Des dizaines de Palestiniens tués lors des frappes israéliennes sur Gaza

Au moins 26 Palestiniens avaient été tués mercredi soir et 71 autres blessés, dont 30 enfants, alors que les frappes aériennes israéliennes contre l'enclave côtière de Gaza, surpeuplée et appauvrie, se poursuivaient pour un deuxième jour.

Les violences ont commencé tôt mardi matin avec l'assassinat ciblé de Bhaa Abu al-Ata, un commandant du groupe palestinien djihad islamique dont la maison de Gaza a été frappée par un missile qui a également tué sa femme et blessé deux de ses enfants.

Une deuxième frappe aérienne, que les autorités israéliennes ont refusé de reconnaître, a frappé le domicile d'un dirigeant du Djihad islamique dans une région de Damas, en Syrie, qui comprend un certain nombre d'ambassades étrangères et qui avait été auparavant considérée comme interdite pour de telles attaques. Le missile a raté sa cible et a tué son fils et plusieurs autres personnes.

Des personnes en deuil portent les corps de Rafat Ayyad et de ses enfants, Islam et Amie, qui ont été tués dans une attaque aérienne israélienne, lors de leurs funérailles dans la ville de Gaza mercredi (AP Photo/Andrew Harnik)

La dangereuse agression israélienne a provoqué le tir de centaines de roquettes depuis Gaza, qui ont pratiquement toutes été interceptées ou n'ont causé que peu de dégâts et aucune victime.

L'assassinat ciblé a provoqué l'indignation populaire à Gaza, des milliers de personnes s'étant rassemblées pour les funérailles d'Abou al-Ata, une effusion qui a éclipsé le niveau de soutien au Djihad islamique. L'appui aux tirs de roquettes sur Israël s'est également accru avec chaque frappe aérienne et barrage d'artillerie israéliens. Selon les médias de Gaza, Israël a mené au moins 50 frappes aériennes et 20 attaques d'artillerie mardi et mercredi.

Parmi les victimes de ce que les Forces de défense israéliennes (FDI) qualifient de frappes «chirurgicales», il y a un agriculteur de 54 ans, Raffat Mohammad Ayyad, et son fils de sept ans, Amir, qui revenaient des champs en moto lorsqu'ils se sont arrêtés pour saluer son fils aîné Islam, 24 ans, devant leur maison. Tous les trois ont été déchiquetés par un missile israélien.

Des corps et des blessés palestiniens ont été transportés d'urgence par ambulances et taxis vers les hôpitaux de Quds et Shifa, où des foules de proches se sont rassemblées, pleurant et hurlant, a rapporté Middle East Eye.

Parmi les blessés se trouvait une fillette de huit ans dans un état critique qui avait perdu connaissance. Les médecins ont dit qu'ils traitaient des patients souffrant de brûlures graves sur une grande partie de leur corps ainsi que de blessures graves et de fractures ouvertes.

Cet affrontement est le plus grave depuis mai dernier, lorsque les frappes aériennes israéliennes ont coûté la vie à 27 Palestiniens, dont deux femmes enceintes et trois enfants. Cent-cinquante-quatre autres personnes ont été blessées. Quatre civils israéliens ont également perdu la vie à la suite de tirs de roquettes depuis Gaza, les premières victimes de ce type depuis la guerre israélienne de 2014 contre Gaza, qui a fait quelque 2300 morts et plus de 10.000 blessés parmi les Palestiniens, tout en laissant en ruines une grande partie des infrastructures du territoire occupé. Soixante-sept soldats et cinq civils israéliens ont péri dans le conflit.

Les flambées de violence continuelles sont le sous-produit inévitable du siège israélien de Gaza, qui dure depuis près de 13 ans, un acte de punition collective de masse, interdit par le droit international, qui a fait de l'enclave une prison en plein air pour ses deux millions d'habitants. La plupart d'entre eux sont privés des biens de première nécessité de la vie quotidienne, y compris l'eau potable, la collecte des ordures et l'électricité, tandis que plus de la moitié de la population est au chômage et que la majorité vit dans la pauvreté. La situation n'a fait qu'empirer après que Washington a coupé toute aide américaine aux Palestiniens par le biais de son financement de l'Agence de secours et de réhabilitation des Nations unies (UNRRA).

Reste à savoir si le conflit actuel va dégénérer en une nouvelle guerre généralisée ou s'il va s'apaiser. Selon certaines informations, des efforts sont déployés entre le Hamas, le mouvement islamiste qui dirige Gaza, les services de renseignement militaire égyptiens et Israël pour négocier une sorte de cessez-le-feu.

En même temps, les dirigeants du Hamas répugnent à être perçus par la population de Gaza comme des larbins d'Israël, craignant d'alimenter l'opposition parmi une population qui proteste contre les mesures d'austérité interne et a montré sa volonté d'affronter les conséquences mortelles de la résistance à la répression israélienne.

Vendredi dernier, lors d'une autre manifestation hebdomadaire dite la Grande marche du retour, 31 autres Palestiniens ont été blessés par des balles réelles et des balles en caoutchouc tirées par des soldats israéliens à la palissade qui sépare Gaza d'Israël. Depuis le commencement des manifestations en mars de l'année dernière exigeant le droit des Palestiniens de retourner dans les foyers d'où ils ont été chassés en 1948-1949 et 1967, et la levée du siège illégal de Gaza par Israël, plus de 310 Palestiniens ont été tués et 18.500 autres blessés par les forces israéliennes. Un grand nombre de blessés sont handicapés à vie.

La dernière attaque contre Gaza est devenue un facteur important dans la crise politique prolongée en Israël même, où deux élections en l'espace de cinq mois n'ont pas réussi à former un gouvernement viable.

Lors d'une conférence de presse mardi annonçant l'assassinat ciblé d'Abou al-Ata, le Premier ministre Benjamin Nétanyahou a affirmé que le commandant du Djihad islamique était une «bombe à retardement», qui se préparait à mener des attaques contre Israël.

Beaucoup en Israël, cependant, s'interrogeaient sur le moment politique de l'assassinat, même si Nétanyahou, soutenu par ses chefs de la défense et du renseignement, prétendait qu'il avait été déterminé par des considérations «opérationnelles».

Une attaque de missiles antérieure attribuée à Abou al-Ata avait chassé Nétanyahou de la scène lors d'un rassemblement électoral dans la ville portuaire d'Ashdod, au sud du pays, à la veille du second tour des élections en septembre. À l'époque, il avait réagi à cet incident humiliant en proposant une réponse militaire et même le report du vote.

Que la dernière frappe ait été ou non délibérément programmée en fonction de l'agenda politique de Nétanyahou, il en a tiré le meilleur parti alors qu'il s'efforce désespérément de conserver son poste afin d'éviter des poursuites pour de multiples accusations de corruption.

La violence à Gaza a servi à bloquer la formation d'un gouvernement minoritaire par le rival de Nétanyahou, le Parti bleu et blanc de l'ancien chef d'état-major des Forces de défense israéliennes Benny Gantz, avec le soutien tacite de la Liste unifiée arabe palestinienne. Alors que Gantz – qui a vanté son bilan de meurtres de Palestiniens lors des guerres de Gaza en 2012 et 2014 – a déclaré son soutien à l'assassinat ciblé, appelant à davantage encore de ces assassinats, les dirigeants de la Liste unifiée l'ont dénoncée.

Face à la perspective d'une troisième élection générale en Israël en à peine six mois, Nétanyahou cherche une grande coalition avec le Parti bleu et blanc de Gantz, ce qui lui permettrait de rester, au moins temporairement, Premier ministre et de parer ainsi les procureurs.

Les deux partis n'ont pratiquement aucune différence politique, économique ou militaire fondamentale, les différends internes de la politique israélienne se concentrant désormais principalement sur les manœuvres sordides de Nétanyahou pour éviter les poursuites.

L'exploitation politique du conflit de Gaza s'est traduite par la fermeture d'écoles pour un million d'élèves israéliens mardi, ainsi que par la fermeture d'entreprises et de transports publics dans une vaste zone, y compris Tel-Aviv. C'était la première fois que de tels ordres étaient émis depuis la première guerre du golfe Persique en 1991.

Cette tentative de terroriser la population vise à détourner les immenses tensions sociales au sein de la société israélienne vers l'extérieur. Parmi les économies avancées les plus inégales, Israël a le taux de pauvreté le plus élevé de tous les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La détérioration des conditions de vie de la grande majorité de la population active a donné lieu à une vague croissante de grèves et de protestations de la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 14 novembre 2019)

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