Trump parle de possibilité de «guerre civile» alors que les démocrates intensifient leur campagne de destitution

Le président Donald Trump, dans une menace implicite de violence contre ses opposants politiques, a laissé entendre dimanche soir que les efforts des démocrates pour le démettre de ses fonctions pourraient précipiter le pays dans une «guerre civile». Son allusion est survenue après que les démocrates aient intensifié leur campagne de destitution en délivrant une assignation à comparaître à son avocat personnel, Rudolph Giuliani, et qu’ils aient convoqué plusieurs fonctionnaires de l’administration pour interrogation par le Comité de renseignement de la Chambre.

Dans un tweet, Trump a cité la déclaration du télévangéliste Robert Jeffress selon laquelle «Si les démocrates réussissent à démettre le président de ses fonctions (ce qui n’arrivera jamais), cela entraînera une fracture digne de la guerre de sécession dont notre pays ne guérira jamais.»

Lundi matin, Trump a abordé l’arrestation du représentant démocrate Adam Schiff, le président du Comité du renseignement de la Chambre, et l’a accusé de trahison.

«Le représentant Adam Schiff a illégalement fait une FAUSSE et terrible déclaration en prétendant qu’elle provenait de moi et qu’il s’agissait de la partie la plus importante de mon appel au président ukrainien, et l’a lu à voix haute au Congrès et devant le peuple américain. Cela n’avait AUCUN rapport avec ce que j’ai dit pendant l’appel. Arrestation pour trahison?»

En faisant allusion à une possibilité de guerre civile, Trump envoie un message clair. Il pourrait ne pas renoncer volontairement à son poste s’il venait à être destitué par la Chambre sous contrôle démocrate et condamné par le Sénat sous contrôle républicain. Le spéculateur immobilier milliardaire new-yorkais et personnalité de la télé-réalité fait ainsi ce qu’il a toujours fait face à une crise, qu’il s’agisse d’une faillite ou d’une ruine politique: il monte la mise.

Les déclarations incendiaires de Trump, dimanche et lundi, font suite à sa dénonciation, samedi, de quatre femmes issues de minorités – Alexandria Ocasio-Cortez, Ilhan Omar, Rashida Tlaib et Ayanna Pressley – et de deux présidents de comités de la Chambre des représentants d’origine juive – Schiff et Jerrold Nadler – comme étant des «sauvages». Vendredi, Trump a rencontré Wayne LaPierre, directeur général de la National Rifle Association (NRA). Selon le New York Times, Trump a demandé au chef d’extrême droite de la NRA s’il «pouvait apporter son soutien au président qui risque la destitution».

La semaine précédente, Trump a prononcé un discours avec des relents de fascisme devant l’Assemblée générale des Nations Unies, lançant des mises en garde que les «mondialistes» voulaient «remplacer» l’identité nationale et diffamant «le socialisme et le communisme» pour avoir prétendument tué plus de 100 millions de personnes.

Les démocrates, pour leur part, ont intensifié leurs efforts pour mettre la Maison-Blanche au pas.

Lundi, les démocrates du Congrès ont publié une citation à comparaître exigeant que Rudolph Giuliani, l’avocat personnel de Trump, et trois de ses associés leur communiquent diverses communications et autres documents concernant l’Ukraine.

Les principaux journaux américains ont publié de nouvelles informations provenant de sources anonymes au sein de l’administration. Le Wall Street Journal a rapporté que «le secrétaire d’État Mike Pompeo faisait partie des fonctionnaires de l’administration qui ont entendu l’appel téléphonique du 25 juillet entre le président Trump et le président de l’Ukraine.»

Le New York Times a rapporté, sur la base de déclarations de fonctionnaires anonymes, que «le président Trump a incité le premier ministre australien lors d’un récent appel téléphonique, à aider le procureur général William P. Barr à recueillir des informations pour une enquête du ministère de la Justice qui, M. Trump espère, discréditera l’enquête Mueller.»

Le leader de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, a confirmé lundi que le Sénat tiendra un procès, comme l’exige la Constitution, si la Chambre venait à voter pour destituer Trump, une éventualité bien possible. «Je n’aurais pas d’autre choix que de donner suite», a-t-il dit à CNBC, ajoutant que «savoir combien de temps cela prendrait, c’est là une autre affaire. Mais je n’aurais pas d’autre choix que de donner suite sur la base d’une décision de destitution venant du Sénat.»

L’invocation par Trump d’une possibilité de «guerre civile» et ses appels de plus en plus ouverts à la violence témoignent de l’effondrement des formes démocratiques de gouvernement aux États-Unis. Sous la pression de l’aggravation des inégalités sociales, de décennies de guerre et de l’énorme croissance de l’État de «sécurité nationale», le système politique créé pour arbitrer les conflits sociaux aux États-Unis au moyen de l’ordre constitutionnel est en train de s’effondrer.

Dans le conflit entre Trump et ses détracteurs de la classe dirigeante, il n’y a pas de côté progressiste ou démocratique. Les divisions au sein de l’État sont motivées avant tout par la politique étrangère. Plus particulièrement, des sections dominantes dans l’appareil d’État, comprenant tant des républicains que des démocrates, s’inquiètent du fait que Trump n’a pas adopté une approche suffisamment conflictuelle avec la Russie et que sa géopolitique nationaliste et ses intérêts politiques personnels vont à l’encontre des intérêts de l’impérialisme américain.

La campagne des démocrates est menée par de puissantes sections des agences de renseignement. Elle a commencé à la suite d’une fuite d’un agent de la CIA à la Maison-Blanche. Cette action de la direction du Parti démocrate vers la destitution ne survient qu’après que des représentants démocrates issus des milieux militaires et du renseignement aient déclaré leur soutien à une telle action.

La campagne de destitution survient également après l’éviction du conseiller de Trump en matière de sécurité nationale, le fauteur de guerre enragé John Bolton, qui était déjà en conflit avec Giuliani. Lundi, l’hebdomadaire The Hill a rapporté que Bolton n’était pas d’accord à ce que Trump appelle le président ukrainien.

Alors que Trump parle d’une possibilité de «guerre civile» dans laquelle ses partisans fascistes pourraient être mobilisés contre ses opposants au sein de l’État, ce que toutes les factions de la classe dirigeante craignent par-dessus tout, c’est une véritable mobilisation de la population ouvrière contre Trump et le système capitaliste dont il est un produit.

C’est pour cela que les démocrates excluent de fonder leur enquête de destitution sur quoi que ce soit d’autre que les efforts de Trump pour faire appel à l’«ingérence étrangère». Le New York Times, confirmant bien la portée de l’enquête de destitution des démocrates, a déclaré que Trump avait le «droit absolu» de poursuivre les politiques qu’il veut en matière «d’environnement, d’immigration, de taxation, de commerce et autres questions».

(Article paru en anglais le 1er octobre 2019)

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