Les États européens tardent à répondre à la situation d'urgence alors que le coronavirus se propage dans le monde

Le nombre total de cas de coronavirus dans le monde a dépassé les 100 000 vendredi, après une semaine qui a vu une augmentation des cas détectés en Iran et en Europe.

Alors que l'épicentre de la pandémie reste la Chine, avec 80 576 cas dont 3042 décès, le nombre de nouveaux cas y est en baisse, car la recherche des contacts des patients infectés, les quarantaines et la vaste construction d’hôpitaux spécialisés de traitement de fièvre ont radicalement réduit la propagation du virus. Plus des deux tiers des personnes toujours infectées en Chine (53 929) se sont maintenant rétablies. Cependant, en particulier en Europe et en Iran, dont le système médical a été dévasté par des sanctions vindicatives américano-européennes, l'épidémie est devenue incontrôlable.

Vendredi, l'Iran a fait état de 1234 nouveaux cas, ce qui porte son nombre total à 4747, et a annoncé la fermeture des écoles et des universités jusqu'au 20 mars et la mise en place de points de contrôle sur les autoroutes pour arrêter la circulation entre les grandes villes.

En Europe, l'Italie a annoncé vendredi 778 nouveaux cas et 49 décès en 24 heures sur un total de 4 636 cas et 197 décès. L'Allemagne a connu 125 nouveaux cas pour atteindre 670; la France en a ajouté 230 cas pour atteindre un total de 653 avec neuf décès; L'Espagne a ajouté 119 cas pour atteindre 401 avec six décès; et la Grande-Bretagne a ajouté 48 cas pour atteindre 164 avec deux décès. Il existe des concentrations de la maladie dans les régions de Lombardie, de Vénétie et d'Emilie Romagne en Italie; Rhénanie du Nord-Westphalie, Bavière et Bade-Wurtemberg en Allemagne; l'Oise, la Savoie et le Bas-Rhin en France; et Madrid, le Pays basque et Valence en Espagne.

Il est urgent de stopper la propagation de cette maladie mortelle. Si le nombre de malades dans les pays européens continue d'augmenter de façon exponentielle au rythme actuel de 30 pour cent ou plus par jour, la maladie parviendrait au bout d’un environ un mois d’atteindre des millions de personnes dans chacun des plus grands pays européens - saturant ainsi les systèmes hospitaliers de centaines de milliers des patients gravement malades.

Le principal obstacle à la détection et à l'isolement de la maladie est la politique de droite, nationaliste et criminellement négligente des gouvernements européens. Du fait qu’ils se sont voués à une austérité qui a dévasté les services de santé et les services sociaux pendant des décennies et détourné des ressources massives vers les super-riches, ils refusent de consacrer les ressources sociales nécessaires pour traquer, traiter et arrêter la propagation de la maladie. La question cruciale est de mobiliser la classe ouvrière pour assurer l'utilisation rationnelle et coordonnée au niveau international de la richesse sociale créée par les travailleurs pour soigner les malades.

Alors que la Banque centrale européenne et la Banque d'Angleterre ont injecté ensemble l'équivalent de 1000 milliards d’euros dans les banques depuis le krach de Wall Street en 2008, l'aristocratie financière a saccagé les dépenses de santé et la capacité hospitalière à travers l'Europe. Le nombre de lits d'hôpitaux est passé de près de 700.000 en 1991 à moins de 500.000 en 2017 en Allemagne, et la France a perdu 17.500 lits d'hôpitaux, soit 5,3 pour cent du total, depuis 2013. L'Espagne comptait moins de 95.000 lits d'hôpitaux publics disponibles en 2016.

En Grande-Bretagne, 17.230 lits d'hôpital ont été éliminés sur les 144.455 qui existaient en 2010. Avant même l'épidémie de coronavirus, cela a valu un avertissement de la part de Simon Stevens, le chef du National Health Service (Service de santé national, NHS) en Angleterre, indiquant que la Grande-Bretagne avait un besoin urgent d’augmenter la capacité hospitalière.

Jeudi, le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, s’est senti obligé de critiquer les pays développés pour n'avoir pas agi résolument contre l'épidémie.

«Nous sommes préoccupés par le fait que certains pays n'ont pas pris cela suffisamment au sérieux ou ont décidé qu'ils ne pouvaient rien faire», a-t-il expliqué, ajoutant: «Nous sommes préoccupés par le fait que dans certains pays, le niveau d'engagement et d'action politiques ne correspond pas au niveau de la menace […] Même les pays à revenu élevé devraient s'attendre à des surprises, la solution est de se préparer de manière agressive. Nous ne pensons pas que le confinement doit être abandonné. Ne baissez pas les bras, ne vous-rendez pas, utilisez une approche globale.»

Le sommet des ministres européens de la Santé à Paris vendredi n'a fait que souligner les inquiétudes de l'OMS. Les ministres se sont affrontés sur le refus de la France et de l'Allemagne d'exporter des fournitures médicales essentielles comme des gants et des masques, rendant impossible la mise en commun des ressources dans une lutte commune contre la maladie. L'Union européenne (UE) a également augmenté ses fonds de recherche sur les coronavirus d’un dérisoire 42 millions de dollars, bien que des centaines de milliards d'euros d'investissement soient nécessaires pour développer les recherches, les capacités de production et les capacités de traitement nécessaires pour lutter contre la maladie.

En effet, chaque pays suit sa propre voie, mettant en œuvre des politiques nationales inefficaces et totalement inadéquates, alors que le coronavirus se propage et tue au-delà des frontières nationales.

Le gouvernement du Premier ministre italien Giuseppe Conte a fermé des écoles et des universités pendant 10 jours à partir de jeudi. Cependant, le conseiller de l’OMS auprès du gouvernement italien, Walter Ricciardi, a qualifié la mesure de «inutile et nuisible», car les écoles seraient fermées moins que la période d'incubation de 14 jours du coronavirus. Cela signifie que les jeunes qui ont contracté la maladie récemment peuvent rester à la maison pendant 10 jours sans manifester de symptômes, puis retourner à l'école, infectant davantage leurs camarades de classe avant qu'il ne soit évident qu'ils sont malades.

Il y a déjà des informations qu'en Lombardie, la région la plus touchée d'Italie, les patients atteints de coronavirus ne peuvent pas trouver de médecins pour leur rendre visite - soit parce que les médecins sont eux-mêmes malades, soit parce qu'ils ne trouvent pas de matériel de protection à porter pour examiner leurs patients en toute sécurité.

Jeudi soir, le président français Emmanuel Macron a déclaré de manière fataliste lors d'une réunion d'urgence, qu'une épidémie est «inexorable». Les autorités sanitaires françaises ont déclaré qu'elles envisageaient de fermer les écoles, les universités et les transports en commun pour mieux dépister la maladie.

Vendredi, lors d'une visite dans une maison de retraite, Macron a balayé l’approche du personnel, critiquant les mesures d'urgence et insistant avec une légèreté criminelle sur le fait que tout le monde devrait s'habituer à une épidémie de coronavirus, qu'il a minimisée, en la comparant à la grippe saisonnière. «De toute façon, l'épidémie sera là», a déclaré Macron, appelant les gens à «ne pas se départir de bon sens […] on gère chaque année des épidémies de grippe qui malheureusement font 9 à 10 000 morts.» Ceci est profondément erroné car le coronavirus est beaucoup plus contagieux et au moins 20 fois plus létale que la grippe.

Cependant, Macron a déclaré qu'il n’aurait pas de dépenses ni de mesures supplémentaires pour ralentir la propagation de la maladie. «Il faut pouvoir tenir. Si on prend des mesures très contraignantes qui ne sont pas tenables dans la durée, il faudra revenir en arrière.» [notre italique] Malgré une inquiétude grandissante du public, il a affirmé que la fermeture d'écoles ou de lieux de travail ne ferait que «créer de la panique».

En Grande-Bretagne, un deuxième décès par coronavirus a été enregistré chez un homme âgé qui n'était pas mis en quarantaine à son arrivée à l'hôpital de Milton Keyes avec de graves symptômes, mais qui s'est asphyxié après le retrait de son masque à oxygène. De plus, les autorités ont annoncé que les patients manifestant des symptômes légers de coronavirus seront invités à rester à la maison, afin de réduire la pression sur les hôpitaux, bien qu'ils soient alors plus susceptibles de propager la maladie à leur famille ou à leurs colocataires.

Plusieurs informations ont fait état en Allemagne de l'impossibilité d'obtenir des tests de dépistage de coronavirus, même pour des patients fiévreux manifestement malades et désorientés, ou - dans le cas du journaliste Juan Moreno, qui a été expédié pour faire un reportage sur l'épidémie italienne - pour ceux qui avaient voyagé dans les régions de l'épidémie.

De tels événements ne font que souligner qu'un investissement massif dans les tests de coronavirus, la production de vêtements de protection et d'équipements respiratoires et l'expansion de la capacité des hôpitaux peuvent surmonter les conséquences destructrices et dangereuses de décennies d'austérité de l'Union européenne. Les ressources existent pour le dépistage universel, les congés de maladie payés pour les personnes infectées, un traitement gratuit de haute qualité pour tous et la mise en place de conditions de vie et de travail sûres. Cependant, cela nécessite une coordination et une collaboration internationales et la mobilisation indépendante de la classe ouvrière pour superviser les conditions dans les foyers et lieux de travail.

L'accélération de la pandémie en Europe démontre indéniablement l'échec des banques et de la classe capitaliste à faire face aux menaces existentielles qui pèsent sur l'humanité et la nécessité d'une réorganisation socialiste de la société.

(Article paru en anglais le 7 mars 2020)

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