Les partis du patronat responsables d’une catastrophe sociale dans les États-Unis du 21e siècle

Le deuxième débat du Parti démocrate, qui s'est tenu mardi et mercredi derniers à Detroit, a mis en vedette les quatre «favoris» – l'ancien vice-président Joe Biden et les sénateurs Kamala Harris, Elizabeth Warren et Bernie Sanders – et 16 autres, se livrant à la combinaison habituelle de démagogie et de mensonges.

Le contenu du débat pourrait être divisé en trois catégories: (1) promesses faites qu'aucun des 20 ne tiendra jamais, (2) se reprocher mutuellement leurs politiques de droite, et (3) décrire les politiques de droite qu'ils ont défendues comme étant progressistes.

Tout débat sérieux sur la catastrophe sociale sans précédent qui frappe les États-Unis du XXIe siècle et dont les deux partis sont responsables a été écarté de la scène du débat: la chute du niveau de vie de la classe ouvrière, la baisse des indicateurs de santé, l’assaut contre les immigrants, les assassinats policiers, l'incarcération de masse, la poursuite de guerres sans fin dans le monde.

Ces omissions sont intentionnelles: les démocrates n'ont pas plus l'intention que les républicains d'aborder les questions sociales brûlantes auxquelles la classe ouvrière est confrontée. Quelle est la situation horrible qu'ils cherchent à camoufler et à aggraver pour les travailleurs et leurs familles ?

Inégalité sociale

La richesse de l'élite dirigeante atteint de nouveaux sommets. Jeff Bezos d'Amazon a la valeur nette la plus élevée au monde: 131,4 milliards de dollars. Le revenu annuel moyen des ménages américains se situant dans la tranche supérieure du 1 % s'élève à environ 1,8 million de dollars, tandis que le revenu moyen du cinquième inférieur des ménages est d'un maigre 21.000 $. La richesse moyenne des 10 personnes ayant la valeur nette la plus élevée est de 222.530 fois le revenu annuel d'un travailleur gagnant un «salaire de subsistance» de 15 $, qui travaille 40 heures par semaine.

Il y a environ 40 millions de personnes qui vivent dans la pauvreté, sur la base du seuil de pauvreté officiel absurde de 25.000 $ pour une famille de quatre personnes. Cela comprend 15 millions d'enfants. Tout en luttant pour payer le logement, le transport, la nourriture et d'autres nécessités, 40 pour cent des Américains disent qu'ils auraient de la difficulté à trouver 400 $ pour une dépense imprévue, comme une facture médicale.

Les familles de travailleurs se noient dans l'endettement, y compris pour les paiements de carte de crédit. La dette des étudiants a atteint un montant astronomique de 1,5 billion de dollars l'an dernier, tandis que les dettes automobiles ont augmenté de près de 40 % au cours de la dernière décennie, pour atteindre 1,3 billion de dollars, en tenant compte de l'inflation. La dette des ménages a augmenté de près de 9 billions de dollars entre 1989 et 2018, dont 74 pour cent de la dette revient au 90 pour cent des ménages les plus pauvres, selon la valeur nette.

Baisse de l'espérance de vie et «décès dus au désespoir»

L'espérance de vie, un indicateur clé du bien-être d'une société, a diminué au cours des trois dernières années. «Les décès par désespoir – décès prématurés dus au suicide, à l'abus d'alcool ou à une surdose de drogues – continuent d'augmenter dans presque tous les États. Selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC), en 2017, il y a eu plus de 70.000 décès dus à des surdoses de drogues, dont plus de 47.000 dus aux opioïdes.

Paradoxalement, le coût élevé et/ou le manque de soins de santé contribuent à la détérioration de la santé des Américains, la santé étant subordonnée au profit de l'industrie des soins de santé. Fin 2018, 30 millions d'adultes n'étaient toujours pas assurés; 44 pour cent de la population étaient assurés, mais étaient considérés comme «sous-assurés» en raison des coûts élevés.

Détérioration des conditions de travail

Les salaires sont restés fondamentalement stagnants au cours des deux dernières décennies. Au cours de la dernière année, les salaires horaires moyens n'ont augmenté que d'environ 3,2 %, ce qui, compte tenu de l'inflation, ne représente qu'une hausse de 1 %. En juillet, le nombre moyen d'heures hebdomadaires a légèrement baissé à 34,3, car un nombre croissant de travailleurs sont contraints de travailler à temps partiel contre leur gré.

Les fermetures d'usines frappent de plein fouet l'industrie automobile à l'approche de l'expiration des contrats des travailleurs de General Motors, Ford et Fiat-Chrysler. Tandis que le débat prenait place à Detroit, GM a fermé son usine de transmission de 78 ans à Warren, au Michigan. L'usine est l'une des cinq en Amérique du Nord dont la fermeture est prévue d'ici le début de 2020, pour un coût total de 14.000 emplois de production et cols blancs.

L'abattoir industriel américain a coûté la vie à 5147 travailleurs en 2017. Des travailleurs sont tués tous les jours dans des usines de fabrication, des aciéries, sur la route, dans la construction, dans la vente au détail et d'autres industries de services, et dans une myriade d'autres professions.

Les surdoses accidentelles d'alcool ou de drogues à des fins non médicales au travail sont passées de 210 en 2016 à 272 en 2017, la cinquième année consécutive au cours de laquelle les décès par surdose non intentionnelle au travail ont augmenté d'au moins 25 %. De plus en plus, les travailleurs apportent leurs problèmes personnels, en particulier leurs problèmes financiers, au travail sous forme d'abus de drogues et d'alcool, ce qui a des conséquences mortelles.

Violence «faite aux États-Unis»

Il y a eu un nombre stupéfiant de 39.773 décès par balle en 2017 aux États-Unis, soit plus de 1000 de plus que l'année précédente. Il s'agit du total annuel le plus élevé jamais enregistré dans la base de données électronique de la CDC, qui remonte à 50 ans. Près des deux tiers de ces décès étaient des suicides; 37 pour cent étaient des homicides.

Selon le Washington Post, 519 personnes ont été tuées dans des fusillades policières jusqu'à présent en 2019; 992 ont été tuées en 2018.

Le système carcéral américain compte près de 2,3 millions de personnes, soit le plus grand nombre et le taux d'incarcération le plus élevé de tous les pays jamais enregistrés. Le goulag américain comprend 1719 prisons d'État, 109 prisons fédérales, 1772 établissements correctionnels pour mineurs, 3163 prisons municipales et 80 prisons autochtones, ainsi que des prisons militaires, des centres de détention pour immigrants, des centres d'engagement civil, des hôpitaux psychiatriques publics et des prisons sur le territoire américain.

Environ une personne sur 143 en Amérique est incarcérée. Deux-mille-cinq-cents personnes languissent dans les couloirs de la mort à travers le pays. Malgré l'opposition populaire croissante à la peine capitale, celle-ci est toujours pratiquée. Depuis 1973, 1500 personnes ont été envoyées à la mort; 25 ont été exécutées dans cinq États en 2018.

La guerre aux immigrants

En ce moment, 40.000 immigrants sont incarcérés aux États-Unis. L'Immigration and Customs Enforcement (ICE) admet que la moitié des personnes emprisonnées ne constituent pas une menace criminelle et que 35 % sont détenues pour des contraventions et autres infractions minimes. Les plaintes les plus importantes des immigrants en détention sont liées à des soins médicaux de qualité inférieure ou à l'absence de soins médicaux, à une mauvaise alimentation et à une détention prolongée.

Depuis 2018, l'administration Trump a procédé à 2300 séparations d'enfants de leurs parents. Les enfants et les familles ont été mis en cage, détenus sous des passages routiers et sous des tentes, et exposés à la chaleur. Des enfants et des adultes ont été contraints de dormir à même le sol et se sont vu refuser l'accès à des installations sanitaires et à des douches adéquates.

Depuis l'année dernière, trois enfants guatémaltèques détenus par les États-Unis sont morts de la grippe et de ses complications. En raison de l'absence de soins de santé systématiques, on a constaté que les immigrants souffrent de tuberculose, de pneumonie, de gale, de poux, d'oreillons et d'autres maladies transmissibles évitables.

Plus tôt cette année, l'administration Trump a menacé de rassembler quelque 2000 immigrants. Bien que ces chiffres ne se soient pas encore matérialisés, l'objectif a été de terroriser la population. La menace a suscité l'opposition de larges couches de la population et des manifestations se sont déroulées dans les villes à travers le pays et à l'échelle internationale. Le mois dernier, un quartier ouvrier de Nashville s'est mobilisé pour empêcher qu’un homme et son fils soient saisis et expulsés par l’ICE.

Un gouvernement de guerre, de violence et d'austérité

Les indices de crise sociale détaillés ci-dessus sont une condamnation, non seulement de l'administration Trump, mais du Parti démocrate. Dans le sillage du débat démocrate de la semaine dernière, les médias qui soutiennent le Parti démocrate et les partisans d'Obama ont réagi aux attaques lancées contre son gouvernement au cours du débat.

Ils craignent que dans les critiques hypocrites d'Obama, on en dise plus que ce qui avait été prévu. La réalité fondamentale est que les politiques de l'administration Trump ont été préparées par son prédécesseur, et que les démocrates fonctionnent actuellement en tant que facilitateurs de Trump.

Le Sénat américain, avec l'appui écrasant des démocrates, vient d'adopter un budget pour l'exercice financier commençant le 1er octobre qui comprend un montant record de 738 milliards de dollars pour l'armée et 638 milliards de dollars pour tout le reste, un écart de plus de 100 milliards de dollars entre les deux. La Chambre a adopté le projet de loi plus tôt, également avec l'appui des démocrates.

Toute action contre l'état déplorable de la société américaine ne passera pas par les manœuvres de l'un ou l'autre des partis de la grande entreprise. Tous deux soutiennent l'exploitation des masses de travailleurs par une minuscule minorité de millionnaires.

L’immense crise sociale aux États-Unis – répétée sous différentes formes à l'échelle internationale – ne peut être abordée sans une transformation fondamentale des relations sociales et économiques. La richesse inimaginable de l'élite dirigeante doit être expropriée et les banques et sociétés géantes transformées en services publics. Le détournement sans fin des ressources vers la guerre et le pillage doit être réorienté pour répondre aux besoins sociaux de base.

La catastrophe sociale en Amérique est un produit du capitalisme. Elle doit être renversée par la révolution socialiste.

(Article paru en anglais le 3 août 2019)

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