Des milliers de nouveaux décès dus au COVID-19 en Europe, le premier ministre britannique en soins intensifs

Lundi, on a annoncé la mort de 439 autres personnes à la suite de la COVID-19 en Grande-Bretagne. Le soir même, le premier ministre Boris Johnson était transféré dans une unité de soins intensifs de l’hôpital St Thomas de Londres. Diagnostiqué d’une infection au coronavirus il y a 11 jours, Johnson s’est rendu à l’hôpital dimanche soir avec des symptômes persistants. Son état s’est aggravé lundi après-midi.

Alors que les décès enregistrés ont diminué pendant quatre jours consécutifs et que les taux d’hospitalisation se seraient stabilisés à Londres, les admissions augmentent rapidement dans d’autres régions du pays. De nombreux travailleurs de la santé britanniques ont été infectés et 12 sont morts, dont un jeune de 24 ans, John Alagos. Ces derniers jours, 10 employés des transports publics de Londres sont morts, ainsi que deux employés des postes. Un chauffeur de bus à Bristol et un autre à Nottingham sont également décédés. Lundi, on a signalé le premier décès d’un travailleur social.

Développement macabre, un cabinet d’avocats de Londres offre au personnel du Service de santé britannique (National Health Service – NHS) un service gratuit de rédaction de testaments.

Plusieurs pays européens ont enregistré une baisse du nombre de cas de coronavirus et des décès ces derniers jours. Cela laisse penser que les mesures de santé publique prises tardivement et nécessaires par les gouvernements commencent à avoir un effet, limité.

L’Italie a connu une augmentation des décès hier après avoir enregistré dimanche son plus bas total quotidien en deux semaines. Mais le nombre de nouveaux cas a maintenant baissé pendant cinq jours consécutifs et le nombre de patients en soins intensifs pendant trois jours.

En Espagne, le nombre de cas et de décès quotidiens a chuté pendant quatre jours consécutifs, pour atteindre son total le plus bas en deux semaines. En Allemagne, le nombre de nouveaux cas a également diminué au cours des quatre derniers jours.

La France enregistre une augmentation massive du nombre de décès maintenant que les chiffres des maisons de retraite commencent à apparaître. Le gouvernement Macron a fait tout son possible pour dissimuler l’ampleur réelle de l’épidémie, refusant jusqu’à jeudi dernier d’inclure les décès des maisons de repos dans ses chiffres officiels. Près de quatre mille (3.865) maisons de retraite ont jusque là enregistré au moins un cas de COVID-19.

Le coût humain est brutal et le nombre de décès va continuer à augmenter en Europe dans les semaines à venir. En Italie, 636 personnes sont mortes lundi, ce qui porte le total à 16.523. En Espagne, on a compté 637 nouveaux décès, ce qui porte le bilan à ce jour à 13.055. La France a connu 833 nouveaux décès, ce qui porte le bilan à 8.911. En Allemagne (1.796 décès au total), 219 personnes de plus sont décédées mardi. Au total, on a cumulé 3.132 décès supplémentaires en Europe, ce qui porte le triste total à 52.359.

Les chiffres réels sont bien plus élevés, la plupart des registres gouvernementaux ne prenant pas en compte les décès survenus en dehors des hôpitaux.

Parmi les décès figurent de nombreux travailleurs des services de santé qui ont payé de leur vie la négligence criminelle des gouvernements qui n’ont pas pris les mesures adéquates pour se préparer à une pandémie prévue de longue date, ont ensuite retardé leur réaction à l’épidémie en cours, faisant trop peu, trop tard pour empêcher sa propagation. Ils ont laissé le personnel de première ligne sans équipements de protection suffisants.

À ce jour, en Italie, plus de 12.000 travailleurs de la santé ont testé positifs au COVID-19 et 101 membres du personnel médical (80 médecins et 21 infirmières) ont perdu la vie. Le professeur Francesco Castelli, directeur de l’unité des maladies infectieuses d’un hôpital de Brescia, en Lombardie, a déclaré à Sky News: «Nous nous demandions entre nous qui serait le prochain…»

Un total officiel des décès n’existe pas pour les travailleurs de la santé en Espagne, mais le nombre des infectés y dépasse les 19.000. Le système de santé du pays a été si débordé par l’épidémie que le gouvernement a dicté aux personnels médical soupçonnés d’être infectés de reprendre le travail sept jours après les premiers symptômes. De plus, le décret déclare qu’ils doivent porter un masque pour les sept jours suivants, qu’ils aient ou non reçu un test.

Les Conseils généraux des dentistes, des personnels soignants, des pharmaciens, des médecins et des vétérinaires – qui regroupent 700.000 travailleurs de la santé – ont exprimé leur «rejet absolu» de cet ordre. Ils ont condamné celui-ci comme une «imprudence inacceptable» constituant un «risque grave» pour la santé des travailleurs médicaux et de leurs patients.

En Suède, le gouvernement a adopté la politique d’immunité collective à laquelle la Grande-Bretagne a dû renoncer il y a deux semaines. Les responsables suédois ont invoqué une population relativement jeune et en bonne santé et la prévalence de ménages seuls dans leur maison comme raisons d’espérer en une «exception suédoise».

Les écoles pour les moins de 16 ans restent ouvertes, tout comme les bureaux, les cinémas, les salles de sport, les coiffeurs, les bars et les restaurants. Ce n’est que mercredi dernier que le gouvernement a interdit les visites dans les maisons de retraite. Il a réduit la taille maximale des rassemblements de 499 à 49 et conseillé aux gens de garder une «distance» indéfinie vis-à-vis des autres.

L’épidémiologiste de l’État suédois, Anders Tegnell, a déclaré au journal Svenska Dagbladet la semaine dernière que la stratégie principale du gouvernement était d’assurer «une propagation lente de l’infection, et que les services de santé aient une charge de travail raisonnable». Jeudi dernier, il a déclaré à la chaîne publique: «Dans un mois, je pense que nous serons assez proches d’atteindre l’immunité collective».

Mais plus de 2.000 médecins et universitaires, dont le directeur de la fondation Nobel, ont publié une lettre ouverte dénonçant cette politique. Cecilia Soderberg-Naucler, professeur de pathogenèse microbienne à l’Institut Karolinska, a déclaré à Reuters: «Nous devons établir un contrôle sur la situation. Nous ne pouvons pas aller vers une situation où le chaos est total. Personne n’a essayé cette voie, alors pourquoi devrions-nous d’abord la tester en Suède sans un consentement éclairé?»

«Nous ne testons pas assez, nous ne suivons pas, nous n’isolons pas assez, nous avons laissé le virus se répandre. Ils nous mènent à la catastrophe» a-t-elle poursuivi.

En Suède on comptait hier en tout 477 morts dus au virus, soit quatre fois plus que la semaine précédente, avec 76 nouveaux décès supplémentaires lundi. Un retard dans la déclaration des décès signifie que les chiffres réels seront plus élevés. Au cours de la semaine dernière, les nouvelles infections ont augmenté en moyenne de 447 par jour, contre 256 par jour la semaine précédente.

Un tiers des municipalités du pays ont signalé que le virus était présent dans les maisons de soins, et 100 maisons de soins à Stockholm ont des cas. Une cinquantaine de résidents de ces établissements sont décédés dans la capitale.

Le personnel des hôpitaux et des maisons de soins a mis en garde contre le manque d’équipements de protection. On a triplé la capacité des soins intensifs de Stockholm en prévision d’une vague d’admissions et un hôpital de campagne est en cours de construction au sud du centre-ville, qui pourra accueillir 600 patients à terme.

Samedi, le premier ministre social-démocrate Stefan Löfven a dû admettre: «Nous aurons davantage de personnes gravement malades qui auront besoin de soins intensifs. Nous attendons des milliers de décès. Nous devons nous y préparer».

«Cela signifie-t-il que c’est une conséquence calculée que le gouvernement et l’autorité de santé publique pensent être acceptable? Combien de vies sont-ils prêts à sacrifier pour ne pas… risquer un impact plus important sur l’économie?» a demandé Joacim Rocklöv, professeur d’épidémiologie et de santé publique à Umeå.

Bien que le gouvernement fût contraint finalement de mettre en place des quarantaines et d’autres mesures de santé publique, les mêmes froides considérations économiques informent tous les gouvernements européens. Avant toute considération de santé publique, leur préoccupation est de remettre les travailleurs au travail et de produire du profit pour les entreprises.

Comme l’a écrit avant-hier un collaborateur de Forbes, «l’Italie ne pourra pas signaler un millier de nouveaux cas par jour d’ici la troisième semaine d’avril, sinon le marché va s’effondrer… Espérons que l’Europe pourra commencer à rouvrir à un moment donné au début du mois de mai».

Le ministre italien de la Santé, Roberto Speranza, a présenté une série de mesures «pour créer les conditions qui permettent de vivre avec le virus». Dans le cadre de la «phase deux» de l’urgence, les Italiens reprendront le travail, la distanciation sociale restant en vigueur ; l’utilisation accrue des équipements de protection individuelle sera encouragée, les systèmes de santé locaux renforcés, les tests et la recherche de contacts étendus.

Selon le Sun, les fonctionnaires britanniques élaborent des plans pour un retour au travail échelonné d’ici juin, les fonctionnaires du Trésor ont averti qu’attendre plus voudrait dire que des «entreprises normalement florissantes feraient faillite».

L’Allemagne est en train de mettre au point des procédures similaires.

Samedi, le premier ministre espagnol Pedro Sánchez (Parti socialiste) a annoncé que de nombreux travailleurs non essentiels, notamment ceux du secteur de la construction et de l’industrie manufacturière, seraient contraints de reprendre le travail après Pâques. Ils devraient rattraper les heures perdues par des heures supplémentaires le soir et le week-end.

Les demandes de retour rapide au travail sont motivées par les intérêts financiers, non par des preuves scientifiques ou la sécurité publique. Le Financial Times écrit: «En gérant le retour au travail, les gouvernements devraient également demander conseil à des experts économiques et commerciaux, comme ils le font pour les choses liées à la santé».

Samedi, le professeur Graham Medley, principal modeleur de la pandémie au gouvernement britannique, a déclaré au Times: «Les mesures visant à contrôler [la maladie] sont néfastes. La principale est économique… Si nous poursuivons le confinement, cela nous permet de gagner du temps, de réfléchir davantage, mais cela ne résout rien – c’est un caractère de remplissage».

Selon ce journal, Medley a déclaré que «le pays devait faire face au compromis entre nuire aux jeunes contre nuire aux personnes âgées».

(Article paru d’abord en anglais 7 avril 2020)

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