L'Afrique enregistre plus de 2400 cas de COVID-19

Le nombre de cas de coronavirus sur le continent africain continue d'augmenter avec plus de 2400 cas confirmés et 60 décès signalés à travers le continent en date de mercredi. Il est possible que des millions de vies soient perdues si le virus commence à se propager dans les quartiers populaires et les bidonvilles surpeuplés de nombreuses villes africaines. La propagation ne peut qu'être exacerbée par les conflits, la pauvreté et les maladies qui constituent un fléau sur le continent.

Jan Egeland, secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés, met en garde contre la situation déjà désespérée à laquelle sont confrontés de nombreux réfugiés dans les camps, comme le million de réfugiés dans la région du Sahel qui ont été déplacés par les guerres et les intrigues des puissances impérialistes et de leurs forces mandataires dans la région. Il a déclaré au Financial Times (FT): «Comment peut-on faire de la distanciation sociale alors que des milliers de personnes sont déjà entassées dans un minuscule camp ou une colonie de réfugiés?»

Atiya Mosam, médecin et spécialiste de la santé publique d'Afrique du Sud, a déclaré au FT: «Dans ces régions, une fois qu'il sera entré, nous aurons une infection généralisée. Nous disons: «Lavez-vous les mains, et quelqu'un répondra: avec quoi?»

Outre la tuberculose et le VIH, certains experts commencent à s'inquiéter de la manière dont le virus affectera les patients atteints de malaria, une maladie qui tue 404.000 personnes sur le continent chaque année, principalement des enfants. Le Dr Chikwe Ihekweazu, directeur du Centre de contrôle des maladies du Nigeria et éminent épidémiologiste, a déclaré à Bloomberg: «Il y a beaucoup d’inconnues. Nous ne savons pas comment ce virus va interagir avec le paludisme dans notre contexte. ... C'est un défi en matière de diagnostic, c'est un défi en matière de soins. Cela rend les choses encore plus complexes.»

S'adressant également à Bloomberg, le Dr Ngozi Erondu, chercheur associé au programme de santé mondiale de Chatham House à Londres, a déclaré: «Nous constatons que le virus a un impact plus grave sur les personnes souffrant de problèmes de santé sous-jacents et il est donc logique d'émettre l'hypothèse que nous pourrions observer une maladie COVID-19 plus grave dans une population qui est mal nourrie, qui a le paludisme ainsi qu'un tas d'autres infections.»

Une lutte internationale et coordonnée contre la propagation du coronavirus sur le continent africain est une nécessité urgente. L'attitude des grandes puissances impérialistes face à la crise en cours le souligne. Après avoir passé des décennies à piller et à appauvrir le continent, à exploiter et à opprimer sa vaste classe ouvrière, à déclencher des guerres de conquête néocoloniales qui ont entraîné la mort, le déplacement et la misère de millions de personnes, l'oligarchie financière et ses gouvernements sont déterminés à abandonner des millions de personnes à la mort.

Résumant l'état d'esprit de l'élite dirigeante face à la catastrophe imminente en Afrique et à l'aide d'urgence qui sera nécessaire pour arrêter la propagation du virus, le FT écrit: «Étant donné que chaque pays regarde vers l'intérieur, peu de gens ont des ressources disponibles.»

Le FT cite Gyude Moore, un ministre du gouvernement du Liberia lors de l'épidémie d'Ebola de 2014 qui a tué plus de 1. 000 personnes en Afrique de l'Ouest, pour qui il ne servait à rien de demander aux gens de rester chez eux alors qu'ils devaient travailler tous les jours pour survivre. «Les gens n'ont pas de ressources à stocker. Ils doivent sortir et se démener chaque jour pour nourrir leur famille.»

Moore a ajouté: «Les systèmes de santé chez nous ne sont en aucun cas aussi robustes qu'en Occident, ils seront rapidement dépassés. Par le passé, on pouvait se tourner vers l'Occident pour obtenir de l'aide. Mais ils se battent contre la même chose, donc il n'est pas du tout certain qu'une aide arrive.»

L'Afrique du Sud a enregistré 155 nouveaux cas mercredi, pour un total de 709. Cela représente une augmentation de près de 28 % par rapport à la veille. Le Nigeria (46 cas) et le Zimbabwe (3 cas) ont chacun enregistré leur premier décès. En Égypte, 402 cas ont été signalés et 21 décès, et en Algérie, 302 cas et 21 décès. En Tunisie, il y a 173 cas et cinq décès, et au Maroc, 225 cas et six décès. Au Ghana, 69 cas sont signalés et trois décès, et au Sénégal, 99 cas. Le premier cas a été signalé en Libye, pays déchiré par la guerre.

Au Zimbabwe, Zororo Makamba, journaliste de renom et fils d'un magnat des affaires, est mort de COVID-19 à son retour d'un voyage à New York. Il n'avait que 30 ans et souffrait de problèmes de santé sous-jacents.

Le VIH et le SIDA étant les maladies les plus répandues sur le continent africain, de nombreux autres jeunes risquent fort de succomber à la COVID-19.

Selon l'organisation caritative internationale Avert pour le SIDA et le VIH, «le SIDA est aujourd'hui la principale cause de décès chez les jeunes en Afrique». «La majorité des jeunes séropositifs vivent dans des pays à faible et moyen revenu, dont 84 % en Afrique subsaharienne... la moitié des jeunes de 15 à 19 ans séropositifs dans le monde vivent dans six pays seulement: Afrique du Sud, Nigeria, Kenya, Inde, Mozambique et Tanzanie". 73 % des nouvelles infections par le VIH chez les adolescents ont eu lieu en Afrique.

Afin d'enrayer la propagation du nouveau coronavirus, de nombreux pays africains ont déjà mis en place une forme de confinement et de quarantaine de masse.

Lundi, l'Afrique du Sud a rejoint la liste des pays devant mettre en place un état d’urgence, le président Cyril Ramaphosa ayant imposé un décret de séjour de 21 jours à domicile et la fermeture de tous les services non essentiels, en déployant l'armée et la police. Et au Sénégal, le gouvernement a instauré un état d’urgence dès la nuit jusqu'à l'aube.

Mais alors que les gouvernements africains prétendent prendre des mesures décisives pour freiner la propagation du virus, ils ont joué un rôle majeur dans l'état de quasi-effondrement des soins de santé. Selon Bloomberg, l'Afrique représente «16 % de la population mondiale mais seulement 1 % des dépenses de santé». L'Italie, où les hôpitaux ont été débordés et où plus de 7500 personnes sont déjà mortes de la COVID-19, compte 41 médecins pour 10.000 personnes, alors qu'en Afrique, il n'y en a que 2 pour 10.000.

Lors de l'épidémie d'Ebola de 2014, «plus de personnes sont mortes du manque de services de santé généraux que de l'Ebola», a expliqué Jimmy Whitworth, professeur de santé publique à la London School of Hygiene & Tropical Medicine, à Bloomberg Business au début de ce mois. Cette crise a entraîné l'interruption des traitements et des procédures de base pour le VIH, la malaria et la tuberculose, les cliniques étant fermées et les patients évitant les médecins par crainte de contracter la maladie.

Ce scénario horrible ne manquera pas de se répéter, car la plupart des médecins ne disposant pas d'équipements de protection individuelle (EPI) sont susceptibles de contracter le virus et de le transmettre aux patients et à leurs collègues, faisant des hôpitaux des foyers de transmission.

Des décennies après que de nombreux pays africains ont obtenu leur indépendance officielle, même les services sociaux et les infrastructures sociales les plus élémentaires sont une illusion pour la masse des travailleurs. La faillite des différents mouvements nationalistes petits-bourgeois et bourgeois a été révélée au grand jour. Les gouvernements africains imposent des inégalités massives, défendent les intérêts d'une étroite couche d’élites capitalistes et cherchent à trouver un équilibre entre l'impérialisme américain, le capitalisme chinois et les anciennes puissances coloniales européennes.

On a beaucoup parlé du faible nombre de cas sur le continent africain dans les premières phases de la maladie et du long délai entre son apparition initiale et l'arrivée sur le continent. Mais cela aussi était en grande partie l'expression de décennies de sous-développement, d'appauvrissement et de retard dont l'impérialisme et l'élite dirigeante africaine sont responsables. S'adressant à France24, Augustin Augier, directeur général de l'Alliance pour l'action médicale internationale (ALIMA), a déclaré que «la raison la plus probable pour laquelle l'Afrique a un nombre aussi faible de cas est le faible volume de contacts entre le continent et le monde, notamment le nombre réduit d'avions et de personnes qui viennent ici.»

Une campagne internationale dans la classe ouvrière exigeant les ressources, le personnel et l'équipement nécessaires pour arrêter la propagation du virus sur le continent africain est impérative. Mais cela exige une direction politique indépendante et une perspective basée sur la lutte contre l'impérialisme et ses agents locaux: une lutte pour le socialisme.

(Article paru en anglais le 26 mars 2020)

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