantes, ainsi que l'élimination des cotisations syndicales qui garnissent les poches des principaux dirigeants syndicaux.

La grève implique des dizaines de milliers de travailleurs dans des entreprises de pièces automobiles qui fournissent les «Trois Grands», à savoir General Motors, Ford et Fiat-Chrysler. Parmi les fournisseurs de GM en grève, on trouve: Polytech Netting, Inteva, Dura, AFX, Autoliv et Parker.

À Oshawa, au Canada, une centaine de travailleurs canadiens des pièces d’Inteva se sont également mis en grève mardi pour protester contre la décision de GM de fermer l’usine de montage d’Oshawa, une opération qui risque de provoquer la perte de milliers d’emplois.

Les syndicats n'ont toutefois informé personne de cette grève transnationale. Au contraire, alors que les syndicats mexicains tentent d'isoler et d'étouffer la grève de Matamoros, United Auto Workers et Unifor blâment faussement les travailleurs mexicains pour les récentes suppressions d'emplois annoncées par les entreprises américaines.

En luttant pour se débarrasser de leurs dirigeants syndicaux et en élisant leurs propres représentants, les travailleurs mexicains montrent à leurs alliés nord-américains aux États-Unis et au Canada comment riposter.

Oscar, un ouvrier de pièces détachées travaillant depuis 12 ans chez Trinodex, a déclaré au Bulletin d’information des travailleurs de l’automobile du WSWS qu'il payait 63 pesos par semaine (3,30 dollars, soit 4% de son salaire hebdomadaire) en cotisations syndicales alors que le syndicat collabore avec l'entreprise.

«Ici, on travaille du lundi au vendredi et les samedis et dimanches s’il le faut. Au fil du temps, les dirigeants syndicaux ont empiré», a-t-il déclaré. «Il n'y a pas d'air [dans l'usine] et les salles de bains sont souvent sales car ils ne paient pas les concierges. Nous ne parlerons même pas de la cafétéria. Hier, ils ont renvoyé cinq personnes simplement pour avoir parlé de cela.»

Un autre gréviste travaillant pour le fournisseur de GM Autoliv, qui a demandé à rester anonyme, a parlé au WSWS depuis la ligne de piquetage de son usine.

«Toutes les usines sont en grève. La majorité des travailleurs sont absents. Les patrons veulent nous menacer de licenciements collectifs et nous enregistrent et prennent des photos. Ils veulent nous intimider et ils font appel à la police de l’État.»

Le travailleur a dénoncé le syndicat qui fait semblant faire valoir les revendications des travailleurs auprès des entreprises: «La seule raison pour laquelle ils accèdent à nos demandes est par peur d'une enquête ou d'un audit sur la corruption.

«Les travailleurs de Matamoros ne paieront plus jamais 4% en cotisations syndicales. On ne peut pas avoir un syndicat riche et des travailleurs pauvres.»

Les employeurs ont clairement indiqué qu'ils n'accepteraient pas les revendications des travailleurs et le gouvernement de l'État de Tamaulipas a déclaré les grèves de mercredi illégales.

«Tout document faisant la promotion d’une grève du travail n’a pas de validité juridique», lit-on dans une déclaration publiée mardi soir par la secrétaire au Travail de Tamaulipas. La déclaration continue avec condescendance: «Les travailleurs de l'industrie des maquiladoras sont invités à continuer à travailler sur leur lieu de travail de manière normale», indique le texte, exigeant que les grévistes «restent informés de leurs obligations en tant que travailleurs».

Dans un communiqué publié mardi, Juan Carlo González, président de la Confédération des employeurs de la République mexicaine (COMPARMEX), a menacé de fermer toutes les usines de la ville:

«À tout moment, les entreprises peuvent quitter leurs activités si leurs coûts d'exploitation sont supérieurs à ce qu'elles peuvent vendre avec leurs produits, surtout lorsqu'il existe des opportunités dans d'autres régions du pays et que de nombreuses usines de Matamoros sont implantées dans d'autres régions et avec cette augmentation de salaire qu'ils exigent, l'entreprise peut définitivement partir pour s'établir ailleurs».

Derrière cette tirade se cache la terreur de la part de la classe dirigeante que la vague de grève se propage. La grève a été complètement occultée par la presse nationale mexicaine et américaine dans le but évident de censurer la lutte visant à obtenir un soutien plus large. Un article paru dans un journal local, El Cinco, exprimait la crainte d'une grève massive:

«Pour commencer, il n’y a pas de précédent, ni à Matamoros ni à Tamaulipas pour une grève de cette ampleur. L’industrie des maquiladoras dans cette ville est pratiquement paralysée dans sa totalité… Le conflit met clairement en évidence une chose: les travailleurs commencent à se rebeller contre l’exploitation dont leurs dirigeants syndicaux les ont rendus victimes, dans une complicité évidente avec les patrons».

L'article exigeait l'intervention du gouvernement de l'État: «Il doit intervenir avant que les travailleurs d'autres villes, comme Reynosa et Nuevo Laredo, imitent leurs homologues de Matamoros».

Mais c’est exactement ce que veulent les travailleurs.

Jaime, un travailleur de l'usine GM Silao à Guanajuato, a déclaré au WSWS: «Nous devons faire la même chose ici, à Silao. Ce syndicat ne vaut rien.»

Des travailleurs bien au-delà du Mexique se rallient à la position prise par les travailleurs des maquiladoras de Matamoros et cherchent un moyen de lutter contre les baisses de salaires et les suppressions d'emplois imposées par les entreprises.

Nick, un ouvrier spécialisé dans les pièces automobiles dans l'État du Michigan, a transmis un message aux travailleurs mexicains via le WSWS:

«Votre exemple est encourageant. Vous êtes une classe ouvrière exploitée reconnue au sein de l'ALENA, recevant des salaires de misère dont une partie va au syndicat. Ici, vous vous tenez debout contre ces voyous et ces exploiteurs capitalistes», a-t-il déclaré.

«Je comprends que vous traversiez ces frontières nationales illusoires pour atteindre vos frères et soeurs de la classe ouvrière au nord de vous et que vous disiez: “blesser l'un d'eux, c'est blesser tout le monde”. Nous devons nous unir comme une force mondiale unique. Nous ne laisserons pas les entreprises américaines nuire aux travailleurs mexicains au nom du capitalisme. Vous êtes nos collègues de travail, vous vivez simplement dans un pays différent.»

Le fabricant de pièces d’auto Inteva paralysé par l'arrêt de travail

Des travailleurs mexicains ont également transmis leurs salutations à leurs homologues américains.

Oscar, le travailleur en grève de Trinodex, a déclaré: «J'appelle les travailleurs à se lever et à ne plus se cacher. Nous sommes plus productifs que dans d'autres pays, mais ils nous paient un salaire misérable et le syndicat nous prend le peu qu'il nous reste. Pas plus, c'est assez».

Le travailleur anonyme d’Autoliv a également lancé un appel aux travailleurs américains et canadiens du secteur de l'automobile:

«S'ils envisagent de s'unir à nous, nous les soutiendrons aussi, tout comme nous avons reçu un soutien physique et moral de toute notre ville. Ils doivent se battre pour ce qu'ils méritent. Ils doivent s'unir et se faire une force. Ici, nous nous entraidons tous. Si les patrons essaient de renvoyer l'un de nous, nous reviendrons et lutterons pour défendre nos collègues. Nous sommes plus unis que jamais».

Les travailleurs mexicains en grève ne doivent pas perdre l’initiative en faisant confiance à tout politicien, au syndicat ou à ceux qui prétendent faussement que cette organisation corrompue peut être «réformée».

Les travailleurs doivent continuer à élire leurs propres représentants, indépendants des syndicats, pour former un comité de grève à l'échelle de la ville composé des travailleurs les plus militants et dignes de confiance. Ce comité de base doit informer et mobiliser démocratiquement la force des travailleurs de Matamoros et faire appel à tous les travailleurs des maquiladoras de la frontière américano-mexicaine et à leurs homologues américains et canadiens pour joindre leur combat contre les grandes sociétés et le système capitaliste.

Le 9 février, à 14h, les travailleurs de l'automobile manifesteront au siège mondial de GM à Detroit, dans le Michigan, pour s'opposer aux suppressions d'emplois et aux concessions annoncées par les constructeurs automobiles et de pièces. Les travailleurs du monde entier peuvent suivre et soutenir cette manifestation sur Facebook ici .

(Article paru en anglais le 16 janvier 2019)

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