Le Parti travailliste endosse la diffamation de «viol» contre Julian Assange exigeant son extradition en Suède

Le Parti travailliste parlementaire britannique (PLP) est le fer de lance d'une chasse aux sorcières politique contre l'éditeur de WikiLeaks, Julian Assange, en le qualifiant de «violeur» qui doit être extradé en Suède. Pendant le weekend, Jeremy Corbyn, chef du Parti travailliste, a aidé cette sale campagne.

Plus d'une centaine de députés ont signé une lettre multipartite adressée au ministre de l’intérieur, le conservateur Sajid Javid, et à la travailliste Diane Abbott, ministre fantôme de l’intérieur, leur demandant de «soutenir énergétiquement des mesures qui permettront l'extradition de Julian Assange en Suède», où des allégations de violences sexuelles et de viol fabriquées de toutes pièces furent lancées en 2010.

Les députés blairistes du Parti travailliste Stella Creasy et Jess Phillips ont initié la lettre vendredi. La plupart des signataires sont des partisans blairistes, mais d’autres signataires incluent les députés du groupe indépendant Chuka Umunna, Luciana Berger et Anna Soubry; les députés conservateurs, libéraux démocrates et écossais; et plusieurs Lords travaillistes.

«A l'heure actuelle», se plaint cette cabale de droite, «l'attention des médias a été portée sur la décision prise par les autorités américaines de demander l'extradition». «Nous vous exhortons à vous solidariser avec les victimes de violences sexuelles et à faire en sorte que l’enquête visant M. Assange puisse maintenant être correctement menée à bien», demandent-ils.

C’est la réponse des blairistes à l’indignation générale du public face à l’enlèvement brutal d’Assange à l’ambassade équatorienne à Londres jeudi.

La police britannique a arrêté Assange après que l'Equateur avait illégalement mis fin à son asile politique, l’exposant à un chef d’accusation de piratage informatique porté par la justice américaine. C’est un déclencheur juridique pour effectuer l’extradition d’Assange aux États-Unis, où il sera question de chef d’inculpations supplémentaires en vertu de la loi de 1917 sur l’espionnage.

Une campagne orchestrée par l’État est en cours pour réorienter le discours politique en souillant Assange et en détournant l'attention du public de la grave menace pour les droits démocratiques que représente les procédures d’extradition américaine. C’est dans ce but que servent les fausses allégations de «viol» suédoises. L’extradition d’Assange vers les États-Unis peut être accélérée en vertu des accords de cession temporaire conclus entre la Suède et les États-Unis. Jeudi, Eva-Marie Persson, le substitut du procureur général suédois, a déclaré à Reuters qu'elle était en train réexaminer les allégations contre Assange.

Les manœuvres dans l’affaire suédoise ont été montrées d'une manière on ne peut plus clair. Samedi, la ministre fantôme travailliste aux Affaires étrangères, Emily Thornberry, a déclaré à BBC Radio 4 qu'elle était «écoeurée» du fait que la procédure d'extradition américaine ait été capable «d’éclipser» les allégations d'agression sexuelle formulées par les deux Suédoises contre Assange.

«Je pense que ce qui devrait se passer, c'est qu'il devrait être extradé vers la Suède et puis les Américains pourront ensuite présenter une nouvelle demande d'extradition à la Suède», a-t-elle suggéré.

La politique de genre est en train d'être manié pour des objectifs totalement impérialistes. Samedi, la une du Guardian a insisté dans son titre: «Donner la priorité à la victime du viol d'Assange, a déclaré Javid», associé à un article intitulé, «Si l’extradition d’Assange en Suède n’aboutissait pas, cela ferait la promotion de « la culture du viol», selon des groupes de femmes.»

Les éditoriaux de samedi dans le Guardian et Observer de dimanche ont appelé à l'extradition d'Assange vers la Suède, l'Observer combinant à la fois l’envie de vengeance et la calomnie a écrit : «Il n'est pas difficile de mépriser Julian Assange. Pendant sept ans, il a tenté d'éviter les accusations de viol et d'agression sexuelle en Suède en demandant l'asile à l'ambassade d'Équateur à Londres… Son excuse pour avoir refusé de comparaître devant un tribunal en Suède, à savoir qu'il serait alors confronté à une extradition vers les États-Unis, a toujours été de la foutaise.»

En fait, les avertissements d'Assange et de son équipe juridique concernant l'extradition aux États-Unis - longtemps dénoncés comme des «théories du complot» - ont été confirmés. En 2012, l'Équateur accorda l'asile politique à Assange en raison de ses craintes «bien fondées» de persécution par les gouvernements américain, britannique et australien, après la révélation d'une inculpation secrète d’un Grand Jury à l’encontre de l'éditeur de WikiLeaks. En ce qui concerne les allégations de «viol», Assange proposa de se rendre en Suède si les autorités garantissaient leur opposition à une extradition ultérieure vers les États-Unis. Il invita les procureurs suédois à l'ambassade d'Équateur afin qu'il puisse se blanchir de tout soupçon, mais ces propositions furent rejetées.

Les procureurs suédois ont abandonné les enquêtes préliminaires sur les allégations de «viol» et de «molestation» dès août 2010, concluant qu'aucun «crime du tout» n'avait été commis. L'enquête n'a été relancée que pour des raisons politiques. «C’est la police qui a constitué les accusations», écrit l’une des femmes dans un message texto. Les accusatrices d'Assange ont admis qu'elles avaient eu des relations sexuelles consenties avec lui, pour ensuite s'en vanter devant des amis. Anna Ardin, qui s’occupait des «maisons sûres» d'Assange en Suède - dont l'un était son appartement - était employée par des politiciens bien en vue du parti social-démocrate. Ce fut Ardin qui présenta Assange à sa co-accusatrice, Sofia Wilen. La visite d'Assange en Suède se déroula sur fond d'une intrigue américaine grandissante après la publication des fuites sur la guerre en Irak et en Afghanistan.

Le Parti travailliste joue un rôle clé dans l’isolement d’Assange. Lorsque la Première ministre conservatrice, Theresa May, a annoncé jeudi son arrestation sous les applaudissements des députés conservateurs et travaillistes, Corbyn s'est tu. Plus tard, lorsque Sajid Javid a officiellement déclaré l'arrestation et les accusations portées contre lui, il a quitté la Chambre, laissant Abbott s'exprimer au nom de son parti. «C’est les révélations des guerres illégales; des meurtres de masse, de civils et la corruption à grande échelle qui ont placé Julian Assange dans le collimateur de l'administration américaine», a-t-elle déclaré.

Le discours d'Abbott a été accueilli favorablement par les partisans de WikiLeaks, mais un tweet plus tard dans la journée a clairement révélé le caractère fourbe de son soutien: «On ne devrait pas ignorer le fait qu’Assange ait abusé de sa liberté conditionnelle, ni l’existence d’accusations de viol qui pourraient être portées contre lui par les autorités suédoises», a-t-elle écrit. Le discours d'Abbott au parlement avait été rédigé avec soin, précisant que toute demande d'extradition de la part des États-Unis était «maintenant entre les mains des tribunaux britanniques» et exprimait la «plus grande confiance de Parti travailliste en le système juridique britannique». Elle ne s'est nullement engagée à ce qu'un futur gouvernement travailliste bloquerait l'extradition d'Assange aux États-Unis.

Néanmoins, sa déclaration a rencontré une opposition furieuse, et la députée travailliste Diana Johnson a déclaré au Parlement: «Je crains qu'un homme soupçonné de viol, ce qui est en réalité le cas dans cette affaire, ait été capable de faire ce qu'il a fait pendant plusieurs années pour échapper à la justice», (notre italique).

Quelques heures plus tard, les principaux blairistes, dont Phillips, Creasy et Stephen Kinnock, avaient entamé leur contre-attaque, avec la lettre multipartite de vendredi et une attaque en règle des médias avec Kinnock et d'autres va-t-en guerre dénonçant Assange.

Ensuite est intervenu l’entretien de Corbyn avec la chaîne de télévision ITV dans laquelle il a déclaré que la possible extradition d'Assange vers les États-Unis était «l'affaire des tribunaux britanniques», avant de souligner qu'une «affaire suédoise abandonnée en 2017… va probablement maintenant être ressuscitée, et dans ce cas il devra évidemment répondre à ces questions et à ces demandes concernant les accusations portées contre lui par les Suédois. Il ne peut se dérober à ce genre d'accusations » (notre italique).

Dimanche matin, Christine, la mère de Julian Assange, a répondu en tweetant: «Paroles sournoises de #Corbyn! NON à l'extradition britannique / américaine mais OUI à l'extradition recyclée du Royaume-Uni / Suède! Il sait très bien que le dossier suédois (pas d’inculpation) était un coup monté politique! Le traité bilatéral Suède / Royaume-Uni permet la restitution accélérée aux États-Unis en vertu du traité de cession temporaire!»

Corbyn sait parfaitement que les allégations suédoises et la procédure d'extradition n'ont été qu'un pas vers l'extradition des États-Unis. En juillet 2015, quelques mois à peine avant de devenir chef du parti, il a expliqué au New Statesman qu'Assange s'était «rendu à l'ambassade parce qu'il avait eu le sentiment que s'il était ramené en Suède, il serait emmené de force aux États-Unis». Il sait qu'Assange a été pris pour cible pour avoir dénoncé avec courage des crimes de guerre et des complots d'État contre le public, mais il refuse de d’affronter les blairistes sur quoi que ce soit, préférant plutôt recycler leurs menaces contre Assange.

Des conclusions politiques doivent être tirées. Si Corbyn avait lancé un appel cette semaine à des manifestations de masse pour la défense d’Assange, des dizaines de milliers de personnes auraient été mobilisées et les blairistes et leurs partisans auraient été démasqués comme une cabale isolée. Ce ne sont pas principalement les blairistes que craint Corbyn. Son souci primordial est d'empêcher l'intervention indépendante sur le devant scène de la classe ouvrière. C’est vers cette force sociale que tous les défenseurs de Julian Assange et des droits démocratiques doivent se tourner d’urgence.

(Article paru en anglais le 15 avril 2019)

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