Québec: Alcoa lance un ultimatum aux travailleurs d’ABI en lock-out

Alcoa a lancé un ultimatum aux milliers de travailleurs de l'aluminerie ABI de Bécancour, au Québec, qu'elle a mis en lock-out il y a 18 mois après avoir rejeté ses vastes demandes de concession.

La transnationale basée à Pittsburgh a donné aux travailleurs jusqu'au vendredi 5 juillet pour qu’ils capitulent à sa demande d'un contrat rempli de concession, d’une durée de six ans. S’ils refusent, toutes les activités de l'usine seront interrompues.

Les représentants de la compagnie proclament haut et fort que la fermeture de la dernière des trois séries de cuves de l'usine «compliquerait et prolongerait grandement» toute reprise future de la production à ABI.

Alcoa et Rio Tinto-Alcan, qui détient 25 % dans la coentreprise ABI, s'engagent donc à mettre indéfiniment en veilleuse l'usine d'électrolyse et, tentant d'intimider les travailleurs en lock-out, dans des conditions de concurrence mondiale acharnée dans l'industrie de l'aluminium, fait brandir implicitement la menace qu’ABI ne rouvre peut-être jamais.

«Nous sommes à la croisée des chemins», a déclaré mercredi dernier le président d'Alcoa Canada, Jean-François Cyr, après une brève rencontre avec des représentants des Métallos. «C'est une dernière tentative.»

L'«offre de contrat final» de l'entreprise ne diffère que légèrement de celle que les travailleurs ont massivement rejetée lors d'un vote au scrutin secret en mars, après quatorze mois de lock-out.

Le régime de retraite à prestations déterminées serait arrêté et remplacé par un régime à cotisations déterminées en vertu duquel les travailleurs assumeraient tous les risques financiers. La seule modification par rapport à l'offre de mars de l'entreprise est qu'Alcoa/ABI dit maintenant qu'elle ajoutera 8 millions de dollars au régime de retraite existant avant de le fermer.

La direction continue également d'insister sur l'élimination de plus de 100 emplois et sur des changements radicaux aux règles et à l’organisation du travail, afin d'accélérer la production et d’augmenter considérablement le rendement par travailleur. Selon ABI, ces changements lui permettraient de dépasser les niveaux de production antérieurs au lock-out.

L'entreprise exige également une plus grande «liberté» de sous-traitance, bien qu'elle prétende que par rapport à son offre de mars, la clause de sous-traitance dans son «offre finale» est moins favorable à la direction.

Le gouvernement nationaliste québécois de droite de la Coalition Avenir Québec (CAQ) s'est encore une fois rallié au soutien d'Alcoa/ABI. Alors même qu'il prétendait ne pas vouloir exercer de «pression indue» sur les travailleurs, le ministre du Travail du Québec, Jean Boulet, a amplifié les menaces de chantage de l'entreprise. «Si l'offre (de la direction) est refusée, je crains que ce différend ne se poursuive encore longtemps», a déclaré Boulet. Il a ensuite menti sans vergogne en affirmant que l'offre contractuelle de l'ABI, remplie de concessions, contenait des «avancées intéressantes» pour les travailleurs et louait la volonté de «compromis» de l'entreprise.

Le premier ministre du Québec, François Legault, a à maintes reprises intimidé les travailleurs de l'ABI en lock-out. Dans des déclarations publiques et sur Twitter, l'ancien PDG d'Air Transat a dénoncé les travailleurs de ABI pour leurs salaires «trop élevés» - bien que même Alcoa n'ait pas proposé de réductions salariales - et pour leurs revendications «excessives» - bien que toutes les revendications aient été formulées par la direction au cours du conflit.

La presse soutient également la campagne d'intimidation de l'entreprise. Le journal local de Trois-Rivières, Le Nouvelliste, a publié une «Lettre ouverte aux travailleurs syndiqués d’ABI» de Raymond Bachand, qui était le ministre des Finances du Québec dans les dernières années du gouvernement libéral Charest, dans laquelle il soulignait la menace implicite de la direction de fermer l'usine si les travailleurs continuent de résister à ses demandes de concession. «L’intérêt de tout le Québec passe par la continuité des activités d’ABI», a déclaré Bachand.

Dans sa «lettre ouverte», Bachand a fait l'éloge du rôle des syndicats, soulignant sa propre collaboration étroite avec la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et les Métallos, alors qu'il a été chef de la direction du Fonds de capital de risque de la FTQ, qui représente plusieurs milliards de dollars.

Le Syndicat des Métallos a refusé de faire des commentaires publics sur l'ultimatum d'Alcoa, sans parler d’appeler à le rejeter catégoriquement et à faire appel aux travailleurs du Québec, du Canada et de l'étranger pour qu’ils se portent à la défense des travailleurs d'ABI.

Un tel appel recueillerait un large soutien, à commencer par les 5.000 travailleurs des usines d'Alcoa et d'Arconic (détenu per Alcoa) aux États-Unis qui ont voté en faveur d'une grève contre des demandes de concessions similaires.

Au lieu de cela, comme en mars, le syndicat a l'intention de révéler sa position uniquement lorsque les travailleurs se réuniront mardi pour voter sur l'«offre finale» de l'entreprise.

Cela donne à l'entreprise et aux médias capitalistes toute la latitude pour monter leur campagne d'intimidation, tout en plaçant les travailleurs dans la position la plus difficile pour formuler leur réponse.

Cet acte de sabotage est tout à fait conforme à la conduite des dirigeants des Métallos au Québec, au Canada et à Pittsburgh, ainsi qu'à celle de la section locale 9700 des Métallos depuis le début du lock-out des travailleurs d’ABI le 9 janvier 2018.

Le Syndicat des Métallos a systématiquement isolé la lutte courageuse des travailleurs d’ABI contre les concessions, laissant les travailleurs d’ABI combattre seuls les géants de l'aluminium Alcoa et Rio Tinto.

Le syndicat a déclaré à maintes reprises qu'il était prêt à faire d'importantes concessions, notamment en acceptant la suppression progressive du régime de retraite à prestations déterminées existant et les réductions d'emplois.

Totalement opposés à l'idée de faire de la lutte des travailleurs d’ABI le fer de lance d'une contre-offensive plus large de la classe ouvrière contre toutes les concessions, les suppressions d'emplois et l'austérité capitaliste, les Métallos et la FTQ ont toujours cherché à détourner les énergies des travailleurs en lock-out vers des appels futiles et réactionnaires aux actionnaires d'Alcoa ainsi qu’aux politiciens et au gouvernement québécois, tous redevables envers la grande entreprise.

Pendant des mois, les Métallos ont prétendu que Legault et sa CAQ pouvaient être persuadés d'intervenir au nom des travailleurs, bien que le CAQ soit connu pour son appui à la privatisation, à l'austérité et aux réductions d'impôt des entreprise. Invariablement, lorsque Legault est intervenu, c'était pour soutenir Alcoa dans sa campagne de concessions.

Cette débâcle, cependant, n'a pas entraîné le moindre changement dans la stratégie du syndicat, comme en témoigne le refus manifeste des Métallos de lier la lutte des travailleurs d’ABI à celle des travailleurs d'Alcoa et d’Arconic.

La presse prétend que le Syndicat des Métallos demandera le rejet de l' «offre finale» provocatrice d'Alcoa, remplie de concessions, lors de la réunion des membres de la section locale 9700 d'aujourd'hui. Même si cela s'avère vrai, les travailleurs d’ABI doivent agir immédiatement pour arracher la direction de leur lutte aux mains de l'appareil syndical pro-capitaliste.

Défenseurs de la subordination des droits des travailleurs aux profits des grandes entreprises et opposants à toute contestation du «droit» de la direction de cesser la production et de fermer les usines à volonté, les Métallos ne mèneront aucune lutte contre Alcoa/ABI si celle-ci menace de fermer définitivement l'usine de Bécancour.

Les travailleurs d’ABI devraient former un comité d'action de la base afin de briser la camisole de force que les Métallos ont érigée autour de leur lutte, joindre leurs forces à celles des travailleurs américains d'Alcoa-Arconic et d'autres travailleurs au Canada et partout dans le monde dans une lutte commune contre les patrons de l'aluminium. Ils doivent lutter pour le développement d'une contre-offensive de la classe ouvrière contre les attaques des grandes entreprises et de leurs complices dans l’establishment politique contre les droits et emplois des travailleurs.

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