La ministre de l’Éducation de l’Ontario fait valoir l’augmentation du nombre d’élèves en classe comme moyen d’enseigner la «résilience»

Lors d’une entrevue à la radio sur le réseau anglais CBC de Radio-Canada à la fin du mois dernier, la ministre de l’Éducation de l’Ontario, Lisa Thompson, a défendu les coupes sauvages effectuées par le gouvernement progressiste-conservateur dans les budgets des écoles publiques et, en particulier, ses plans visant à augmenter considérablement la taille des classes en affirmant qu’elles permettront aux élèves d’«élargir leurs compétences» et ainsi les préparer «au monde du travail».

Les propos insensibles de Thompson illustrent le mépris de l’élite dirigeante pour les millions de familles de la classe ouvrière qui dépendent du système d’éducation publique de l’Ontario, qui est sous-financé de façon chronique.

La ministre de l’Éducation a défendu avec insistance la «réforme de l’éducation» annoncée par le gouvernement le 14 mars. Celui-ci réduira les dépenses en éducation de 1,4 milliard de dollars, fera passer le nombre moyen de 22 à 28 élèves par classe au secondaire, leur imposera des cours en ligne obligatoires, éliminera jusqu’à 10.000 emplois dans l’enseignement et apportera des changements rétrogrades aux programmes provinciaux en éducation sexuelle et en mathématiques.

«Lorsque les étudiants se préparent actuellement à entreprendre des études postsecondaires, les professeurs et les employeurs nous disent qu’ils n’ont pas les compétences nécessaires pour faire face à la situation et qu’ils manquent de résilience, affirme Thompson. En augmentant la taille des classes au secondaire, nous les préparons à la réalité (de l’éducation) postsecondaire et du monde du travail.»

Thompson a poursuivi en soulignant que l’augmentation de la taille des classes et autres compressions auront un impact pervers sur les plus vulnérables, faisant remarquer qu’il sera probablement nécessaire d’augmenter les dépenses pour les services de soutien en santé mentale.

En affirmant que les élèves de l’Ontario doivent être préparés aux dures réalités du «monde du travail», Thompson a mis en lumière le véritable sens de la promesse du premier ministre Doug Ford de rendre l’Ontario «ouvert aux affaires». Afin d’assurer que leurs revenus et leurs richesses continuent d’augmenter, les entreprises canadiennes sont résolues à condamner la grande majorité des étudiants d’aujourd’hui à des emplois précaires et mal rémunérés, privés des droits sociaux que les travailleurs ont obtenus grâce aux luttes de masse et révolutionnaires du siècle dernier.

Le droit des enfants de la classe ouvrière à une éducation publique de qualité fait lui-même l’objet d’attaques systématiques dans le monde entier – de la nomination par Trump de Betsy DeVos, l’héritière multimilliardaire et défenseure des écoles à charte devenue secrétaire américaine à l’éducation, à la campagne des gouvernements travaillistes et conservateurs britanniques successifs pour promouvoir les «académies» privées à but lucratif et leurs attaques contre les salaires et les droits des enseignants.

Alors qu’ils cherchent à renforcer leurs positions «concurrentielles» et stratégiques respectives par le militarisme et des attaques contre les droits démocratiques et sociaux, les cliques capitalistes rivales, ancrées dans leur État national, visent l’éducation publique comme une ponction intolérable sur les profits.

L’attaque généralisée du gouvernement Ford contre les enseignants, les élèves et les familles qui dépendent des écoles publiques s’inscrit dans le cadre d’un programme ouvert de guerre des classes dirigé contre l’ensemble de la classe ouvrière. Depuis son arrivée au pouvoir en juin dernier, Ford a annulé une modeste augmentation du salaire minimum, éviscéré les normes du travail, sabré les prestations d’aide sociale et le Régime d’aide financière aux étudiantes et étudiants de l’Ontario (RAFEO), jeté les bases de vastes coupes dans les soins de santé et criminalisé une grève des chargés de cours de l’Université York.

Les compressions des conservateurs dans le domaine de l’éducation vont dévaster un système scolaire public déjà ébranlé par une décennie de budgets d’austérité mis en œuvre par les gouvernements libéraux soutenus par les syndicats de Dalton McGuinty et Kathleen Wynne.

En plus des compressions annoncées le 14 mars, le gouvernement a supprimé 200 millions de dollars dans les programmes destinés aux élèves ayant des besoins particuliers, y compris les troubles du spectre autistique (TSA), et supprimé 100 millions de dollars dans le financement des réparations des écoles, en dépit des préoccupations croissantes des parents au sujet des bâtiments scolaires moisis, délabrés et peu sûrs. Selon Fix Our Schools, un groupe de défense de la santé et de la sécurité dans les écoles dirigé par les parents, il y a un arriéré de réparation de 15,9 milliards de dollars pour les écoles de l’Ontario.

En réponse aux dernières compressions, les parents ont lancé une page Facebook intitulée «Ontario Families for Public Education» pour partager de l’information sur la façon dont la «réforme» des conservateurs affectera les conseils scolaires, les écoles, la taille des classes et les cours offerts aux élèves. Les parents et les enseignants utilisent la plateforme des médias sociaux pour discuter de l’impact négatif des coupures sur les élèves et les enseignants, exprimer leur indignation et faire la lumière sur les conditions de travail des enseignants.

Expliquant les difficultés rencontrées dans les classes comptant un grand nombre d’élèves, y compris ceux qui ont des besoins particuliers, un enseignant a commenté: «J’avais un élève atteint de TSA avec des besoins tellement élevés dans ma classe. Il était si gentil, mais tellement vocal. J’ai souvent dû arrêter mes leçons parce que la classe ne m’entendait pas. Rien de tel que de dire à 27 enfants de lire une leçon et d’apprendre par eux-mêmes, surtout quand on pense que sept de ces enfants avaient des habiletés en lecture sous leur niveau scolaire et que j’en avais quatre autres atteints du TDAH qui ne peuvent se concentrer et apprendre sans interaction.»

Un autre écrit: «En tant qu’enseignant avec près de 30 élèves, je ne peux pas soutenir adéquatement un élève autiste. Je suis très familier avec (la thérapie en analyse comportementale appliquée de) l’autisme et je sais ce que je devrais faire, mais je peux honnêtement dire qu’il est humainement impossible de répondre à de tels besoins quand vous êtes le seul adulte dans la salle.»

Les syndicats d’enseignants de l’Ontario ont saboté à maintes reprises l’opposition aux politiques d’austérité adoptées par les gouvernements néodémocrates, conservateurs et libéraux successifs des trois dernières décennies. Ils n’organisent maintenant une manifestation le 6 avril que dans le but de détourner le tollé public croissant contre les attaques visant l’éducation sous l’aile de leurs alliés du NPD et du Parti libéral afin de rendre ce mouvement inoffensif. Leur but est d’empêcher que l’opposition de masse de la classe ouvrière contre les compressions dans l’éducation ne devienne un catalyseur de la résistance des travailleurs à l’austérité, aux allégements fiscaux des entreprises, aux concessions et aux lois antigrève.

L’opposition des syndicats à la mobilisation de la force industrielle et politique de la classe ouvrière contre le gouvernement Ford et son assaut de guerre des classes est illustrée par l’appel de la Fédération du travail de l’Ontario pour que les travailleurs attendent les prochaines élections provinciales de 2022, où ils auront l’occasion de choisir un gouvernement «progressiste», c’est-à-dire un gouvernement composé de partis proaustérité et proguerre comme le NDP et le Parti libéral.

L’accès à une éducation publique de qualité est un droit social! Les enseignants de l’Ontario doivent mettre de l’avant leurs propres revendications en formant des comités de base indépendants des appareils syndicaux procapitalistes et de leurs bureaucrates bien rémunérés, et mener une lutte pour défendre l’éducation publique en tendant la main aux élèves, aux parents, à leurs communautés et à la classe ouvrière dans son ensemble, qui sont leurs alliés dans cette lutte.

En réponse à l’agression internationale de l’élite dirigeante contre l’éducation publique, ces comités doivent lutter pour mobiliser les enseignants, les élèves et leurs familles dans le cadre d’une contre-offensive ouvrière visant à garantir les droits sociaux de tous les travailleurs sur la base d’un programme socialiste.

(Article paru en anglais le 1er avril 2019)

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[20 mars 2019]

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